DAX :
« EAU, RAGE ET… DES ESPOIRS ! »
Grande corrida de Bañuelos
Enorme triomphe de Juan Bautista
Très digne prestation de Julien Lescarret.
16 Août : On a beau ne pas avoir peur de l’orage, on ne put s’empêcher
de sursauter lorsqu’un éclair fulgurant déchira le ciel, juste au dessus
de la plaza, tandis qu’instantanément le terrible vacarme d’un coup de
tonnerre secouait sèchement tout le monde, au plus profond des tripes.
Les lumières, allumées dès le paseo, « claquèrent » aussitôt. Boudi!!!
A peine remis de ce premier coup « de cymbale » et de
leur émotion, les spectateurs de cette quatrième corrida de la feria de
Dax « en prirent un autre », aussi violent, aussi assourdissant, et l’on
commença à craindre une petite catastrophe. Le ciel, noir de suie,
roulait de grosses menaces et tout à coup, déversa toutes sa rage en une
averse « bien épaisse » qui noya les gradins et mit le ruedo en piteux
état. Cela dura cinq minutes peut-être, chacun étant trop occupé à se
protéger pour penser à regarder sa montre. Trop occupé également à
suivre ce qui se passait dans le ruedo.
Fundi avait donné une vuelta, au premier de la tarde,
et Juan Bautista était en train de monter « un faenon ». Et nous,
pauvres de nous, n’avions pas assez de mains pour protéger les appareils
photo ou applaudir à ce toreo « de dulce », face à un toraco imposant,
mais lui aussi, « de dulce ». Tandis que l’eau pénétrait partout, les
plus chanceux pouvaient tirer quelques clichés de cette « grosse faena »
sous cette « grosse averse », mais la plupart enrageaient, maudissant le
ciel qui leur jouait un bien vilain tour. Il n’y aura pas beaucoup de
photos de cette grande faena de Juan Bautista, au premier Bañuelos de
Dax. Que lastima !
O rage ! Orage maudit !
Trempés comme des soupes, les spectateurs restèrent à
leur place, faisant un énorme triomphe au jeune Arlésien, transformé en
« Torerazo universel ». Deux oreilles sans conteste pour cette faena qui
confirme tous les soudains espoirs mis en Bautista, après un retour aux
ruedos que d’aucun pensaient bien plus discret, moins ambitieux. En une
semaine dont bien de figures aimeraient enregistrer le bilan, Juan
Bautista vient de se hisser au niveau des plus grands, du moins pour ce
qui est de « la qualité et la toreria ». Cela se confirma, devant le
cinquième toro, en une faena plus longue, plus « travaillée », dont la
deuxième mi-temps fut de belle qualité.
Deux oreilles vinrent récompenser ce trasteo solide,
copieux et varié, devant un grand toro. Deux oreilles un peu généreuses
cependant, « forcées » par le hold up parfait, auparavant signé par le
Fundi. Un hold up tout à fait pacifique et valeureux, où le Madrilène
« arracha » deux oreilles à un président qui ne voulait guère plier.
Mais la pression du public fut telle que la trop longue et « monocorde »
faena du diestro de Fuenlabrada, il est vrai bien conclue à l’épée, fut
récompensée de deux trophées qui ne s’imposaient guère. Du coup,
« l’escalade » étant déclenchée, les deux oreilles au Fundi
« impliquaient » deux autres trophées à Bautista. C’est ainsi ! Mais au
fond…
Ce qui importe, c’est l’espoir ! L’espoir de voir un nouveau torero
français, aller « titiller » les Espagnols, et le faire « con clase ».
L’important est de ne plus avoir à entendre : « Oui il
torée bien.. mais « comme un Français » ! Avec Castella qui a signé un
nouveau triomphe, à Bayonne, et peut désormais « tutoyer les plus
grands », Juan Bautista peut actuellement entrer en n’importe quelle
grande feria et en laisser plus d’un « acojonado » (que l’on traduira
poliment par « Sur le cul ! » - Asi de claro !).
