Reseña du 18 juillet 2005

 

 

MONT-DE-MARSAN : « EL JULI », TOUT SIMPLEMENT!
Trois oreilles pour « l’ami de Plumaçon »
Javier Conde ne reviendra plus.
Le sourire de Miguel Angel Perera

      19 Juillet : Lequel voulez-vous ? Choisissez le titre !
      Il y a des jours où ils viennent tous seuls... Des jours où, malgré mille efforts, ils ne viennent pas… Et puis d’autres enfin, précieux, où les sensations sont telles, les sentiments si forts, qu’on ne sait lequel choisir.
      Selon que l’on est aficionado « romantique » ou « purement cartésien » ; qu’on se laisse porter par l’émotion ou par la froide analyse ; selon que l’on est « toreriste » ou « toriste », on trouvera les quelques mots  qui traduiront l’humeur du jour… Alors, selon que vous êtes l’un ou l’autre… choisissez !
      J’ai choisi : « El Juli », tout simplement ! » car rien n’est plus simple, plus limpide, plus lumineux que de voir le Juli toréer à Mont de Marsan. Il n’était que de voir les visages, hier, à la sortie des arènes ! La fête revenue ! La fatigue oubliée ! Enfin une saine joie ! Même la pluie s’en est allée plus loin, pour ne pas gâcher l’instant. Dieu sait pourtant qu’on en a besoin.
      « Que bien estuvo El Juli, ayer, en Mont de Marsan ! » Qu’est ce qu’il a été bien, le bougre ! Et à ses deux toros !
      Hier, Mont de Marsan a retrouvé « El Juli », ce jeune maestro qui ne devrait jamais oublier qu’il est Numéro Un ! Hier, le Plumaçon a retrouvé le Juli « du toro de San Martin », ou le Juli au cœur « grand comme ça ! » qui a fait ce don à une Peña de chez nous, pour « aider ceux qui souffrent ». Hier, nous avons retrouvé « le poulbot torero », mélange de science, de spontanéité et d’énorme aficion.  Pas à dire : Entre Juli et Mont de Marsan, « il se passe quelques chose ».
« Que bien estuvo El Juli, ayer, en Mont de Marsan ! »
      Certains diront, bien sûr, qu’il a été « comme en tienta », avec son petitounet premier. Certains lui reprocheront l’estocade, desprendida, poussée à la mode du « Julipié » (le volapié façon Juli). Certains râleront d’importance devant la décision pour le moins discutable de donner vuelta à un toro qui prit « un picotacito de na! » et passa son temps à « escarbar », grattant le sol avant chaque élan. Tous auront part de raison, mais aucun n’arrivera à troubler le plaisir à voir un toreo aussi limpide, aussi « fermement tendre », aussi « joyeux » du Juli, devant ce « Delfin », deuxième de la tarde.
      Pourtant, c’est face au cinquième qu’il sera magnifique de toreria et de grande honnêteté. Formidablement bien, devant son premier, le Juli a été « Enorme ! » à son second, parce que… « ce n’était pas le même ! »

      Bien sûr il y avait deux autres toreros. Deux vedettes ! Une qui veut l’être, mais a du mal à en trouver la voie… et le sourire ! L’autre, qui ne l’est plus et qui a signé hier un gros billet de « non retour » à Mont de Marsan.
      A le voir ainsi « ne plus pouvoir », on se demande bien comment Javier Conde va-t-il bien « s’envoyer » seul, six toros, le 19 Août prochain, à Malaga. Hier, il demanda pardon, encore une fois… pardon « par anticipation ! », style : « Je sais, je n’ai pas été bon, l’an passé. Mais vous n’avez pas tout vu ! »
      En petite partie « excusable » l’an passé, Javier Conde, hier, n’a aucune excuse, et les broncas montoises furent bien sages, bien polies (comme cela doit être, d’ailleurs !) Mais, por favor : « Qu’il ne revienne jamais ! »
      Miguel Angel Perera a grande qualité, c’est incontestable. Cependant, le jour où il dessinera un sourire à sa muleta autant que sur son visage, peut-être ne s’étonnera t’il pas de ne pouvoir « que saluer », à la fin de son premier… et peut-être ne devra t’il pas forcer une voltereta idiote et inutile, pour couper l’oreille du dernier. Il a le sens du temple, il est poderoso, il tue très bien… mais Dieu qu’il est triste, fade, inexpressif, plat…
      Certes le Viti disait « Le jour où les toros auront un bon sourire, alors je sourirai ! » D’accord ! Mais le Viti souriait « autrement ! » et l’on se battait pour aller le voir…

      Le Juli, hier, avait le sourire sur tout le visage, des lèvres jusqu’aux yeux ! Respirant « l’honneur et l’orgueil » d’être torero ! Respirant la joie de créer, et de donner ! Respirant l’air du Plumaçon, et la chaleur des gens d’ici !
      Hier, il fut « El Juli », tout simplement !

