DAX :
« IL EST COMME ÇA ! »
Sébastien Castella « entre » dans le Sud-Ouest
15 Août : « Ahora si ! » s’est écrié Sébastien Castella en brindant au
public son deuxième toro. Il est vrai que l’on avait protesté sa
tentative, devant son premier, très amoindri par une grosse vuelta de
campana. Castella avait entendu la contestation et laissé tomber sa
montera au sol, avec un regard triste. Mais, quand sortit le sobrero de
Victoriano del Rio, il en perçut vite la qualité, et dès le quite par
chicuelinas, il savait qu’il allait lui monter « un tabac ».
Et cela débuta donc par ce « Ahora si ! Cette fois,
vous n’allez me refuser ce brindis, parce que vous allez voir qui je
suis vraiment ».
Effectivement, dix minutes plus tard « on avait vu » et
tout Dax était debout sur le gradin, scandant à l’unisson des « Torero !
Torero ! » qui devaient sonner.. jusqu’à Béziers.
Cette fois, Sébastien Castella venait d’entrer
« vraiment », dans le Sud Ouest.
S’il fallait émettre la moindre petite critique à son faenon, on dira
que « la dernière minute », les dix derniers muletazos, furent de
trop, car le toro, las de tant de douces charges et de tendres caresses,
avait décidé de « rajarse », de ne plus vouloir jouer. Mais bon, ce
n’est là qu’un infime détail que l’on mettra sur le compte de l’ivresse
du triomphe. Par ailleurs, l’épée ne fut pas « super super », raison
pour laquelle Castalla perdit « un rabo ». Imaginons qu’il mette un
recibir (le toro l’aurait accepté), on parlait aujourd’hui d’un triomphe
« d’époque ». Là, on dira que c’est probablement « une des faenas de la
saison », avec celle de Burgos.
On peut ne pas aimer un torero, mais quand il est bien…
il est bien !
Je n’aime pas le Castella, alangui et fade, répétitif
et monochrome. Mais hier… j’ai adoré ! Parce que face à une toro très
noble, le torero s’est laissé allé « au sentiment », au toreo caresse,
au « j’essaie tout, et tout réussit ».
Il est vrai qu’il y eut des passages « monumentaux ».
Asi que… enhorabuenissima al torero, qui a triomphé totalement « sans
vouloir faire peur à tout prix ».
Durant « la » faena, El Juli le regardait songeur, lui qui était jusque
là, le triomphateur de la tarde. Un triomphe qui avait mis du temps à se
profiler… Un torero qui avait bien « fonctionné » jusqu’à la deuxième
moitié de la faena au quatrième où, tout à coup, le Madrilène avait
sorti « la caste », et poussé d’un coup tous les turbos. Le toro, pressé
comme un citron, trituré en tous sens, suivait éberlué une muleta pleine
d’autorité et de « rage torera ».
On aurait aimé qu’il tue mieux afin de mieux répartir
les trophées, c'est-à-dire « rien » au premier, mais « deux » au
quatrième. Hélas, le « Julipié » fut encore de sortie, qui va bien finir
un jour par lui valoir de belles broncas. Mais, qu’il ne craigne rien,
le bon Juli : Tant qu’à Dax, « trois ou quatre ans après » on lui
demande encore de banderiller… il peut y aller franchement et user de sa
« martingale ».
Miguel Angel Perera semblait bien mal parti. Peu goûté
du Sud Ouest, parce qu’il n’y avait encore « vraiment » montré qui il
était, l’extremeño se retrouva coincé entre deux monstres, et jusqu’au
sixième, était complètement « sous l’éteignoir ». Pourtant, le public
sut réagir à sa faena au sixième, suivant d’abord poliment un toreo
fondamental de plus en plus templé, de plus en plus lié, mais
« explosant » sur huit muletazos enchaînés sur place, sans bouger d’un
centimètre, faisant aller et venir le toro à son gré, sur des balanciers
et des cites « à bout portant », témoignant d’une belle maîtrise
technique et d’un sacré culot. Hélas, le toro ne l’aida absolument pas,
au moment de l’épée, et sept entrées a matar, désolantes et désolées,
lui coûtèrent un triomphe lui aussi mérité.
