DAX : « VIVA
COLOMBIA ! »
Triomphale corrida « con toros y toreros »
14 Août – Lettre à
Zocato :
« Mon cher Vincent – A
l’heure où je prends la plume électronique » (on n’arrête plus le
progrès), tu seras probablement toujours dans les bras de Morphée, à
ruminer, entre autres, les émotions qui t’auront forcément étreint lors
de la corrida d’hier, en notre plaza bénie de Dax. Et parmi toutes
celles-là, le brindis « de l’indien », le geste du torero, les mots de
l’ami de tant d’années.
Ce n’est pas le premier brindis que tu reçois, mais
celui-là a du te faire le pire « tilin-tilin » de ta vie. Tout
simplement parce que toi, moi et une poignée d’autres aficionados,
avions conscience de ce qu’il représentait, du moment où il arrivait, et
devant quel « bicharraco » il se produisait.
Un brindis peut être « machinal » et prémédité, voire « arrangé
d’avance »: Le torero s’avance, le regard vide de tout sentiment,
cherche des yeux le ministre ou le haut responsable que son mozo lui
désigne d’un air faussement discret, lève sa montera, aligne trois
banalités et passe aux choses sérieuses.
Mais lorsque le brindis s’adresse à un ami, et qu’il
est « senti » et ressenti par les deux, seuls au monde l’espace d’un
long monologue, il en est d’une toute autre émotion.
Tout d’abord, la gorge se serre, car c’est un honneur
que vous fait l’ami torero. On écoute, on boit ses paroles, les yeux
dans les siens, avec à la fois l’envie de rire et pleurer. Ensuite,
c’est « une responsabilité », car on sait bien qu’après de telles
paroles « de cariño » et de fidélité « pour la vie qui reste », le
torero va vouloir « honorer » son brindis. Alors, les images défilent,
en long calendrier. On rassemble d’un coup « tout ce que l’on sait » du
torero, de son parcours fameux, de son poder torero… on mesure « ce que
l’on devine » de sa situation actuelle, de ses facultés physiques, à la
veille du départ, après mille batailles et encore plus d’embuscades,
dont on a été le témoin… et l’on confronte tout cela à « ce que l’on
sent » du toro qui attend, en arrière plan, « derrière » les yeux du
glorieux copain…
Et l’on se dit : « Suerte, Cesar ! Je te souhaite de
triompher… mais, cuidate ! parce que l’autre, là-bas, c’est un sacré
tonton ! »
Je ne sais si tu l’as vécu ainsi, Vincent, mais je pense « que oui ! ».
Je n’ai pas lu ta reseña, mais, elle doit être de celles qui mettent
« los pelos de punta »…
Probablement ton rédacteur n’a pas été d’accord sur la
page et demi que tu demandais « pout tout dire »… Alla él ! Peu
importe : ce qui s’est passé, durant ces quinze minutes, remplira
probablement ta vie d’aficionado, de revistero, et d’homme tout entier…
« Vaya un brindis ! Vaya un bicharraco !... et vaya un
esfuerzo que hizo el indio, en tu honor ! »
« Quel brindis ! »…Seul toi et tes voisins (des amis,
également) auront entendu ce long « parlamento ». Sans trop m’avancer,
il devait mêler les longues heures d’angoisse rentrée, à Madrid ou
Séville, et les belles soirées Colombiennes, à Cali, Medellin ou
Manizales… Il devait dire : « Tu sais que je suis un peu « limite », et
que maintenant j’aspire à être bon ganadero, mais avant tout, mari et
père comblé. Mais en attendant, ce toro-là, je te l’offre, pour le
toréer « comme tu l’aimes », dussé-je me faire trouer la peau ! »
« Quel toro ! » La vache, quel engin ! Grand, haut, « amplio
de culata » et encore plus large de cornes ! (« Con respeto », une tâche
dans l’homogénéité de l’envoi du Conde de Mayalde!). Et bien entendu,
c’est le Colombiano qui l’a eu ! Je suis sûr que lorsque tu l’as vu, la
première fois, tu t’es dit : « Ese, pa el Indio ! » Avec la chance qu’il
a au sorteo, cela ne pouvait manquer ! Vaya toro ! Fort, dur, méchant !
