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L’EPEE
DU CID SAUVE BAYONNE
Deux oreilles et la queue d’un Victorino, pour le diestro de
Salteras.
2
Septembre : A 19 heures, ce premier dimanche de septembre, tout était
normal : Meca avait beaucoup trépigné, devant un Victorino
« modèle 2002 ». Le Cid avait montré que l’on pouvait toréer
un Victorino, « sans trépigner », mais, comme tant de fois,
avait tout perdu avec l’épée… Deux oreilles perdues, comme tant de
fois… Donc, tout était normal !
Une
heure après, l’extraordinaire, le fameux, l’inoubliable secouaient la
plaza de Bayonne : Manuel Jesus « El Cid » montait un
faenon à un cinquième toro, manso au cheval, mais très mobile, très
pronto et noble à la muleta.
Faena qui amena le public au plus haut degré de
l’enthousiasme, devant « une œuvre d’art, face à un Victorino ». |
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Faena conclue d’un énorme volapié qui tomba
le noble animal. Apothéose qui met la chair de poule : Deux oreilles
et la queue, que certains protestèrent, et vuelta au toro, superfétatoire,
comme le fut la vuelta du mayoral, invité par un matador submergé de
joie et d’émotion.
Pourquoi
donc la protester, cette récompense suprême ? « El Cid »,
sévillan de Salteras, venait de conjuguer "le plus que parfait",
tant à la cape qu’à la muleta. Et, alors que l’on craignait un énième
désastre à l’épée, alors que l’on se préparait à compter
tristement les pinchazos, le Cid plongea une énorme coup d’épée, dont
le toro sortit moribond. Pourquoi donc refuser son plaisir, et protester
un « super trophée » que le sévillan aurait coupé dans
n’importe quelle plaza d’Espagne, Madrid et Séville exceptées ?
Hier, Bayonne a été témoin d’un des très
grands moments qui feront l’Histoire de la temporada 2002. Un moment
qui, d’un coup, efface les turpitudes de la veille. Un moment qui,
d’un coup, rend à la plaza son rang et sa grandeur.
« Un moment » qui fait de Victorino
Martin, encore une fois, le protagoniste de la Fiesta. Ses toros, le
premier excepté, eurent grande présence, et cette fois, ce fut une
grande Victorinada, avec toute la puissance, la pression, le danger
qu’elle suscite.
Grande journée de toros, hier, à Bayonne ! De ces journées qui
marquent la mémoire et confortent l’Aficion. « Croire au Père Noël »,
écrivait Jean Cau… Il avait raison et, hier soir, repartis pour
deux ou trois ans d’Aficion, je suis sûr que beaucoup ont rêvé de
futures apothéoses… Tiens ! Je suis même sûr que certains ont
« vu » Jose Tomas couper deux rabos, à une corrida « cinqueña »,
et « armée comme ça ! »… a que si ?
1er
Septembre – Soir – BAYONNE – Lleno de No hay billetes - Grand
beau temps, enfin, mais un peu de vent.
Corrida de Victorino Martin, sérieuse mais de présence
très inégale. Premier et troisième sortirent petits, mais « se
tapant » avec les cornes. Deux et six, noirs, minces de culata, mais
hauts et armés veletos. Le quatrième était « un tio », de
respect. Le cinquième, le seul vrai cardeno, sortit « en Victorino ».
Corrida sérieuse, dure, mais exploitable :
Meca toucha le mauvais lot, et ne put l'améliorer. Robleño finit
par comprendre les siens, après avoir longtemps piétiné. Très décidé,
Le Cid démontra que l’on peut toréer des Victorino, « très
redressé » et « con gusto ». Au vu du triomphe torero,
face au cinquième, le public demanda la vuelta de « Gamberro »,
en ayant oublié qu’il avait été manso au cheval. Pero bueno !
Stéphane Fernandez Meca (Vuelta, après pétition
minoritaire – Ovation) voulut faire mentir le premier, le mettant de
loin au cheval, et le toréant vibrant mais nerveux et très « courbé »
au capote. Faena brindée à Charles Forgues, pour « les grandes
choses, faites dans cette plaza, sous son impulsion ». (Exact!)
Faena qui tourna court, le diestro se montrant bullidor, rageur,
amoncelant les suertes à un toro qui ne prenait pas le muletazo en
entier. Meca pincha et mit une entière, attendant avec moult gestes et
vociférations la chute du bicho. Gagnerait, peut-être, à plus de sobriété.
