Reseña du 15 juillet 2006

 

MONT DE MARSAN : « UN GROS NUAGE ! »

A Cesar Rincon la première oreille de la feria.

     16 Juillet : Sous une chaleur accablante, le paseo venait de se terminer. On avait fait saluer Cesar Rincon, et tout le monde dégoulinait de bonheur… et d’espoir. Cartel « de luxe » et toros « de garantie ». La Madeleine 2006 s’ouvrait sous les meilleurs auspices… Hélas, dix minutes plus tard, Mont de Marsan vivait… ce que vivent quatre vingt pour cent des grandes plazas, des grandes ferias : Un toro qui « se casse quelque chose » et qu’il faut puntiller, pendant la faena. Et bien entendu, c’est à Rincon que cela arrive, et au premier toro de la Feria. Pauvre toro ! Pauvre Cesar ! Pauvres Montois !
     Hélas, ce n’était pas tout ! A peine le deuxième était il sorti que déjà les sifflets montaient et que la plaza entière s’insurgeait : Aussi faible que le premier ! Invalide ! Derengao ! Plus inquiétant encore, ce nuage dans le ciel, long prélude à un bon orage d’été (de ceux qui font un peu de bruit, arrosent un peu, mais ne font aucun mal, ni aux toitures, ni aux cultures). Les photographes virent à quel point la lumière baissait. De toute façon, pour ce qu’il y avait à voir ! Perera eut la prétention de toréer l’impotent, et le public le tança… d’importance. Le long, beau (?) et froid torero ne comprit pas… car en Espagne, on le laisse faire : le torero relève la pauvre bête, et poursuit sa faena d’infirmier. Ici… « No Señor ! On veut un combat, entre un toro, solide, face à un torero vaillant, non un infirmier !
     Le ciel tourna au gris blanc, et la lumière décréta la grève… La corrida continua donc, dans un opaque clair-obscur que seul Cesar Rincon vint illuminer, le temps de trois naturelles à un gros lourdaud de quatrième, à peu près solide. Quand sortit le cinquième, l’espoir avait fui et malgré l’envie de Perera, on eut du mal à se réveiller… Dans la pénombre, seule l’horloge était éclairée, qui marquait vingt heures. Dans le callejon, un pauvre homme bien malheureux entamait une prudente retraite, (genre « Curro Romero, en l’un de ses mauvais soirs à la Maestranza). C’était le ganadero, Victoriano del Rio himself ! Lorsque l’on rentra le sixième, il en fit de même ! Mauvaise journée pour le triomphateur de la San Isidro !
     Et puis il y avait Talavante !
     La question du jour, et en espagnol, s’il vous plaît : « Tendra talante, Talavante ? »
     On dit qu’il ressemble à Jose Tomas ! Ressemble t’il à Jose Tomas, ou « fait il tout » pour ressembler à Jose Tomas, au point de le singer ? - Il est bien trop tôt pour le dire, bien sûr… mais sa présentation dans le Sud-Ouest en aura laissé perplexe « plus d’un » !
     Certes « il a » de Jose Tomas… mais du mauvais ! De celui des derniers temps ! De celui qui « se cherchait », en même temps que les quinze mille spectateurs dans la plaza. Talavante « a-t-il du talent ?»… ou est il la résultante d’une nouvelle alchimie, mitonnée par quelque noir corbeau, malade de « la Tomasitis » ?
     Le garçon « erre », de passe en passe, la tête baissée, l’air de lire trois pages de quelque manuel de philosophie, entre chaque muletazo. Certes « il se les passe près » et sa muleta semble toute douceur… mais à Mont de Marsan, on eut du mal à suivre cette « quête d’absolu »… absolument ennuyeuse. Et comme le garçon tua mal, la cause fut vite entendue : le silence se fit pesant… vite  relayé par le courroux du ciel qui, lui non plus, ne s’était pas laissé prendre.
     Mala suerte, pues ! Malchance, pour cette première… En Espagne on dit aussi « Mala pata ! » Mauvaise pioche ! Les Victoriano del Rio n’étaient pourtant pas mal présentés… S’ils avaient eu des pattes ! Si Rincon avait eu plus de chance ! Si Perera avait eu plus de spontanéité ! Si Talavante avait eu plus « de talante »… on aurait eu grande corrida !
     Si ! si !

     15 Juillet – MONT DE MARSAN – 1ère corrida de La Madeleine – Casi lleno – Chaleur torride sous ciel bleu tournant vite à l’orage : Six toros de Victoriano del Rio, très corrects de première présentation, bien armés, mais hélas faibles ou invalides, pour quatre d’entre eux. On dut puntiller en piste le premier, vilainement écroulé dès le début de faena, et l’on renvoya le sixième au corral, peut-être aussi affligé de quelque défaut de vue. On ne piqua pas, ou bien peu. Seuls les quatrième et cinquième permirent aux hommes de s’illustrer. Le colorado remplaçant de Campocerrado se montra noble et soson, peut-être inspiré par son matador..