Et… pas assez piqué, probablement. Avant la première paire de
banderilles, il avait déjà « remonté ». Et à la troisième… « como nuevo ! ».
Cesar voulut débuter assis à l’estribo. L’autre lui
fondit dessus, et un peu plus, « del salto que pego », il se retrouve
assis sur les genoux de la jolie blonde en barrera, non sans avoir
décapité au passage, Luis Carlos, le frère du torero et son mozo de
espada « de por vida ». Cesar fronça les sourcils, comme il le fait
quand cela devient vraiment sérieux… et repartit à la charge : même
passe, même lieu, même sanction… Debout, le maestro réussit à lui coller
deux remates, dont un, fameux. Mais déjà, tous nous nous regardions :
« Cela va être dur ! Il va être « juste ! ». Et c'est ce qui arriva: il
a du renoncer, le petit grand homme, mais après un combat où il se joua
la vie. Un combat comme seul on peut le livrer quand on est « torerazo »…
ou quand on l’a brindé à un ami.
« Vaya esfuerzo ! » Quel effort il a fait, ce César que
l'on appelle "Indio", avec le plus grand des respects ! Il a fallu six
minutes haletantes, se faisant durement « pointer » la cuisse droite,
pour qu’il renonce dignement, « doublant » la brute par le bas, sans
perdre « ni papiers, ni compostura ». Un toro qui en aurait fait courir
des bien plus jeunes…
Mais déjà pensais tu, comme nous : « Y ahora, como le
caza, a ese ? » Et maintenant, comment il va bien pouvoir le tuer ?
- Hombre ! Lo hizo « como pudo », s’échappant de la
première entrée, et frôlant la catastrophe à la deuxième, tout en
mettant le bras, pour une lame contraire qui s’avéra « définitive ». Le
visage creusé, les yeux « au fond du trou », avec, en haut de la cuisse
droite, un nouvel accroc « de gloria », il vint te voir pour quelques
probables mots de pudique excuse. Pourtant, une fois de plus, Cesar
Rincon venait de faire honneur au costume de lumières, son habit de
toujours, sa deuxième peau.
C’était un échec… Mais, de ces échecs-là, on veut bien
en raconter dix ans encore… D’ailleurs, Dax l’a bien compris, qui monta,
debout, une des ses ovations dont elle a le secret.
Il était ému, le Cesar de Colombiens, très ému ! Très
fatigué, également.. un peu comme après « Bastonito »… Es que « el
bicharraco ese !!! »
Un sacré brindis ! Un sacré toro ! Un sacré moment
« torero » !
Pourtant, il n’y eut pas que cela, et ton rédacteur en chef devra bien
te la laisser, cette page et demi, pour raconter la corrida de ce 13
Août 2007, en plaza de Dax.
Curieusement, je pense que c’est sur le grand
triomphateur, Miguel Angel Perera, que tu passeras le moins de temps…
Trois oreilles pourtant, en deux faenas « de las suyas », sans surprise,
face aux deux meilleurs de la tarde.
Bon ! On est très heureux pour lui, qui ne cesse de
faire le yoyo entre cimes et bas fonds… Hier, ce fut « tout en haut »…
Pero no nos llena ! Je ne sais ce que tu en penses, mais moi…
Et puis il y eut « l’autre Indien ». Un autre
Colombien, noir Caleño… le regard mauvais mais le jarret souple, la
ceinture agile et le poignet fluide… Un torero en puissance ! Un futur
grand, peut-être ! Luis Bolivar... Jusqu’à présent, on lui a
plutôt donné à ronger « des os », même s’ils étaient « de luxe ». Dax
lui en a donné un « de sucre », et le garçon nous a régalés. Pour faire
bonne mesure, il l’a brindé à César, son « maestro » compatriote…
Beaucoup découvraient le petit Bolivar, hier… Pas toi,
Vincent, qui as vu en Colombie, ce dont il est capable. Pas nous, qui le
suivons depuis le temps où, « écolier » à Madrid, il partait à l’assaut
de ses premiers novillos, épée devant, sans muleta. Il s’est assagi,
depuis ! Certains disent qu’il a perdu « la flamme ». Pourtant, hier,
c’est bien « du classique flamboyant » qu’il nous a servi ! Faut dire
que le toro… de sucre !
