Reseña du 7 juillet 2002

 

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EAUZE : RÊVE FRACASSE… SILENCIEUSE REVOLTE

     8 Juillet : Grand beau temps dans le ciel et dans les cœurs. Eauze respirait hier « une envie d’ovation »… Un torero « d’ici » allait recevoir l’alternative.
     L’amitié et l’esprit de clocher, d’une part… l’historique de la plaza, d’autre part, nous promettaient une tarde « agréable »… En effet, tout le monde sait qu’il ne sort pas à Eauze, « le toro de Madrid ou de Vic »… Et c’est bien, ainsi… à condition que !
     Le matin, une bonne demi-arène s’était régalée avec la toreria, la franche décision et l’intelligence lidiadora du jeune Ekaitz Rodriguez, de San Sebastian. En voilà un pour qui « Aficion al toro » veut dire quelque chose. Ses compagnons d’un jour ont peut être, également, l’Aficion, mais…
     Le soir, donc, tout le monde se la promettait belle. Et c’est là que tout s’est gâté…

     Une alternative est un cap… De « jeune communiant », on passe à « voltigeur de pointe » et dans quelque temps, on sera peut-être un « vieux routier »…
     Une alternative est un rêve… Quand s’échangent les trastos, défilent les visages de tous ceux qui ont vécu ce moment intense, la gorge un peu nouée, et qui ont mené leur chemin de gloire, parfois jusqu’au sacrifice suprême… Joselito, Manolete, Paquirri, Yiyo, Christian “Nimeño”…
    
Une alternative est un orgueil, une logique fierté. « Matador de Toros »… Cela sonne bien ! Cela veut dire que l’on rentre dans le dernier carré de ceux qui sont capables d’attendre sereinement la charge d’un monstre cornu, bien décidé à tailler en pièces tout ce qui se présente. Cela veut dire « muleta dans la main gauche, épée dans la main droite, et, au milieu, le cœur ! » Y… al toro !
     Oui mais voilà, quand le toro du baptême est un pauvre invalide qui ne peut faire trois pas sans se répandre honteusement sur le sable… Quand il faut toute une cuadrilla, tirant par la queue, par les cornes, pour le relever trois fois, afin que « le matador » puisse l’estoquer… alors, le rêve se brise, l’orgueil s’en va… on a perdu le cap.
     Alors, malgré les abrazos et les belles paroles…
     Alors, malgré le costume flambant neuf, « original », selon certains ; (« horrible ! », diront d’autres)…
     Alors… on n’est pas encore « matador de toros » !

     Hier, Julien Lescarret a vécu la plus décevante alternative qu’aucun matador n’aura vécue… Ne pas pouvoir péguer une seule passe ! Tout ça… pour ça ! Vivre pour voir ça ! De quoi « péter un plomb » ; de quoi se révolter, monter un nouveau « mai 68 », mais en juillet, à Eauze ! Una verguenza, total !
     Au lieu de cela… il n’y eut rien : rien du côté de la Présidence, bien mal inspirée de ne pas changer ce toro qui était sorti « derrengado ». Rien, du côté de l’Empresa, qui aurait pu dire : « Garçon, pas de chance ! Oublions cela, et on t’offre le sobrero ! » Rien, du côté du public qui aurait dû pleurer sa peine, hurler sa honte, crier sa colère… Et rien, du côté du « matador », qui se devait de piquer un coup de rogne, de verguenza torera, de pundonor : « Je suis matador de toros. Je ne peux accepter d’avoir vécu cela, cette honte ! Je demande le sobrero ! Je demande un vrai toro, là, maintenant ! » Au moins, faire le geste ! A coup sûr, malgré le règlement, les collègues auraient accepté ! Il n’y eut rien !
     Révolte, peut-être… mais révolte silencieuse, consternée…On rentre dans le callejon. On esquisse un pâle sourire. L’empresa regarde ailleurs… « Les hirondelles volent haut… il va faire beau ! » Le public murmure sa tristesse… sans plus.
     Rêve fracassé ! Silencieuse révolte ! Tristesse infinie.

     Après, tout alla de mal en pis ! Venu pour passer une « bonne après midi », le public passa un sale moment, sursautant aux mauvaises intentions d’une moruchada de Salvador Domecq, dont les mauvaises intentions étaient n’avaient d’égal que l’imposant volume. Fuera de tipo, fuera de todo !
     Et pendant ce temps, à Ciudad Real, Caballero, Victor Puerto et Juli, coupaient un sac d’oreilles à une corrida de… Salvador Domecq.

     Restent les efforts des trois hommes et de leurs cuadrillas. Reste le mauvais moment passé par Fernandez Meca, devant le terrible quatrième. Reste le sang, brave, d’Antonio Barrera, un vaillant qui sait toréer, et tue bravement. Reste les quelques muletazos de Lescarret, 43ème matador français, devant le sixième, premier toro d’une carrière en point d’interrogation …
     Rêve fracassé ! Révolte silencieuse… Et pendant ce temps, à Ciudad Real…

     7 Juillet – EAUZE – Llenazo total – Grand bleu : Six toros de Salvador Domecq, aux « caisses imposantes », pour cinq d’entre eux. Hauts, lourds, inégalement armés. Comportement imbécile, dangereux : Têtes hautes, sans aucune fijeza, tirant à gauche ou à droite, violemment ; regardant beaucoup, par dessus le leurre, par dessous, sachant ce qu’il y avait derrière la muleta. Al bulto !
     Le toro d’alternative « Astuto » - N°13  (on n’a pas idée !) – Sortit « bizarrement » déjà « descordinado », sautillant, trébuchant. Une terrible vuelta de campana fit trembler le sol. Et le toron, horrible spectacle, ne fut plus qu’un pauvre ère, roulant au sol, se couchant, suppliant qu’on arrête là son supplice… De verguenza !

     Les autres ont mieux tenu. Mansos au cheval, sans race aucune. Dangereux, alors que le public n’y prenait garde. Le quatrième est une vraie saleté. Seul, le cinquième chargera, presque franchement. Le dernier est un manso de libro », au cheval. Cependant, il garde mobilité et va « a mas », à la muleta, violent dans sa charge, voulant manger tout cru la muleta et celui qui la tenait…
     Stéphane Fernandez Meca coupa l’oreille de son premier. Heureusement qu’il est habitué à de lourdes batailles. Le quatrième lui mit la corne sous le chaleco, et faillit lui faire un mauvais sort. A souligner combien Meca et Barrera furent des parrains et témoins d’alternative attentifs et amicaux, pour le nouveau matador. Muy toreros !
     Antonio Barrera, la tête en sang, coupa au cinquième, une oreille que peu demandèrent, mais qui, somme toute, était bien méritée. Faena débutant spectaculaire, pour suivre les chemins classiques du toreo templé et cadencé. Survint alors une très dure cogida, le torero étant roulé au sol, prenant un gros coup de patte dans la tête. Le front ou l’arcade en sang, Barrera repartit au combat et tua fort. Bien, matador.
     Julien Lescarret, vêtu d’un « original » costume gris souris et or, ne put que constater la terrible invalidité du toro de son alternative. Rêve envolé ! Il coupa une oreille bien généreuse, face au sixième, qu’il essaya de toréer, sans pouvoir en résoudre les problèmes. On le comprend presque, puisque nous, spectateurs bien à l’abri, nous étions « crevés, écoeurés, fourbus, vidés… »
     Rêve fracassé... Silencieuse révolte…