Probablement n’eut il pas du donner la vuelta, mais
« les écrits restent », et ce que Perera « a écrit » sur le sable
Dacquois, l’espace de dix muletazos, restera gravé dans les mémoires. Du
moins on l’espère.
Et puis il y eut ce final. Un final qui justifie le titre de la
chronique. N’ayant lu aucune presse, n’ayant écouté aucune radio,
n’ayant vu aucune interview, « j’interprète » ainsi les dernières
minutes de la corrida, et j’espère ne pas me tromper… parce que c’est
très beau.
La corrida se terminait. Heureux, le public finissait
d’applaudir la vuelta de Perera tandis qu’au burladero, les porteurs se
préparaient à enlever sur leurs épaules El Juli et Sébastien Castella,
triomphateurs « à divers degrés » de la corrida, avec deux oreilles
chacun. Un peu plus loin, le bataillon des photographes, tous bons
copains (cette année accompagnés "d’une" photographe, sympa et de bon
talent (voir « Terres Taurines »), se préparait à tirer « la » bonne
photo de la salida a hombros.
Oui mais voilà !
Est de la conséquence du regard qu’il avait, en suivant
la faena de Castella ? Toujours est il que le Juli décida de partir « à
pied » comme pour laisser le triomphe… au vrai triomphateur de la tarde.
Le public ne sembla point s’y tromper, qui lui fit grande ovation.
On se préparait donc à la salida triomphale de Castella,
sous les « Torero ! Torero ! » de tout à l’heure, repris en chœur.
Oui mais « re » voilà ! Le Français s’avança, salua le
palco, et fila derechef d’un pas décidé, vers la sortie.
Il y eut « une grosse seconde » de flottement (un peu
plus pour ce qui est des porteurs !) et le public explosa. De notre
côté, appareils en batterie, on s’est bien marré.. parce qu’il nous a
bien eus !
Le français, qui a été « en figura » lors de cette
faena, arriva à la porte d’arrastre, saluant une gigantesque ovation,
toute méritée, tandis que les photographes, assis à l’etribo,
« mitraillaient » de concert.
Une grande sortie… et peut-être « un nouveau coup de
pundonor », du style : « Juli n’a pas voulu sortir a hombros ! Il est
aussi triomphateur que moi, donc, je le respecte et refuse aussi un
honneur que nous aurions du partager ». Mais cela peut aussi être plus
« rageur », du genre « Que croit il, celui là ? Qu’on me fait l’aumône
de la sortie a hombros ? Que nenni.. je sors à pied ! »
Quelle version est donc la bonne ?
– Je penche et veut pencher pour la première… parce que
je crois « qu’il est comme ça ! »
Ainsi donc se terminait une troisième corrida de la Feria de Dax où les
toros de Daniel Ruiz ne sont pas plus tombés que d’habitude, malgré un
très long séjour dans les corrales (plus d’un mois et demi), ce qui est
un nouveau témoignage que dans les Landes, on mange vraiment bien !
Par contre, on restera dubitatif sur deux points : La
présidence décida, probablement trop tôt, de renvoyer au corral le
cinquième toro (défaut de vue ou « manso muy manso », qui se serait
allumé » à la première « entrée-sortie au cheval, comme le troisième ?).
Hélas, cela traîna en longueur, Dax n’ayant pas pensé à engager Florito,
et la tentative de puntilla, depuis la boca du burladero ayant échoué.
Dix minutes où l’on se rendit compte que l’on avait justement donné leur
lundi de RTT aux cabestros, ce qui n’était ni logique, ni réglementaire.