      18 Juillet – MONT DE MARSAN - 2ème corrida de La Madeleine – Quasi lleno – Bonne tarde, à peine gênée par quelques gouttes, et un peu de mauvais vent, au début : Cinq toros de Garcia Jimenez Hermanos et un de Peña de Francia, sorti quatrième. Corrida inégale de trapio, mais correcte en son ensemble, le quatrième paraissant le père ou le grand frère des autres, en particulier du deuxième, plus réduit. Corrida qu’il fallut « cuidar » au cheval, tant les forces semblaient réduites, mais qui « remontait » par la suite, permettant le toreo lié et engagé. Le dernier prit un gros puyazo, très bien porté, et « comme par hasard », tout le monde applaudit.

      A la muleta, les trois premiers ont servi, la deuxième moitié du lot étant plus rétive, pour diverses raisons. Comment était le quatrième ? On ne le saura jamais ! Avec le Juli aux commandes, peut-être parlerait-on aujourd’hui d’un grand toro ? Qui le sait ? pas Javier Conde, en tous cas !
      On a très bien banderillé, au cours de la corrida. A souligner à gros traits, les paires de Oscar Reyes, troisième de la cuadrilla de Conde, qui salua, en compagnie de Paco Peña, au quatrième. Jose Antonio Carretero s’illustra également, en sa première paire au cinquième.
      Javier Conde (Division et Bronca) plaqua une véronique et un remate prometteur, au premier de la tarde. Ensuite… cela se gâta un peu : Après un brindis du pardon (il avait déjà fait le coup, l’an passé) il n’arriva jamais à se décider devant un toro noble, qui lui laissait le temps de se préparer, chargeait droit et doux. Un toro « pour lui » ! Le vent le gêna un peu, soit ! Mais, por favor ! Conde multiplia les attitudes, tira « un » derechazo, « une » naturelle, « un pecho » un tantinet relâchés,  perdus entre hésitions, replacements et vains essais « pour se convaincre ». La mort ne fut pas glorieuse et les premiers sifflets jaillirent, contrés par les bravos d’encouragement des « pas rancuniers du tout ».
      Par contre, au quatrième, ces derniers rejoignirent les siffleurs, et cela donna une belle bronca. Courte, mais sévère… et totalement méritée.
      Le toro était un imposant brun sombre, qui fit une sortie de déménageur. Un toraco ! A la cape, Conde « l’épousseta un peu », puis fit semblant d’arrêter la pique, avec un regard qui disait « Vas-y ! Vas-y ! » (Il n’y a rien qui ressemble plus à « Vale ! Vale ! » que « Dale ! dale ! » - Y le dio !) Dès les premiers doblones, à très prudente distance, Conde montra bien sa prudence extrême et son intime conviction que le toro ne valait rien (ce dont on n’est pas si sûr !) Trois entrechats et deux chasse-mouches plus tard, le Conde prenait les grands périphériques, et les photographes montaient à la hâte « un grand angle », pour avoir sur le même cliché, « torero et toro ». Trois entrées « de verguenza » et une demie-lame miraculeuse, suivie d’un descabello. La bronca fut sèche, dure, mais ne continua pas, après l’arrastre. De fait, le mépris est bien plus dur que les sifflets. « Qu’il ne revienne jamais ici » entendait-on simplement.
      El Juli (Deux oreilles – Une oreille) s’est régalé et nous a régalés, devant « Delfin », un toro très noble, allègre, qui lui permit « de se lâcher », tant avec la cape qu’à la muleta.
      Ce fut le récital « des 3 J » : Juli au capote, liant trois delantales, sans bouger d’un centimètre, avant de remater. Juli au quite, liant trois reboleras, sur place, tandis que le public se frottait les yeux et se faisait mal aux mains. Juli liant trois faroles, au milieu de la faena : Trois faroles « limpios », malgré la charge devenue bien courte.
      Ce fut un festival de technique et d’inventivité, face à un toro, faible à la pique (un puyacito de rien) et très noble à la muleta, avec le défaut « d’escarbar », de gratter le sol, avant chaque série. Mais la muleta, à la fois douce et puissante du Juli fit des merveilles, tirant sur deux côtés, de longues passes enchaînées, magnifiquement rematées d’adornos précieux ou de longs pechos, bien léchés. Sur son visage, le regard du guerrier vainqueur et le sourire d’un enfant. Superbe !
      En fin de faena, Julian « marche » avec le toro, le place et « monte dessus », pour un gros pinchazo. A la seconde entrée, la lame est entière, mais une peu trop de côté, car s’il est entré « très fort », le torero a mis en pratique « sa technique à lui ». Le toro tardera à tomber, mais la pétition sera explosive. Deux oreilles, logiques et… vuelta au toro, totalement hors de propos.
