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MONT DE
MARSAN: LE BLE QUI LEVE …
20 Juillet : Ils ont beau avoir seize ou dix huit ans, ils ont, en
arrivant aux arènes, ce port grave de ceux qui savent qu’ils peuvent ne
pas revenir. Devant la porte du patio, les hommes ne peuvent s’empêcher
d’admirer ces petits hommes dont Cyrano dirait « qu’on leur presserait le
nez, il jaillirait du lait ». Les femmes y voient toutes un peu leurs
enfants, et les jeunes filles en fleur rêvent d’un petit fiancé qui aurait
ces yeux là.
Encore gamins, mais déjà hommes ô combien, ils
s’avancent, capote de paseo sous le bras, montera à la main. Ils saluent
les quelques personnes qu’ils connaissent et filent vers la chapelle,
havre de fraîcheur et de paix. A la Vierge ils peuvent se confier :
« Señora ! Je sais ce que je fais ici. Vous le savez, je veux être
torero ! Mais je sais qu’ici, les bêtes sont grandes et le public exige
beaucoup. Alors, je vais faire mon maximum, mais… ne me laissez pas
tomber ! Señora ! J’ai beau avoir un vestido neuf, j’ai peur. Peur d’être
ridicule ! Peur qu’on me voie courir ! Alors vraiment, ne me laissez pas
tomber.
Mais… on ne peut passer sa vie dans une chapelle. Il
faut y aller. Dehors, dans la chaleur du patio, l’air est plus étouffant
que jamais. Les banderilleros, « jeunes vieux professionnels » essaient de
les dérider un peu. On essaie de sourire, on jette un regard apeuré, mais
pleins de désir, sur les reines des fêtes. Que guapas son ! parecen
gitanitas. Le temps d’une photo, de quelque abrazo, et ils se campent là,
contre le mur blanc, prenant la pose de tout torero avant le paseo. A quoi
pensent ils donc ? Ils sont entourés, et semblent répondre aux bons
souhaits des aficionados qui osent les approcher, aux sollicitations des
photographes… mais leur regard est ailleurs. Il est… « vingt minutes plus
tard », déjà face au toro. Il est… « il y a quelques jours », au campo.
Cette promenade, un soir, avec le vieux mayoral…
Tout à coup, ils doivent se secouer. Un autre torero,
compagnon de cartel vient les saluer. Les uns se disent : « Bon Dieu ! Il
a l’air sûr de lui ! Qu’est ce qu’il est bien habillé. Il est vraiment
torero ! Maldita sea ! Qu’est ce que je fais là ? – « Holà ! Buenas
tardes ! Suerte ! ». Les autres le toisent du regard, et leur poignée de
main est fracassante « Celui là, je vais n’en faire qu’une bouchée !-
« Holà ! Buenas tardes ! Suerte ! »
Mais déjà sonnent les clarines. Le patio s’est presque
vidé. Les reines sont au palco. Le président aussi, qui « met le
mouchoir ». On y va ! Le porton s’ouvre, et enfin les grands espaces. Vaya !
La plaza est grande, presque pleine. « Je n’ai jamais vu ça ! Celui qui me
guide, pas encore mon apoderado m’a bien dit qu’il allait falloir « bien
attacher les machos », s’accrocher fort, aujourd’hui. Bon Dieu ! Il avait
raison… Señora ! Ne me laissez pas tomber ! »
Déjà, le capote de paseo est à la barrera. L’autre
cape, celle de brega, s’ouvrira sur le triomphe… ou la déroute.
On est à Mont de Marsan, le 19 Juillet 2003. Il fait
une chaleur du diable et la novillada « non piquée » qui ouvre la Feria de
la Madeleine vient de débuter…
19 Juillet – MONT DE MARSAN – Presque demi plaza – Grand beau,
chaud : Novillada sin picar avec du ganado de Chopera, inégal de
présentation, mais avec beaucoup de nerf. Pour le torero, on aura aimé le
sixième. Les autres démontreront tout une gamme de défauts qui mirent à
l’épreuve les dons toreros des jeunes diestros, mais également les auront
mis en valeur. Seuls le quatre, costaud et court ; et le cinq, faible ;
n’ont guère donné d’options. Le troisième aquerenciado en tablas, sembla
s’être blessé, sur une paire de banderilles, et chargea la muleta en
sautillant et mugissant beaucoup.
