Reseña du 19 juillet 2003

 

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MONT DE MARSAN: LE BLE QUI LEVE …

     20 Juillet : Ils ont beau avoir seize ou dix huit ans, ils ont, en arrivant aux arènes, ce port grave de ceux qui savent qu’ils peuvent ne pas revenir. Devant la porte du patio, les hommes ne peuvent s’empêcher d’admirer ces petits hommes dont Cyrano dirait « qu’on leur presserait le nez, il jaillirait du lait ». Les femmes y voient toutes un peu leurs enfants, et les jeunes filles en fleur rêvent d’un petit fiancé qui aurait ces yeux là.
     Encore gamins, mais déjà hommes ô combien, ils s’avancent, capote de paseo sous le bras, montera à la main. Ils saluent les quelques personnes qu’ils connaissent et filent vers la chapelle, havre de fraîcheur et de paix. A la Vierge ils peuvent se confier : « Señora ! Je sais ce que je fais ici. Vous le savez, je veux être torero ! Mais je sais qu’ici, les bêtes sont grandes et le public exige beaucoup. Alors, je vais faire mon maximum, mais… ne me laissez pas tomber ! Señora ! J’ai beau avoir un vestido neuf, j’ai peur. Peur d’être ridicule ! Peur qu’on me voie courir ! Alors vraiment, ne me laissez pas tomber.
     Mais… on ne peut passer sa vie dans une chapelle. Il faut y aller. Dehors, dans la chaleur du patio, l’air est plus étouffant que jamais. Les banderilleros, « jeunes vieux professionnels » essaient de les dérider un peu. On essaie de sourire, on jette un regard apeuré, mais pleins de désir, sur les reines des fêtes. Que guapas son ! parecen gitanitas. Le temps d’une photo, de quelque abrazo, et ils se campent là, contre le mur blanc, prenant la pose de tout torero avant le paseo. A quoi pensent ils donc ? Ils sont entourés, et semblent répondre aux bons souhaits des aficionados qui osent les approcher, aux sollicitations des photographes… mais leur regard est ailleurs. Il est… « vingt minutes plus tard », déjà face au toro. Il est… « il y a quelques jours », au campo. Cette promenade, un soir, avec le vieux mayoral…
     Tout à coup, ils doivent se secouer. Un autre torero, compagnon de cartel vient les saluer. Les uns se disent : « Bon Dieu ! Il a l’air sûr de lui ! Qu’est ce qu’il est bien habillé. Il est vraiment torero ! Maldita sea ! Qu’est ce que je fais là ? – « Holà ! Buenas tardes ! Suerte ! ». Les autres le toisent du regard, et leur poignée de main est fracassante « Celui là, je  vais n’en faire qu’une bouchée !- « Holà ! Buenas tardes ! Suerte ! »
     Mais déjà sonnent les clarines. Le patio s’est presque vidé. Les reines sont au palco. Le président aussi, qui « met le mouchoir ». On y va ! Le porton s’ouvre, et enfin les grands espaces. Vaya ! La plaza est grande, presque pleine. « Je n’ai jamais vu ça ! Celui qui me guide, pas encore mon apoderado m’a bien dit qu’il allait falloir « bien attacher les machos », s’accrocher fort, aujourd’hui. Bon Dieu ! Il avait raison… Señora ! Ne me laissez pas tomber ! »
     Déjà, le capote de paseo est à la barrera. L’autre cape, celle de brega, s’ouvrira sur le triomphe… ou la déroute.
     On est à Mont de Marsan, le 19 Juillet 2003. Il fait une chaleur du diable et la novillada « non piquée » qui ouvre la Feria de la Madeleine vient de débuter… 