     Cesar Rincon : Silence et Une oreille – Fut invité à saluer avant que ne sorte le premier de la tarde. Le Colombien était heureux de revenir en cette plaza où il avait cueilli son premier grand triomphe en France. C’était en 91, devant les Guardiola de Maria Luisa, le jour de la blessure au visage de Patrick Varin.
     Heureux comme un gamin, le Cesar ! Et il le démontra sur trois delantales, tranquilles et majestueux, pour accueillir  le toro d’ouverture, suivies de trois lances en allant vers le centre, avec en conclusion, une demie de cartel. Cela démarrait fort. Hélas, ce fut « presque tout » : Cesar mit bien en suerte, la première fois, mais le toro, distrait, s’échappa, un instant « raccroché » par le capote du Jeringa, qui le mit sous le cheval. On répète l’opération, et même punition, pour l’aficionado : Le toro « fait le tour », brinquebale un instant le cheval, et fuse vers la sortie. Dans sa fuite, il surprend le grand Gustavo Garcia, et lui met un terrible tampon, dont le pauvre Jeringa sortira groggy et « rouge de honte ou de colère », en voyant son maestro Rincon, faire à sa place, la brega aux banderilles. On sonna le troisième tiers… et ce fut la fin : Trois passes hautes, sans forcer, un petit remate « tout doux », et le toro « fit crac ». Deux passes encore, et la chute, très vilaine, définitive. Furieux « en dedans », Rincon demanda qu’on en termine avec la pauvre bête. Bronca qui couve.
     Le quatrième, un gros mastard qui sortit au pas, comme pour se préserver, ne s’encombra ni de capotes ni de puyazos… tout pour la faena. On put craindre un moment « qu’il ne remonta », car il menaça vite Rincon, sur le côté droit. Du coup, Cesar vota « à gauche » et il fit bien…Par deux fois, en début et fin de faena, le Colombien « se gusto » en plusieurs naturelles suaves, erguida la planta et jambe avancée, dans les premières, et de trois quarts ou plein face, en dernier lieu. Des naturelles « parfaites » de temple et de « doux mando ». Le toro n’était pas facile : Si on le force, il se refuse et se défend. Si on le laisse… il vous mange ! La faena fut donc cela : Du doux mando ! A l’épée, dernier coup en vache : Le toro n’obéit pas à la muleta, et « monte » au front du torero. A la seconde attaque, Rincon met la muleta fort et bas « al hocico » et l’épée, habile et tendida, fait son œuvre rapidement.
     Torero heureux, public heureux, Rincon sera retiré « depuis mille ans » qu’on sera toujours heureux de le voir et le saluer d’un respectueux « Cesar, Maestro ! »
     Miguel Angel Perera (Silence et Ovation) – A fortement indisposé le public, face à son premier, et peut-être « un peu » déçu, devant le bon cinquième. Le grand extremeño n’est pas dans un bon moment, et cela tombe bien mal, puisque Talavante, « celui qui monte », est de la même province. Une concurrence rude pour un  Perera qui n’arrive pas à se dégeler et s’emmêle les pieds dans le capote… au mauvais moment.
     Son premier fut un semi invalide qui indisposa aussitôt l’Aficion Montoise. Tandis que sifflets et palmas de tango faisaient grabuge et que le ciel soudain se voilait, Perera, imperturbable, « prétendit » lui faire faena. Et il la fit ! Ce fut un long trasteo sans âme et sans force, comme on récite laborieusement quelques mauvais vers. Le public ronchonnait… mais le toro de tombait (presque) plus… A la fin, on en rigola presque, Perera toujours de marbre, sous le cachondeo. Que voulez-vous… il en voit tous les jours, des « sin fuerza, sin raza ninguna », et il leur fait faena complète. Alors ?
     Le cinquième fut de loin, le meilleur pour le torero : Limité de force, noblon, manson avec tendance aux tablas et avec un peu « de moteur ». Perera, qui s’était fait peur dans un vilain désarmé au capote, ouvrit la faena sur trois passes changées dans le dos, liées au pecho. Joli début, plein d’espoir. Hélas, si les premières séries « eurent une certaine gueule », bien tirées, bien templées, le trasteo prit vite l’allure d’un « fourre-tout », avec de l’endroit, de l’envers, du haut, du bas, sans sel ni poivre. Faena « de quantité » mais sans nul émotion. Deux pinchazos le privèrent peut-être… de « una orejita ».
     Alejandro Talavante : Silence, après un avis, et Silence des spectateurs, tandis que le ciel tonnait – En aura dérouté plus d’un ! Certes ses toros ne furent pas des foudres de guerre… Certes on devine en lui le goût prononcé du « Jose Tomasisme à tout prix », et parfois il y arrive, par le sitio qu’il occupe, devant le toro ; par le serré, le moelleux des passes… Mais « à part cela… quel ennui ! Semblant « ailleurs », le garçon enchaîne les passes fondamentales, fait sa faena (la même) sans trop se préoccuper des conditions du toro, ni de l’humeur du public. Son premier fut.. le troisième faiblard, que la jeune promesse reçut en trois belles véroniques, douces et bien dessinées. Au quite, les gaoneras un peu sèches, sans céder un poil de terrain, comme il le fait partout. A la muleta, début par statuaires, au centre, puis un enchaînement des séries « très Zen », faisant passer le toro très près, se replaçant à petits pas, tête en bas, les yeux « ailleurs », pour ne sourire « qu’à la sortie » de la série, quelle qu’en fut la qualité. Sur le gradin, on sourit « moyennement ». On se dit : « Où est ce nouveau génie ? A l’épée, peut-être ? » - Pues no ! No lo mato bien !
     Quand sortit le sixième, les murmures ne furent aucunement flatteurs. Quelques secondes après les premières courses « un peu chaloupées », le président ordonnait le remplacement, et seul Talavante sembla ne pas s’en apercevoir. On lâcha donc le sobrero, un colorado du Campocerrado, estrecho de sienes, qui fit semblant d’être concerné, suivit gentiment la muleta, sans créer la moindre illusion d’émotion. Comme de plus, Talavante « poursuivait sa lecture », perdu dans ses pensées, le public s’ennuya vite… et le lui fit savoir. Dans le ciel noir, de grandes zébrures d’or annonçaient quelques escarmouches, et le tonnerre disait toute la déception du Plumaçon, même si les toros étaient de grande lignée, pas mal présentés, et si Rincon était toujours « le César » que l’on apprécie tant, sur nos terres.