De même, il faudra souligner un autre espoir, celui de
voir un Julien Lescarret, très digne et extrêmement vaillant, en un mot
« très torero », hier à Dax. Face à un lot compliqué et très « brute »,
l’Aquitain a montré une envie de tout moment, une fermeté « dans son
style à lui », toujours un peu trop « movidito »… Pourtant, nul ne
pourra nier « qu’il s’est envoyé » deux toracos dont le premier voulait
lui faire très mal, et le second en aurait ennuyé plus d’un. Donc,
« crédit ouvert » et bon coup de chapeau.
Reste l’espoir majeur : « Il reste encore des toros ! »
On sait bien que la vérité d’aujourd’hui peut
« exploser » demain, et que les toros d’Août peuvent « ne pas être les
mêmes » que ceux de Septembre. Toujours est il qu’Antonio Bañuelos et
les Dacquois ont offert un vrai « corridon de toros », à tous les
aficionados des terres taurines, qu'il soient Toristas, Toreristas ou à
plus forte raison Toreistas…
Tous y ont trouvé leur compte et tous ont été boire
ensemble, un jaune ou un rosé, à la sortie… eux qui avait bu tant d’eau,
pendant la course.
Corrida « majeure », au plan « trapio » et « pitones ».
Ce que l’on appelle « una Señora corrida » ! Brave, que l’on aurait
peut-être souhaitée plus puissante, à la pique. Noble, que l’on aurait
aimé « avec un peu plus de piquant », à la muleta. Mais vous le savez
bien… on n’est jamais content !
Une vraie grande corrida de toros, qui a tenu debout et
chargé, chargé, chargé… Avouez que c’est tellement rare ! Le public
d’ailleurs ne s’y est pas trompé, qui a fait grande ovation au ganadero
et à son mayoral, à la fin de la cinquième lidia, et lors d’une sortie a
hombros bien méritée.
Pour l’anecdote, on signalera que Juan Bautista est
sorti de la sorte, par la grande porte, et que ses compagnons se sont
chargés de le porter ainsi… jusqu’à l’hôtel. Certes, il manquait « la
foule », mais le souvenir restera gravé dans les mémoires de ceux qui
rencontrèrent cet équipage portant un jeune homme vêtu de rose et or,
rayonnant de bonheur. Il est vrai qu’on l’aurait été à moins.
De l’eau, il y en eu ! Des espoirs aussi ! Quant à la
rage, allez… elle n’a duré que le temps... d’un éclair.
15 Août – DAX – 4ème corrida de Feria – Plaza
pleine – Gros orage au deuxième toro et temps menaçant, par la suite.
Piste en bourbier, mais praticable : Six toros, magnifiques de trapio et
d’armure, d'Aantonio Bañuelos (Ceux que l’on appelle « les toros du
froid », de Burgos). Des toros qui firent de magnifiques sorties,
recevant de justes ovations. Des toros qui eurent de la mobilité, en
tous moments, et ne fléchirent « qu’incidemment ». Des toros braves et
nobles même si chacune de ces qualités manqua d’un peu plus « de
piment ». Trois toros « de faena », dont le lot de Bautista et le second
du Fundi, mais deux bien plus ardus : Bronco et encasté, le troisième,
que Lescarret laissa « cru » à la pique ; et complicadito le dernier,
court et tête en haut. En résumé, un lot imposant et de grande qualité,
qui justifia entièrement la salida a hombros du mayoral, après que le
ganadero eût salué, à l’arrastre du cinquième.
El Fundi : Vuelta, après pétition et Deux oreilles
(en partie protestées) – S’est montré très torero, « dans son style »,
c'est-à-dire : torero macho ! Tout en force, en rudesse, en abondance.
Il donna deux séries de bonnes naturelles au premier, qui détournèrent
un moment les regards pointés vers le ciel. Le noble toro se retenait, à
droite, et le trasteo fut irrégulier mais « enlevé » et musclé. Après
pinchazo, l’épée tomba de côté, raison pour laquelle peut-être le
président refusa t’il l’oreille. Fundi donna une vuelta rapide tandis
que le ciel « noircissait » à vue d’œil.