Le quatrième était "un tio", très
bien présenté, très armé, « y con muy mala leche ». Meca
ne put lui donner la larga à genoux, entière, sous peine de se faire
emporter. Toro qui fit un peu penser au quatrième de Mont de Marsan, sauf
qu’il était deux fois plus grand… Faena de demi passes, à la défensive,
à un toro de demi charges, très offensives. Lo mato, y en paz !
El Cid (Vuelta – Deux oreilles et la
queue) a été formidable au capote, toute l’après midi : Grandes
véronique, « echando el capote », lançant la cape devant,
captant la charge du toro, la tirant à lui, et chargeant la suerte. Demi
véroniques et reboleras de grand impact. Chicuelinas au quite, très
droites, très « toréées ». Muy bueno.
Le Cid eut deux toros distincts : un premier
encasté, violent. Un toro qui peut manger le torero « tout cru »
si celui ci ne s’impose pas, dès le début. Le Cid l’entreprit avec
force, technique et grande décision. Puis, sans se soucier des retours
secs et des regards du bicho, par dessus la muleta, le torero enchaîna
les séries, finissant par toréer « erguido » et très
« limpio ». Faena « a mas », terminée par d’élégants
doblones et des desplantes sobres, mais dominateurs. Deux oreilles en vue !
Hélas, trois pinchazos précéderont la lame définitive, et le Cid ne
pourra que donner « une grande vuelta ».
Le cinquième sortit fort, « en Victorino ».
Le Cid l’accueillit par de grandes véroniques, prélude à... une
symphonie muletera. Le toro est manso déclaré, au cheval, mais se déplace
bien au deuxième tiers. Sans douter un instant, Manuel Jesus « El
Cid » va brinder au public, et débuter, main droite et plein
centre, un « Faenon »... Toreo majuscule, à un toro qui vient
avec grande alegria, et qui répète sa charge. Un peu gazapon ou andarin,
le « Gamberro » va devenir un grand collaborateur (mais sans
innocence) devant le talent euphorique d’un diestro totalement libéré,
tirant sur les deux côtés, de longues passes très templées, très
profondes, closes d’immenses pases de pecho. Faena qui alla crescendo,
dans l’expression artistique, se terminant par de formidables adornos,
pures images du toreo sevillano, lorsqu’il est profond. Grande, immense
faena de grosse répercussion, forcément, dans tout le monde
taurin.
A l’heure de l’épée, on craignait… Dans
le callejon, totalement transporté, Jose Antonio del Moral murmurait un
très affectueux « Si no lo matas, te mato ! ». Et le Cid
partit pour le coup d’épée de sa vie, celui qui effaça, d’un coup,
tout ceux qui lui ont fait perdre tant de trophées, tant de triomphes.
Estocade aux effets immédiats et un séisme dans les gradins: On exige
immédiatement les deux oreilles, et l’on bataille pour le rabo. Le
troisième mouchoir tombe enfin. Certains protestent (Alla ellos !)
Dans l’euphorie, on réclame la vuelta
pour le toro. Tombe le bleu ! Bueno ! Toro important à
la muleta, mais… manso au cheval ! Peu importe, le Cid, en pleurs,
donne une vuelta de feu, à laquelle il invite le mayoral de Victorino…
Un coeur généreux, par dessus le marché.
Qu’il vive mille ans !
Fernando Robleño (Avis et ovation aux
deux) est un diestro de taille réduite, mais de cœur « gros comme
ça ! ». Il toréait sa première Victorinada, et mit du temps
à comprendre ses deux adversaires. Voulant prendre de loin, son premier,
il fut obligé de réduire les distances, essuyant désarmés et enganchos,
avant de trouver le bon rythme. Pinchazo et entière contraire.
Faena de grand mérite au sixième, qui mesurait
ses charges et le toisait, par dessus la muleta. Robleño s’accrocha, le
cita longuement avant de "laisser la muleta" en fin de passe, réussissant
deux grosses séries, à droite, closes de bons pechos. Il essaya la même
stratégie, à gauche, mais le temps s’était enfui, et la patience du
public, aussi. Ce fut un peu laborieux, au descabello, mais l’ovation
fut sincère, et ce torero sera revu ici, avec plaisir, la saison
prochaine.
Intéressante corrida, qui ne fut "une grande Victorinada" que
grâce à un grand torero, par la taille et le talent : Manuel Jesus
« El Cid »…
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