Le temps de leur téléphoner, leur envoyer un taxi, il y eut un beau
barouf. Heureusement, les trois grands bœufs de la lointaine étable
sortirent enfin, un peu déboussolés, un peu moroses. Tout entra enfin
dans l’ordre, et dix minutes plus tard, tandis que la Néhe sanglotait
son « Coralito », tout le monde bénissait l’incident.
Que croyez vous donc ? « Ils sont comme ça, à Dax ! »
et ils ont bien raison !
14 Août – DAX – 3ème corrida de Feria – No hay
boletos – Grand bleu : Toros de Daniel Ruiz, très correctement
présentés, qui sortirent abantos, tournant sans fixité, excepté le
quatrième. Contrairement à ce que l’on craignait, ils ne furent pas
« trop » faibles, même si plusieurs gadins témoignèrent de la
« limite ». Le deuxième se donna une grosse vuelta de campana dont il se
releva « à l’ouest ».
Au plan comportement, on retiendra, pour l’anecdote, le
troisième qui sortit figé, bloqué, ne prenant pas un seul capotazo, mais
« s’alluma » et se mit à tourner en tous sens, comme un vrai possédé, à
la première égratignure du picador. Un vrai manso, fuyard, qui mit belle
ambiance, mais chargea presque correctement lorsque l’on parvint à le
retenir. Pour le torero, le quatrième et surtout le sixième firent
preuve d’une noblesse qu’il fallait aiguillonner.
Puis il y eut l’incident du cinquième : Le toro sortit,
comme le troisième, sans aucun allant au capote de Castella. Etait il
affligé de quelque défaut de vue, ou était il « muy manso », comme son
copain ? On ne le saura jamais car le président sortit le mouchoir vert,
à la surprise de beaucoup. Il y eut alors un long moment de flottement,
le toro ne bougeant pas du centre, refusant les capotes des peones qui
voulurent aller le chercher, et « s’allumant » (tiens donc !) au coup de
puntilla raté du troisième de Castella. Tandis que chacun se demandait
« où donc était les cabestros ? », l’affaire fut prise en main par Jose
Maria Cerezo, (ex apoderado de Javier Valverde, ex veedor du Juli); les
« bueyes » firent leur apparition et tout rentra dans l’ordre. Sortit
alors un burraco de Victoriano del Rio, du nom de « Duende », 558 kgs,
dont la noblesse infinie permit à Castella une immense faena. Le toro
avait percuté le picador, plus qu’il n’avait poussé, et « se rajo » dans
les tout derniers instant de la faena.
El Juli : Une oreille et Une oreille (forte),
après un avis – Ne se cassa pas trop la tête devant le premier, très peu
piqué : Faenita « de tantas », un peu rapide, alternant doitières
« légères » et naturelles aidées, close d’une entière « à la Juli »,
très de côté. On parlera « d’orejita » de lancement.
Par contre, il se montra remarquable dans son
crescendo, face au quatrième. Tous d’abord au capote par de longues
véroniques liées à la chicuelina, le tout bien rematé. Le toro ne fut
absolument pas piqué, et le public, qui applaudit le picador se mit à
réclamer le Juli aux banderilles. Bon ! Julian Lopez brinda au public et
débuta une faena en deux temps, dont on retiendra surtout la deuxième
mi-temps, où le diestro « rentra » littéralement dans le toro, lui
arrachant des passes à tour complet, dans un sens et l’autre, liant de
longs muletazos rématés de gros pases de pecho. Le public ne se trompa
point sur « l’envie », la caste et la maestria du Juli qui partait pour
deux oreilles. Hélas, une demie très plate, pourtant portée à fond, ne
fut guère à la hauteur de la faena. Cependant, un descabello chanceux
libéra les enthousiasmes. Oreille des plus logiques pour un Juli qui, en
fin de corrida, refusa la sortie a hombros.
