BAYONNE: « LA ROUTE DE SANTAFE… »

     15 Juillet : On peut s’imaginer ce que ressent un ganadero lorsque, pour la première fois, il passe « en piquée ». Surtout dans une plaza où il a conquis respect et lauriers en maintes prestations « sin picar ». Envie de crier, lorsque l’on ne met pas en valeur la qualité de ses produits… Envie de « rentrer sous terre », lorsque ses bichos fléchissent par trop… Envie d’embrasser la terre entière, lorsque le public, aficionados et néophytes réunis, ovationnent en chœur le trapio du magnifique sixième de la tarde…
     Pourtant, malgré tous ces sentiments mêlés, malgré le devoir en grande partie accompli, malgré les « Enhorabuenas ! » et autres « Félicitations ! », il sait très bien, le ganadero navarrais, qu’elle est encore longue… la route de Santafé !

     De même que longue, très longue est la route de trois novilleros de « corte » et de « trapio » différents. Certes, « être torero » est principalement le courage et le talent... mais aussi, et même avant tout, une certaine « esthétique » corporelle… Déjà à ce niveau, on peut dire que les trois toreros d’hier étaient « d’un corte » différent. Pourtant, leur volonté était la même, peut-être, mais disparate furent leurs manières et leur bilan.
     Marco Leal, auteur à notre goût, du meilleur quite de la tarde (les chicuelinas et la demie, à son premier) a connu des moments très estimables, avec cape, banderilles et muleta. Cependant, « tout en muscles », le jeune Arlésien aura toujours du mal à se classer dans les rangs des « finos ».
     A voir Juan Luis Rodriguez au capote, on peut penser que le frêle Albaceteño est justement, « un fino »… Hélas, plein de bonne volonté mais sans réel fil conducteur, du moins en ce jour, le garçon « accumula les passes », alla « de mas a menos » et finit de tout gâcher avec l’acier.
     Pourtant, la grande déception du jour fut Miguel Tendero. Curieusement cet autre Albaceteño, déjà « muy toreado », que l’on vit très bien à Madrid, dernièrement, n’est jamais sortie d’une élégance « artificielle », accentuant à outrance ses sorties du toro, après avoir toréé parfois « templado », mais relativement inélégant, la tête dans les épaules, la muleta bizarrement tenue, pointe du palo très haute, en un ensemble relativement « basto » et sans réelle ou « naturelle » expression artistique. De plus, un certain air compassé ne parvint en rien à « transmettre » par delà… le callejon où, apparemment, il fit quelque unanimité.
     « Pues lo siento mucho ! A mi, no me gusto na ! »  Mais… ce n’est là qu’une opinion!

     Bref, du toro et du Toreo pour tous les goûts, hier à Bayonne, en un 14 Juillet où le beau temps joua una mala pasada à l’Organisation : En effet, il faisait un « grand bleu », bien trop rare, cette année, sur notre Côte Basque, et beaucoup restèrent à la plage… Et pas que des touristes !
     Là aussi, on peut dire qu’elle est longue… la route de l’Aficion !

 

    Lundi 14 Juillet – BAYONNE – Novillada piquée – Demasiado poca gente ! – Grand Beau: Novillos de Santafé Marton, ganaderia Navarraise qui prenait du grade en faisant sa présentation « avec picadors ». Bonne présentation, en général, allant « crescendo de trapio », les deux derniers étant ovationnés à leur sortie. Guapisimos le burraco « Tranquilino » et le colorado « Estudiante ». Au moral également, les Navarrais se montrèrent très nobles, un peu trop faibles au premier tiers, « remontant » à la muleta, mais manquant peut-être de ce « nerf », de ce « piquant » qui avaient fait leur réputation, lors de plusieurs « non piquées », épiques, en ce même ruedo. Pour le torero, on retiendra le grand quatrième « Cancionero » et le sixième. Belle présentation du ganadero, même si elle n’est pas tout à fait « bonne ». 
     Poids de la novillada : 432, 468, 436, 493, 482, 486.

     Marco Leal : Vuelta après pétition, et Une oreille – A touché le bon lot, et s’est « multiplié » tout au long de la tarde. On l’aura préféré devant le premier, tant au capote (jolie demie, à la réception, et bon quite « chicueliné ») qu’à la muleta, en certaines séquences « bien tirées ». Faena « voulant faire bien les choses » à un novillo un peu tardo. Pour conclure, gros coup de rapière, un peu desprendido et une pétition d’oreille somme toute très logique.
     Devant le grand quatrième, très noble, qui demandait « confiance », temple et distance, l’Arlésien se mit trop « dessus » en un long trasteo sans grande classe mais toujours plein de volonté. Plongeant une lame contraire, qui tua vite, Marco Leal coupa la seule oreille du jour.
     Juan Luis Rodriguez : Silence et Silence – Se montra très élégant torero au capote, en une belle réception de son premier par quatre bonnes véroniques « pata palante » et gagnant du terrain. Il en fut de même au cinquième, mais cette fois, le remate se conclut par un capote mis en charpie. Hélas, à la muleta, le jeune diestro alla par deux fois, de très « mas », a très « menos », accumulant les séries et les suertes souvent bien débutées mais tournant mal, par faute de dominio. Comme il n’y avait pas de confiance, il tua mal, par deux fois. Il faut attendre, car le jeune « apunta » de la qualité.
     Miguel Tendero : Silence après un avis, à ses deux toros – Revenait après le dur accident vécu en un festival, près d’Albacete, il y a une quinzaine de jours. Bizarrement, le novillero « promesse » d’Albacete n’a pas paru au mieux, hier à Bayonne. Très avare de ses efforts au capote, en deux réceptions discrètes (deux bons delantales, au centre, à son second) Tendero se montra muletero décevant, toréant souvent templé, mais jamais naturel, la tête dans les épaules, « codilléant » beaucoup, bras raccourci, la pointe de la muleta en haut, en d’inégales séries, orphelines de réel dominio. Malgré les encouragements, logiques, du callejon, le novillero que l’on vit bien, lors de la dernière San Isidro, n’aura pas convaincu. Beaucoup penseront qu’il aura tout perdu en de calamiteuses entrées a matar, très « tendidas » (avec une vilaine atravesada au troisième)… mais on peut penser que c’est « bien avant », qu’il n’a pas convaincu.
     A noter « un pique », un duel aux quites, au cinquième de la tarde, entre les deux élèves de l’Ecole d’Albacete : Tendero et Rodriguez. Ce dernier répliqua « par chicuelinas » à une quite de son collègue « par chicuelinas ». On aurait peut-être souhaité plus de variété, mais « ya es algo ! ». De même, Marco Leal exécuta, un peu tardivement, un quite un peu laborieux, par lopecinas, au dernier de la soirée.
     En un mot, tarde intéressante où l’on aurait souhaité que « les toros et les hommes » eussent plus de… moteur !