      Donner vuelta à un toro qui n’a pas été piqué, et qui a gratté le sol sur une grande partie de la faena… avec tout le respect que l’on vous doit, monsieur le président, « Ce n’est pas ainsi que l’on fait l’Aficion ! ».
      Personnellement, s’il m’a ravi au deuxième, c’est devant le cinq que le Juli m’a totalement emballé. Parce que ce toro était différent, bien plus dur, plus violent, plus retors et… mansote avec claire tendance aux barrières.
      Le Juli ne le piqua pas beaucoup, et le toro « remonta » en début de faena, arrivant « bronco », violent, à la muleta qu’il accrocha en plusieurs passages droitiers. Le torero fit la grimace, étudia le problème et passa à gauche. Là, le toro accentua sa pression et lui marcha sur la muleta, décomposant la promesse de solution. Juli changea de trasto, revint au toro, souffla vers le haut sa mèche blonde, et reprit sa partie d’échecs : une passe propre, puis une autre, et tout à coup, une série entière, limpia, puissante, liée à fond, le torero explosant de joie, sur le pecho libérateur. Le public bondit sur les gradins.
      La suite fut d’une grande rigueur technique et d’une énorme honnêteté : La faena était pratiquement faite, et le toro voulut partir à son lieu de prédilection, la barrière. Juli aurait très bien pu se laisser aller à quelques adornos, desplantes, et autres « grenouillades » qui lui auraient sans nulle doute, « garanti » les deux oreilles. De fait, il préféra ramener le toro vers le centre, style « Viens là, on n’a pas fini, tous les deux ! » et c’est là, en deux séries, sur droite et gauche, que le Juli a été « un vrai Numéro Un », un maestro, un « monstre » de pundonor et de toreria. Ensuite, il partit au soleil pour de sobres statuaires et deux adornos, clairs, de bon goût. Un faenon !
      L’épée, poussée à fond, n’eut pas toutes les qualités du monde, semble t’il, mais, « Bon Dieu qu’il a été  « Torero », avec ce cinquième ! ». Un grand triomphe du « Juli de toujours », en cette plaza où il se sent heureux. Et tous ont eu avec lui, le même sentiment : Heureux !
      Miguel Angel Perera (Ovation forte – Une oreille) a semblé bien terne, à côté de tant de spontanéité, de bonheur souriant. Pourtant, il fut « entièrement torero », a tiré de bonnes séries, d’interminables séries, et a bien tué. Mais voilà !… comment passer derrière le Juli, avec un visage aussi fermé, avec un toreo aussi « répétitif » ?
      Son premier se donna une grosse vuelta de campana, mais arriva noble à la muleta. Perera se montra puissant, tirant et liant de bons derechazos, et tuant bien. Pourtant, l’ovation ne demanda aucune oreille, et le grand garçon, visage fermé, n’osa pas forcer vuelta.
      Facile et un peu raide à la cape, il arrêta le premier tiers au sixième, armé très large, qui prit un très bon puyazo. On craignait de voir le toro « remonter » à la muleta, d’autant que les banderilles furent « mouvementées » et que, sur les deux changées dans le dos, au centre, qui ouvrirent la faena, l’animal « lui monta » à la coleta. Susto rétroactif ! Calme, imperturbable, Perera va enchaîner sans fin de longues séries de droitières, dont certaines excellentes de puissance et parfois de profondeur, mais subira un échec, un seul, à gauche. Il n’y reviendra qu’en toute fin de trasteo, pour trois naturelles, propres mais sans chispa.
      Voyant que la faena restait « à mi chemin », Perera plaça quatre passes peu communes, (sorte de passe « de las flores », mais « torées » en delantal, sur le côté droit du corps, muleta « à l’envers) et voulut conclure par bernaldinas (manoletinas, muleta tenue « à l’envers, par l’épée »). Une, deux, extrêmement serrées, et à la troisième, la grosse cogida, par le haut de la taleguilla, et un susto pour tous. Perera revint aussitôt, remit la même passe, et tua fort, coupant une juste oreille que le public applaudit… en guettant deux sorties : celle de Conde, sous les huées, et du Juli, radieux, longuement promené a hombros, sous les flashs des photographes.
      Un vrai grand triomphe. « Le Juli, tout simplement ! »

      Ce soir, les toros sont de Valdefresno. Intéressant ! Comment sera Ponce, devant eux ? Comment le Cid passera  t’il le cap de deux blessures, coup sur coup (la grave, à Brugos ; le légère, mais forcément douloureuse et « gambergeante », samedi à Fréjus ? Tejela réussira t’il à redevenir enfin Matias Tejela ? Réponse demain ! En tous cas, la feria est bien partie.