Ambel Posada (Applaudissements – Division) est
le petit fils du grand Juan… Il en a le visage et l’allure. En a-t-il le
cœur ? S’il put faire illusion devant le premier, un burraco un peu
faible, devant lequel il ne pouvait baisser la main, sous peine de le
faire tomber, on vit bien que devant le costaud quatrième… il ne pouvait
baisser la main, parce que c’était trop dur pour lui… Devant celui-là, il
donna plusieurs muletazos droitiers très estimables, jouant la
verticalité, mais tua hésitant, en quatre épisodes. Mais face à celui-ci,
il ne sut se calmer, poser les choses, baisser la main, forcer le trajet
du novillo qui n’en fit qu’à sa tête et l’impressionna beaucoup.
Daniel Morales (Une oreille à chacun) est le
vainqueur du bolsin d’Arnedo. Petit mais vaillant et tête claire, il eut
le grand mérite de ne jamais « perdre les papiers » devant un premier,
gazapon et pegajoso, (trottant tout le temps, collant à l’homme) qui en
aurait asphyxié plus d’un. Le torerito, impeccablement habillé, égrena les
suertes, tout d’abord en se défendant, puis en s’imposant. Il y eut, dans
la deuxième partie de la faena, du temple, de la variété dans les remates
et des enchaînements qui ravirent le public. On eut très peur sur une
vilaine cogida, le garçon se relevant sonné, saignant de l’oreille gauche.
A peine avait on le temps de penser à quelque mauvais coup, que Morales
mettait un trois quarts de lame, vertical et contraire, porté a l’encuentro,
sur une dernière charge du bicho.
Le cinquième allait beaucoup tomber, et le trasteo
traînera en longueur, alternant le bon et le soso, le plus fade. Cependant
un gros coup d’épée allait rassembler tous les votes favorables et ouvrir
la grande porte au petit Daniel « corazon torero ».
Alejandro Talavante (Vuelta « motu propio » -
Deux oreilles) Le vainqueur du Bolsin de Bougue semble se regarder
beaucoup « dans le miroir de Joselito ». A croire qu’il fait tout pour
essayer de lui ressembler, même physiquement. Il en a même attrapé le côté
« renfrogné et boudeur ». Cela dit, sa cape et sa faena au dernier de la
soirée ont convaincu le monde, et même si l’on peut éventuellement
discuter les deux oreilles, son succès est mérité.
Le troisième, berreon qui passa son temps à vouloir
revenir aux barrières, sembla s’être blessé lors d’une paire de
banderilles. Ses premières charges sautillantes ne disaient rien de bon,
et on se demanda pourquoi le jeune alla brinder au public. Faena
« travaillée », sans perdre la tête, mais peu brillante, le public ne
marchant vraiment que sur quatre manoletinas finales, au cordeau. L’épée
entra, presque entière, sur une arrancada du novillote, mais par la suite,
le descabello fut des plus hésitants. L’avis sonna, les bravos également,
dont le jeune profita pour donner une vuelta qui ne s’imposait guère.
(Déjà du métier… mais là, on avait oublié Joselito !).
Talavante fut bien plus convaincant devant le bon
dernier, très bien reçu au capote, avec en point d’orgue, la demie de
remate. Superbe ! La faena sera encore brindée au public, et cette fois…
ce sera la bonne. Toréant avec chic, le jeune torero fera un toreo de
classe, à un toro de classe… Faena coulée, bien construite, baissant la
main, liant, sortant « guapamanente » de chaque série, finissant « a
gusto ». Le public le vit ainsi, qui exigea les deux oreilles après
pinchazo et une épée, bien portée.
Quelques minutes avant le paseo, hommage a été rendu à la mémoire de
Manolo Chopera, auquel Mont de Marsan sut dire son attachement et sa
reconnaissance, au travers des paroles émues que son Maire, Philippe
Labeyrie, et son Président du Comité des fêtes, Jean Claude Bourdé ont
adressées aux deux fils de celui que tous appelions « le Grand Basque ».
Oscar et Pablo Chopera répondirent à ces marques de
sympathie, et ratifièrent leur engagement aux côtés de Mont de Marsan,
continuant ainsi « la gran labor » de leur père.
Une plaque a été découverte en son souvenir, dans le
patio de caballos, et le regard de Manolo Chopera veille désormais sur le
Plumaçon, à jamais.
Ce soir, première corrida, celle dite « du dimanche », celle du « Señor
Toro » : Corrida de Rocio de la Camara, pour Luis Miguel Encabo, El Cid et
Javier Valverde.
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