Reseña du 18 août 2002

 

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DAX: "LA MUSICA CALLADA DEL TOREO"...
Le Morante de la Puebla vaut toujours la peine qu’on l’attende

     19 Août : « La musique silencieuse du Toreo », un grand classique de la littérature taurine, qui a pris hier toute sa dimension, tandis qu’un ciel de plomb envahissait la plaza dacquoise.
     C’était la fin de la Feria. Le soleil était déjà parti, et le public, tombé amoureux de Fernandez Meca et des Victorino de la veille, avait du mal à voir « d’autres choses », d’autres bravoures, d’autres formes de toréer.
     Bien dommage que ce public, dont on disait qu’il était, ou voulait être, « la Séville Française », ait à ce point manqué de sensibilité et d’aficion, pour ne pas avoir fait semblable succès à Javier Conde et au Morante, les seuls à mettre un grain de majesté, dans ce permanent déballage de derechazos et naturales.
     « Oui ! Chante ! chante !- diront certains - quand Conde et Morante feront cela « à des Victorino », on lèvera peut-être un œil ! ». 
     La réponse est simple… et double : On aurait voulu voir Conde ou Morante devant les cinq ou sixième Victorino. Ensuite… pas la peine de parler « toros », si une plaza n’est pas capable de voir deux toros « vraiment braves » à la pique, au point que les picadors « se pasaron un kilo ! », ont vraiment exagéré, probablement aux ordres des matadors. On parle ici des deux premiers de Juan Pedro Domecq, qui ont poussé, fort et clair, droit dans le peto, mettant les reins et « romaneando ». C’est bien de protester l’excès du châtiment, mais il faudrait aussi reconnaître la bravoure « réelle » du toro, surtout s’il est noble, par la suite, et qu’il ne tombe pas, comme le premier de Finito.

     La corrida a connu de grands moments de somnolence, secoués de soubresauts violents, comme un soir de gueule de bois. Les Victorino ont ils à ce point troublé les esprits, pour que le public ne veuille plus voir « autre chose » ? Fernandez Meca a t’il donc à ce point révolutionné le Toreo, pour que l’on n’apprécie pas, à sa juste valeur… la musica callada del Toreo? Les deux approches, l’une de force et de hargne ; l’autre de soupir et d’abandon, font partie de la Tauromachie… et le toro reste le toro.
     Hier, Dax n’a pas voulu voir la bonne faena du Finito, au premier, parce qu’elle lui en voulait d’avoir mal fait piquer son toro. Quand elle s’aperçut que le toro avait été « mal » piqué, mais pas « trop » piqué, elle se retrancha dans un mutisme boudeur, alors que de belles choses se dessinaient sur le sable.
     Hier, Dax attendait, espérait Jose Tomas… à tel point qu’elle ne se mit pas, ou trop peu, en colère, devant sa scandaleuse première « non prestation ». Heureusement, le cinquième, bas et joliet, fit sourire Jose, qui soupira quelques mesures de cette musique silencieuse du Toreo.

     Hier, Dax a vu d’énormes choses du Morante de la Puebla… à ses deux toros. « Rapidillo » et traversant « verticalement » son premier qui avait l’air d’une coursière landaise… d’accord ! Mais haute, longue et pointue, la vache ! (Hombre ! era un toro !). Par contre, on a du mal à entendre le peu de réaction devant l’actuacion du Morante, à partir du quite, au sixième, qui fut un grand toro, bien fait, et sérieux, même si étroit d’arboladura. Un gran toro !

     Faena d’inspiration, de profondeur… et de vrai toreo : bien planté sur le sable, erguida la figura, la muleta qui va chercher loin et tire la charge du toro, de haut en bas, lentement, profondément, rematant sous la pala du piton… Ainsi, main droite et main gauche, le tout parsemé d’adornos légers et variés. La faena valait une oreille… si o no ?
     Vint alors la surprise du chef : Une estocade al recibir (un vrai, bien préparé et marquant les temps) qui, à elle seule, valait aussi une oreille. Ca fait deux !!!
     Hier, le Morante de la Puebla a dessiné, en silence , « la musica callada del Toreo », mais Dax ne l’a pas complètement entendu. Seul, dans un tendido sol, un aficionado, (muy torista él !) s’était levé, et demandait au président… « Musica ! » Este si que lo entendio!

     18 Août – DAX – Dernière corrida de Feria – Plein – Ciel virant au gris plomb :
    Six toros de Juan Pedro Domecq, de couleur et de charpentes variées. Il y eut du petit toro bas, ramassé, armé court mais sec. Il y eut un troisième, haut, long, efflanqué, cariavacado. Sa couleur de sable roux et son galop effréné lui valurent moqueries et protestations. Il y eut un toro magnifique, le sixième, montado et seigneurial dans sa façon de défier le torero. Seul « mais ! »: il y eut beaucoup de cornes éclatées, astillées, après de gros chocs aux burladeros. Côté comportement: deux toros très braves, « vraiment braves », à la pique : les deux premiers. Les autres firent leur devoir, mais manifestèrent de la faiblesse, et moins de race. Un grand toro, complet : le premier. Deux toros nobles pour le torero : les cinq et sixième. Un doute : le deuxième… On n’eut pas le temps de le voir, puisque Jose Tomas… ne voulut pas le voir.