Lorsque sortit le quatrième, on avait éparpillé
quelques grains de sciure devant le burladero des matadors. Du coup,
Fundi alla « en face », où le sable restait encore praticable, et ne
ménagea point sa peine : Capeo vibrant, banderilles valeureuses (en
particulier la troisième paire) et longue faena, un peu répétitive mais
non exempte de passages de grande qualité, en particulier sur plusieurs
longues naturelles. Le toro, qui avait mis en danger le cheval, sur un
batacazo « malin » n’a pas arrêté de charger, permettant au madrilène un
final vibrant, scellé par un desplante où « il jette tout » et une bonne
casi entera, bien portée. Le public demanda longuement l’oreille, cria,
trépigna, forçant le président à concéder un deuxième trophée... qui ne
s’imposait pas. Il y eut "division" à la fin de la vuelta.
Juan Bautista : Deux oreilles (incontestables)
et Deux oreilles (contestées) – A été tout simplement « grandiose »
devant son premier adversaire, tandis que l’orage « explosait » sur la
plaza. Peu importèrent les éclairs et les coups de boutoir du tonnerre.
Peu importa la grosse douche, le vrai déluge : Dax a vu une actuacion « complétissime »
avec cape, muleta et épée, devant un grand toro, idéal de noblesse. Un
lujo ! Complètement décontracté, totalement « à son affaire », Bautista
sidéra le public à la cape par de grandes véroniques et bonnes
chicuelinas ; à la muleta, par des séries d’un temple, d’une lenteur,
d’une douceur incroyables. On nous l’a changé! Le toro, noblissime, lui
permit de lier de grandes séries, limpias, nettes, « con gusto », bien
rematées par le haut, en longs pechos, ou par le bas, en adornos de
classe. Entrant fort et droit, Bautista coupa deux oreilles « de luxe »,
tandis que le public émergeait, sous un petit rayon de soleil bienvenu.
Enorme succès, totalement mérité, et grande vuelta, dans la boue.
Devant le cinquième, d’un « moteur » et d’une noblesse
infinis, Bautista débuta sa faena à genoux, et alterna sur deux mains,
des séries « plus travaillées », moins suaves et moins profondes que
précédemment. Pourtant, la faena prit de l’intensité en sa deuxième
moitié, en particulier lorsque le Français jeta l’épée pour se mettre à
toréer sur main gauche, de face, tirant trois grosses naturelles et
clôturant par des bernaldinas « sans épée », qui firent passer la plaza
au rouge vif. Tuant d’une lame entière, trasera, Juan Bautista vit son
adversaire, compagnon de triomphe, s’en aller doucement vers la
barrière, où le puntillero (ancien de Caballero) ne fut pas à la hauteur
de tant de bravoure et de noblesse.
Bautista cueillit deux oreilles en partie contestées,
mais rallia tous les suffrages en invitant le mayoral à partager son
tour d’honneur, sans oublier un gros abrazo au ganadero, discrètement
présent au callejon.
Julien Lescarret : Une oreille et Ovation – A
fait preuve d’un beau culot devant le troisième de la tarde, un toro
très vif, très dur, qui le menaça par deux fois, au capote, sur côté
droit, et finit par lui mettre un achuchon, sur le remate. Le Français
se plaindra d’un coup sous l’oreille gauche, mais n’en laissera rien
voir tout au long de cette première lidia. Toro très violent, que l’on
pouvait croire trop peu piqué. Pourtant, sur un ruedo des plus instables
et marécageux, le jeune diestro fit preuve de grosse décision, vista,
agilité et pundonor. Réussissant à régler cette charge désordonnée et
âpre, Lescarret tira de bons muletazos, en particulier à gauche,
rematant spectaculairement par le haut. Faena « de décision » et oreille
méritée, après un pinchazo et une entière vaillante.
Le sixième calculait plus ses charges, sans humilier,
et malgré tous ses efforts, Lescarret n’arriva pas à construire un
trasteo compact ni reposé. On aura pourtant apprécié la volonté de citer
de loin, et d’aguanter un vrai costaud, bien pointu, qui n’offrit guère
de facilités.
Sortie a hombros de Juan Bautista, "jusqu'à l'hôtel",
tandis que le Fundi se faisait un lio avec son porteur et descendait en
marche, un peu énervé. Ce que l’on appellera : un torero « de
caractère » ! |