     19 Juillet – MONT DE MARSAN – Presque demi plaza – Grand beau, chaud : Novillada sin picar avec du ganado de Chopera, inégal de présentation, mais avec beaucoup de nerf. Pour le torero, on aura aimé le sixième. Les autres démontreront tout une gamme de défauts qui mirent à l’épreuve les dons toreros des jeunes diestros, mais également les auront mis en valeur. Seuls le quatre, costaud et court ; et le cinq, faible ; n’ont guère donné d’options. Le troisième aquerenciado en tablas, sembla s’être blessé, sur une paire de banderilles, et chargea la muleta en sautillant et mugissant beaucoup.
     Ambel Posada (Applaudissements – Division)  est le petit fils du grand Juan… Il en a le visage et l’allure. En a-t-il le cœur ? S’il put faire illusion devant le premier, un burraco un peu faible, devant lequel il ne pouvait baisser la main, sous peine de le faire tomber, on vit bien que devant le costaud quatrième… il ne pouvait baisser la main, parce que c’était trop dur pour lui… Devant celui-là, il donna plusieurs muletazos droitiers très estimables, jouant la verticalité, mais tua hésitant, en quatre épisodes. Mais face à celui-ci, il ne sut se calmer, poser les choses, baisser la main, forcer le trajet du novillo qui n’en fit qu’à sa tête et l’impressionna beaucoup.
     Daniel Morales (Une oreille à chacun) est le vainqueur du bolsin d’Arnedo. Petit mais vaillant et tête claire, il eut le grand mérite de ne jamais « perdre les papiers » devant un premier, gazapon et pegajoso, (trottant tout le temps, collant à l’homme) qui en aurait asphyxié plus d’un. Le torerito, impeccablement habillé, égrena les suertes, tout d’abord en se défendant, puis en s’imposant. Il y eut, dans la deuxième partie de la faena, du temple, de la variété dans les remates et des enchaînements qui ravirent le public. On eut très peur sur une vilaine cogida, le garçon se relevant sonné, saignant de l’oreille gauche. A peine avait on le temps de penser  à quelque mauvais coup, que Morales mettait un trois quarts de lame, vertical et contraire, porté a l’encuentro, sur une dernière charge du bicho.
     Le cinquième allait beaucoup tomber, et le trasteo traînera en longueur, alternant le bon et le soso, le plus fade. Cependant un gros coup d’épée allait rassembler tous les votes favorables et ouvrir la grande porte au petit Daniel « corazon torero ».
     Alejandro Talavante (Vuelta « motu propio » - Deux oreilles) Le vainqueur du Bolsin de Bougue semble se regarder beaucoup « dans le miroir de Joselito ». A croire qu’il fait tout pour essayer de lui ressembler, même physiquement. Il en a même attrapé le côté « renfrogné et boudeur ». Cela dit, sa cape et sa faena au dernier de la soirée ont convaincu le monde, et même si l’on peut éventuellement discuter les deux oreilles, son succès est mérité.
     Le troisième, berreon qui passa son temps à vouloir revenir aux barrières, sembla s’être blessé lors d’une paire de banderilles. Ses premières charges sautillantes ne disaient rien de bon, et on se demanda pourquoi le jeune alla brinder au public. Faena « travaillée », sans perdre la tête, mais peu brillante, le public ne marchant vraiment que sur quatre manoletinas finales, au cordeau. L’épée entra, presque entière, sur une arrancada du novillote, mais par la suite, le descabello fut des plus hésitants. L’avis sonna, les bravos également, dont le jeune profita pour donner une vuelta qui ne s’imposait guère. (Déjà du métier… mais là, on avait oublié Joselito !).
     Talavante fut bien plus convaincant devant le bon dernier, très bien reçu au capote, avec en point d’orgue, la demie de remate. Superbe ! La faena sera encore brindée au public, et cette fois… ce sera la bonne. Toréant avec chic, le jeune torero fera un toreo de classe, à un toro de classe… Faena coulée, bien construite, baissant la main, liant, sortant « guapamanente » de chaque série, finissant « a gusto ». Le public le vit ainsi, qui exigea les deux oreilles après pinchazo et une épée, bien portée.

     Quelques minutes avant le paseo, hommage a été rendu à la mémoire de Manolo Chopera, auquel Mont de Marsan sut dire son attachement et sa reconnaissance, au travers des paroles émues que son Maire, Philippe Labeyrie, et son Président du Comité des fêtes, Jean Claude Bourdé ont adressées aux deux fils de celui que tous appelions « le Grand Basque ».
     Oscar et Pablo Chopera répondirent à ces marques de sympathie, et ratifièrent leur engagement aux côtés de Mont de Marsan, continuant ainsi « la gran labor » de leur père.
     Une plaque a été découverte en son souvenir, dans le patio de caballos, et le regard de Manolo Chopera veille désormais sur le Plumaçon, à jamais. 

     Ce soir, première corrida, celle dite « du dimanche », celle du « Señor Toro » : Corrida de Rocio de la Camara, pour Luis Miguel Encabo, El Cid et Javier Valverde.