Finito de Cordoba (Silence – Courte bronca) fit surtout « mal » piquer le premier. On s’aperçut que le brave avait très bien supporté le dur châtiment. Finito donna une très simple et bonne faena, tirant de lents derechazos, « regustandose »  sur certains pechos, tournés sur l’épaule contraire. En d’autres circonstances, cette faena lui aurait valu un trophée, d’autant que l’estocade, un peu tendida, et le descabello n’eurent rien de scandaleux.
     Le quatrième ne l’inspira pas. Un toro castaño, basto, qui avait provoqué un derribo. Un toro un peu faible qui n’allait pas au bout du muletazo, parce que le torero ne fit rien pour. Il le tua mal. C’est Finito de Cordoba !

Jose Tomas (Sifflets – Grande ovation) s’est tristement, « grisement » moqué du monde entier, face au deuxième, qui prit très bravement une trop longue ration de pique, en secouant et soulevant l’attelage (romaneando). Deux ou trois essais, du bout de la canne ; deux ou trois « ehhhh ! », la bouche en cul de poule, et « Adios, muy buenas ! ». Très mal, monsieur Tomas ! Faut le voir pour le croire !
     Le cinquième lui a plu. Petit effort à la cape : allez ! une véronique et demi, en mettant les reins. Par contre, la faena faillit prendre « grand vol », en plusieurs moments. Le toro était noble, et Tomas le fit aller et venir à sa guise, se centrant rapidement, donnant des séries irrégulières, avec de très bons passages que le public accompagna de longs soupirs de plaisir. Tomas ralentit sa muleta, à plusieurs reprises, improvisa  un passe changée dans le dos, sculpta trois derechazos pieds joints, deux grandes naturelles, de face. On se dirigeait à grands pas vers une oreille, mais l’estocade, presque entière, ressortit rapidement démontrant une trajectoire atravesada. Deux descabellos dictèrent la sentence : Grande ovation, pas plus.

Morante de la Puebla (Silence – Une oreille, forte) portait le costume « du Puerto Santa Maria ». Il n’a sûrement pas compris le traitement qu’on lui a infligé à la fin de sa première prestation. Le toro fut accueilli par quelques quolibets, galopa beaucoup, un peu "fou fou", un peu "cum cum", et termina un peu faible. Morante lui donna trois grandes véroniques, lançant le capote loin devant, accompagnant le voyage, taille de jonc et menton dans le jabot. Grande demi véronique. Y olé ! La faena sera un peu rapidilla, mais comportant de magnifiques séquences, soit profondes, soit « enlevées », en particulier dans les remates de séries. Peut-être le public n’accepta t’il pas l’épée verticale, d’effet immédiat, mais qui sortait « en dessous »… Vu les largesses de la veille (oui, mais c’était des Victorino… Alors !) on aurait pu se fendre d’une bonne ovation, voir plus.
     Le sixième fit une sortie magnifique, et lui plut d’entrée. Morante plaqua trois véroniques de velours, mais c’est dans le quite que le ton s’éleva : Delantales et tabliers de dentelle « mu sevillanos », fleurant bon le Barrio Santa Cruz, un soir de printemps. (Grande photo… s’il y avait eu de la lumière !). Faena brindée à tous, et faena de soie… Le Morante, à la fois « ferme et doux » se lança dans une farandole de muletazos plus profonds et plus galbés, les uns que les autres. Hélas, le toro ne prenait pas plus de trois muletazos, et le torero ne pouvait totalement de relâcher. Naturelles et derechazos, erguida la planta, la taille totalement redressée, chargeant la suerte à fond, le toro "tournant autour" de la jambe avancée, rematant la passe, « par dessous »…Que bueno ! Peu importe la musique ! Alli esta el Toreo !
     Jose Antonio del Moral était à Bilbao ! Se lo perdio ! Dommage ! il nous l’aurait mieux raconté. A chaque série, des adornos précieux, inspirés… andalous ! A côté de moi, un ami photographe s’envole : « Ce n’est pas Ponce – Tomas, qu’il faut monter en mano a mano… c’est Conde – Morante ! mais ailleurs ! » Et il a bien raison ! La faena soulève quelques bonnes ovations, mais pas aussi intenses que « lo de Meca, ayer ! »
     Puis, la surprise : bien préparé, bien campé, le Morante frappa du pied en lançant la muleta devant, tira à lui la charge du toro et le tua d’un grand recibir, un poil de côté. Grand moment qui surprit le public. S’il avait pu mettre cette épée au toro de Mexico, cet hiver…
     Le toro est tombé. Morante lève les yeux au ciel, heureux comme un enfant ! Il sait ce qu’il a fait ! Il sait où il s’est envolé ! A priori, le public le sent moins et se contente de réclamer une oreille… Et je me demande : "Qu’aurait il exigé, si au lieu du torero de la Puebla, c’est Fernandez Meca qui avait ainsi toréé et estoqué ce toro ? Dos, rabo, patas ???"

     Le Morante de la Puebla n’est pas sorti  a hombros… Conde, non plus. Pas à dire, la Musique du Toreo a bien fait de se taire. Sur ces deux coups là, Dax ne la méritait pas !