Vaya tarde ! Cuantas emociones ! Le regard perdu dans le ciel ou le
sable Dacquois, l’espace d’un instant tu as retrouvé les « moments
Colombiens » : la chaleur, les parfums, la gentillesse des gens, la
beauté des femmes... Colombie admirable, autant que décriée ! Colombie
dont tu sais, toi, avec une poignée « de nous », qu’elle est « unique ».
Colombie « qui t’a pris dans ses bras », comme hier l’a fait, par le
regard, par les paroles et par « les actes », un des plus grands et plus
sincères toreros de notre ère. Enhorabuena, Vincent ! Et « recharge le
stylo » car, même si ce ne sera pas « la même chose ! », il est possible
que tu aies encore l’occasion d’écrire de nouveaux « Viva Colombia ! »
et ces jours-là... on sera à tes côtés !
Con respeto » - Patrick Beuglot
13 Août – DAX – 3ème corrida de Feria – Plaza
llena – Temps gris clair, agréable : Six toros du Conde de Mayalde,
homogènes de trapio, le quatrième dépassant la moyenne « de deux têtes
et quelques kilos ». Corrida importante quant au comportement, sortant
vive, alerte, allègre et noble, avec beaucoup de « fijeza ». Faisant
correctement leur devoir à la pique (quoique que sans grand excès) les
Mayalde «escabaron mucho », grattant beaucoup le sable avant de se
lancer franchement à l’assaut des muletas. Trois d’entre eux méritent le
« Plus plus! », en ce qui concerne la noblesse : Les 2,5 et surtout
6èmes « de ensueño ». Le 3ème « avait vingt passes, bonnes,
mais pas plus ! » résultat d’une vuelta de campana, en pique
supplémentaire. Le 1er fut un méchant, probon, violent, qui
accrocha très vilainement le Pirri, en lui « montant à la gorge »,
tandis qu’il banderillait. Toro très dur, que le public n’a peut-être
pas entièrement perçu. Quant au 4ème, ce fut un vrai « garbanzo »,
très violent mais pas trop vicieux, heureusement.
Au bilan final, même si la corrida fut noble et qu’elle
ne tomba point ; même si c’est un succès de plus pour le ganadero, on
trouvera légèrement superflue la sortie a hombros du mayoral,
accompagnant par la porte d’honneur, les deux triomphateurs du jour,
tandis que, très ému par la forte ovation, Cesar Rincon partait à pied
vers… un nouveau souvenir Dacquois.
Cesar Rincon : Une oreille, après avis ; et Grande
ovation – Arrivait, déçu du véritable « traquenard Biterrois » de la
veille. Certes, on sent que le maestro Colombien n’a plus « la sécurité
physique » dont il faisait preuve jadis (malgré la maladie qui le
minait), pourtant, il donna toute une leçon de « Pundonor torero »
devant le toro d’ouverture, qui fut « un des deux os » de la journée.
Toro fort, violent, « probon » qui « regarde » et essaie de trouver la
faille ; toro « malin », qui fait semblant, mais n’y va jamais
franchement, avant « de vous exploser » au visage. Cesar le reçut bien,
en quatre delantales sans bavure. De même, son début, par le haut, puis
« main gauche », immédiatement, porta la marque des grands.
Puis il partit vers les grands espaces, comme en 91, lorsqu'il leva
Madrid, et toute la géographie taurine: Cites de loin et « aguante firme
», sur une charge de quinze mètres. « A droite toute! » et superbe pecho.
Grosse photo! La suite fut
« une bagarre intelligente » d’où le risque ne fut jamais
oublié. Tant sur
droite que gauche, Rincon chercha à s’imposer et y parvint
partiellement, toute sincérité en avant. Le public s’en rendit compte
qui le suivit « à fond » et obtint une oreille, après une estocade
entière, contraire, où le torero se mit « entre les cornes »,
à l'encuentro.