Sébastien Castella : Ovation et Deux oreilles –
Fit une petite erreur de « psychologie taurine » en voulant brinder au
public, son premier toro qui s’était abîmé, dans une grosse vuelta de
campana. Cependant, le public suivit avec grand intérêt son ouverture au
centre, par les deux cambios dans le dos et une faena tranquille, hélas
gâchée par plusieurs chutes du bicho. L’estocade fut de côté, et l’on
attendit, un poil circonspects.
Après l’épisode des cabestros, sortit le toro de
Victoriano del Rio, et, dès le quite par quatre chicuelinas, on sut
qu’il allait se passer quelque chose. Castella partit au centre et
brinda ostensiblement au public avec un « Ahora si !» qui en disait long
sur ses intentions.
La faena débuta par statuaires, magnifiquement rématées,
en douceur, le toro montrant à tous, sa noblesse et son temple. La suite
fut sensationnelle : Castella, comme sur un nuage ouaté, enchaîna en un
« lent ralenti » de grandes séries où la muleta accompagna la charge du
bicho, la caressant et la dirigeant tout à la fois, les pechos semblant
interminables. Du haut du tendido tombaient les notes suaves du « Coralito »,
émouvant pasodoble particulièrement bien choisi pour la circonstance. La
fin de faena fut au même ralenti, Castella, tout sourire, enchaînant en
douceur des inversées complètes, qui soulevèrent la plaza.
Peut-être aurait il fallu arrêter là, lever l’épée,
tenter le recibir sur une dernière charge du toro. Le rabo était là,
tout près, promis par tous. Hélas, il fallut aller chercher l’estoque et
quand le diestro revint, le Victoriano décida de rompre le combat. Canto
la gallina ! Se rajo ! Du coup, le final fut plus accroché, et la
première envolée eut pour résultat une vilaine demie, très verticale et
de côté. Castella se prit la tête à deux mains, et avec lui beaucoup de
spectateurs. Adieu le rabo ! Heureusement, la deuxième lame, entière,
fut la bonne, et le brave « Duende » s’écroula.
On imagine la pétition, la vuelta, les cris de
« Torero ! Torero ! » qui accompagnèrent le garçon. Un très grand
moment.
Miguel Angel Perera : Silence et Vuelta (por su
cuenta), après un avis – Eut fort à faire pour retenir le troisième toro,
un manso perdido, figé au départ, mais qui « explosa » dès que le
piquero l’asticota. Ce furent alors des courses folles, le toro faisant
de grands ronds sur le sable, comme les requins dans l’eau. Le ruedo
était presque trop petit. Enfin on le piqua, tant bien que mal, et les
banderilleros suèrent « la gota gorda » pour calculer de nouvelles
« trajectoires », de celles que l’on n’enseigne pas dans les écoles.
Perera de même dut passer un long moment pour retenir, puis intéresser
le manso qui finit par avouer qu’il n’était pas méchant du tout. Le
final fut un peu fade, avec cependant trois derechazos complets qui
furent applaudis.
Par contre on aura apprécié la décision et le talent de
Perera au sixième, passant après « lo de Castella ». Le toro était noble
et finit par répéter sa charge, convaincu par la muleta de Perera. Alors
débuta une séance de « à bout portant », très sincère, très risqué, où
le torero « se le passa et repassa » très près, sans bouger d’un
millimètre, tandis que le tendido retenait son souffle. Impressionnant
de calme et d’audace, Perera fit là un gros numéro, hélas gâché par sept
pinchazos portés avec inégale conviction, tandis que le toro ne bougeait
pas d’un cil, bien décidé à ne pas "l'aider"
Accablé, le jeune homme descabella, et le public lui
fit grande ovation, acceptant même une vuelta « de consolation ».
La fin de corrida fut grandiose, Juli refusant la
sortie a hombros et filant, tout sourire dehors, sous de grandes
ovations. De ce fait, Sébastien Castella en fit de même, à la surprise
de tous, car si un torero avait bien mérité une sortie a hombros…
Mais que voulez vous… « Il est comme ça ! » |