Le quatrième, du nom de « Joyero », ne fut pas un
cadeau ! Grand, large de cornes, il fut ovationné à sa sortie, par ceux
qui restent « en haut ». Toro fort, bien reçu au capote, mais
« menaçant ». Toro peut-être pas assez châtié, qui remonta dur, au
deuxième tiers. Après un long brindis à Vincent Bourg « Zocato », Cesar
Rincon alla s’asseoir à l’estribo du soleil, où la première passe fut la
parfaite image de ce qui allait suivre : Brutalité pure, et force
aveugle. Maintenant debout, le Colombien, partit vers le centre, et une
première série de la gauche leva les espoirs. Pourtant, dès la première
passe de droite, le toro lui mit une grosse « béquille », de la pointe,
au bas de la cuisse. L’accroc au vestido d’or et aubergine en témoigna.
Boitillant mais fier, Rincon repartit au combat, « essaya » de toutes
ses forces, « essuya » de nouvelles menaces, et dut renoncer... « comme
ils l’auraient tous fait ».
Certains sifflèrent ! Laissons-les à leurs errances,
tandis que le torero « doublait » le bicho par en bas, sans n’être
jamais dépassé. A l’épée, la menace était palpable : Tête en haut,
toujours « bien vif », le toro attendait, menaçant. Rincon « s’effaça »,
sur un premier pinchazo, mais à la seconde, la réunion fut d’une extrême
violence. A la sortie, le costume torero était largement déchiré, en
haut de la cuisse droite, mais au garrot, le toro portait une épée,
contraire, tendue, mais finalement efficace.
Très dur moment de défaite, pourtant synonyme de
nouvelle victoire sur soi-même, et sur le destin. « Vaya bicharraco,
aquel ! ». Chapeau, Monsieur Rincon !
Miguel Angel Perera : Deux oreilles, et Une
oreille – En plein boum, depuis Huelva, le jeune Extremeño toucha « les
deux bons » de la tarde, bas, nobles, avec du moteur, et les fit passer
sous toutes les formes, sous tous les angles, « à l’envers et à
l’endroit », avec, pour talent d’évidence, le temple. Par deux fois,
Perera égrena de longues séries de longs muletazos, certes souvent
parfaits, mais sans réelle expression, sans cette « chispa » qui fait
« qu’une naturelle du Morante, en vaut dix de Perera ». Par contre,
lorsqu’il se met « à bout portant », en arrimon de fin de faena, c’est
« du pile ou face », et cela porte sur tous. Vaya un par de huevos ! Et
comme il tua « fort », le public Dacquois manifesta satisfaction,
ouvrant sa grande porte, avant peut-être d’ouvrir son cœur, un jour…
Luis Bolivar : Ovation et Deux oreilles – Jouait
« gros »… Il en était conscient, et de même son entourage, avec
Victorino fils, en apoderado chef. Et le garçon saisit sa chance, fut de
tous les bons coups, avec cape, muleta et estoque… Au final: Bingo!
Très bien, au capote, tant dans ses véroniques de
réception que dans les quites « aériens et serrés » (tafalleras et
chicuelinas), le jeune Colombien ouvrit ses faenas spectaculairement,
l’une par deux cambios dans le dos, si chères à Castella, et l’autre par
une dosantina main gauche, du plus bel effet. Mais l’important est…
qu’il sait toréer, pieds bien à plat, « erguida la figura », templant
magnifiquement ses passes fondamentales, longues, suaves, contresignées
de grands pechos. C’est ainsi qu’il monta une superbe (mais un poil trop
longue) faena au noblissime sixième, brindé à Cesar Rincon. Faena « a
mas », en sa première moitié, close de manoletinas vibrantes et d’un
coup d’épée « a morir ». La plaza « explosa » d’un coup, se levant d’un
bond, exigeant derechef les deux oreilles qu’un président Amestoy, qui
s’est encore fait des copains, ne tarda pas trop à concéder.
Devant son premier, qui avait fait la mauvaise
cabriole, Bolivar fut bien également, débutant fort, par deux faroles au
capote, et deux cambios au centre, à la muleta. Son seul tort : vouloir donner
quarante passes à un toro « qui n’en avait que vingt ».
Au final : Jolie corrida du Conde de Mayalde ! Grand triomphe, et belle
émotion… sur un brindis.
Y.... Viva Colombia!!!! |