« PAN
Y TOROS »... A TOLOSA.
Que demande le peuple ? Du pain et des jeux... C’est ce qu’ont très
bien compris les organisateurs de Tolosa, petite ville du Basque pays, qui
chaque année, convie les aficionados de la région à venir passer une
journée d’aficion et de convivialité. On se rencontre, on se sourie,
on se parle. Bien entendu, la gastronomie est au rendez vous. Et au Pays
Basque, on sait ce que gastronomie veut dire. Puis, après « café,
coñac y puro », on se dirige vers la plaza.
Soyons clairs, lorsqu’on va aux toros à Tolosa,
on sait qu’on ne va pas voir « le toro de Madrid » ou de
Bilbao, (et c’est tant mieux !). Par contre, on sait que
l’ambiance y est « sérieusement festive » et que, si le
public y reste à éduquer, ses réactions sont sincères et sa volonté
de voir le hommes triompher, évidente. D’ailleurs, cela met dans
l’embarras un nouveau président, qui veut faire les choses très sérieusement.
Du coup, le respect du règlement n’est pas toujours apprécié, ce qui
fait qu’au bout du compte, le président est le seul à ne pas passer
une bonne après midi. Voilà qui est dommage, ce sérieux étant gage
d’avenir pour une plaza où l’on a plaisir à « s’attabler »...
Tandis que certains allaient se morfondre
« en bleu blanc rouge » du côté de St Sever, plusieurs bus
amenaient vers Tolosa, la fine fleur des Peñas et Clubs Taurins du coin,
et personne, on le croit, ne regretta sa journée, d’autant que les
Jandilla furent au rendez vous, et Juan Bautista sortit en triomphe.
24 Juin – Tolosa –
¾ de plaza – Beau temps : Corrida de Fuente Ymbro, de présence et
d’encornure en accord avec la plaza. Toros brochos, petites têtes,
astigordas, au moins pour trois d’entre eux. Par contre, les deux
derniers furent « guapisimos ». Côté moral, à part
troisième et cinquième qui s’abîmèrent, ou qu’on abîma, la
corrida fut un modèle de race et de noblesse. Les deux premiers manifestèrent
une mobilité à laquelle les matadors actuels ne sont plus habitués.
D’où des faenas gigotées, comme Jesulin au premier, des erreurs de débutant,
comme celle de De Mora en début de sa première faena. Troisième avait
de la qualité, mais se démolit dans une dure vuelta de campana. Le
public demanda en vain son remplacement. Le cinquième, un magnifique
burraco, était peut-être « le » toro de la corrida. Il fit
une brusque et mauvaise embardée, à la cape. Puis, le picador le
massacra en un interminable puyazo rechargé. Pour l’une ou l’autre
raison, le toro sortit du cheval « descordinado », marchant de
guingois, comme au sortir d’un réveillon particulièrement arrosé.
Triste image de ce toro de combat, tanguant sur le sable, tandis que les
gradins en furie réclament en vain son changement. On comprend le public,
mais on félicite le président. Il a appliqué le règlement actuel, et
nul ne doit le lui reprocher. Maintenant, voir ce pauvre toro ainsi trébucher,
faisait peine à voir, et donc... on attend que change ce maudit règlement,
rien que pour que le président de Tolosa passe aussi une bonne après
midi. Ces incidents furent vite oubliés quand sortit le grand sixième,
brave et extrêmement noble à qui il manqua une once de continuité pour
faire un toro de vuelta al ruedo.
Jesulin de Ubrique (oreille et ovation) a gardé
sa popularité, mais a perdu sa spontanéité. Il veut faire le toreo sérieux
et y parvient parfois, quand les circonstances s’y prêtent. Cependant,
lorsqu’il est malmené, il reste dans la grisaille. Le premier avait une
charge vibrante, un peu désordonnée. Jesulin le passa sur les deux côtés,
dans un nuage de poussière, mais la mobilité du toro ne lui laissa aucun
répit. Oreille pour la suée... Le quatrième était plus templado, un
peu tardo. Jesulin le passa longuement sur les deux mains, se permettant
l’unique fioriture du desplante à genoux, puis dos au toro. Un avis,
car la faena fut longue, et seulement une ovation, à cause du pinchazo.
Eugenio de Mora fut très élégant dans ses véroniques
au deuxième, « mettant la hanche » et gagnant du terrain à
chaque passe. Toro plein de mobilité un peu désordonnée, mal lidié en
deux puyazos pris avec fijeza. Le bicho arrive « con alegria »,
au troisième tiers. Mora le prend par doblones élégants, puis se libère
en un joli pecho. Croyant le toro fixé, le matador tourne le dos et
s’en va d’un pas tranquille. Le toro n’avait pas lu le script et le
chargea violemment, le torero échappant à une grave bousculade, au
milieu des cris d’effroi. Du coup, Eugenio dfe Mora, piqué au vif, se
met à toréer long et lié, plusieurs passages de sa faena démontrant
temple et grande élégance. Bonne faena bien conclue à l’épée. Une
grosse oreille pour le toledano qui verra le cinquième sortir handicapé
d’une méchante pique de son varilarguero. Adieu le triomphe, le public
lui interdisant toute tentative de toreo.
Bon,
très bon succès de Juan Bautista. Le troisième Jandilla sort bien au
capote, mais se donne une terrible vuelta de campana à la cinquième véronique,
sortant assommé. Quel dommage, il semblait un grand toro. La cuadrilla va
faire attention, le matador va le prendre doucement, le toréer haut, sans
brusquerie. Début de faena où le toro trébuche beaucoup, puis, à force
de légèreté et de douceur, le français va le convaincre, au point que
le toro va suivre plusieurs courtes séries pleines d’élégance, avant
de « rajarse en tablas » où Jean Baptiste va lui sortir les
dernières passes, spectaculaires et vaillantes. Pincho ! Ayyy !
La bonne estocade qui suivit ne permit pas la concession d’une oreille méritée,
le public ne pouvant oublier l’invalidité du toro, en début de trasteo.
Il préfera applaudir la vuelta du français, et sourire au gag provoqué
par ce coq que l’on lança dans le ruedo et qui fit suer peones et
monosabios avant le plaquage final. A propos ! Enhorabuenas mil au
quinze de France, pour une défaite « con mucho pundonor »!
– Jean Baptite va être « énorme » face au grand sixième.
Enorme ! Larga à genoux, six véroniques en même position ;
quite por crinolinas ; banderilles avec grande bonne volonté, précédèrent
une très bonne faena, calme, galbée, bien liée. Le toro finit par
tarder, s’éteindre un peu, ce qui empêcha le trasteo d’aller à mas.
Bautista remit de la pression en derniers adornos à genoux avant de tuer
en deux épisodes.Deux oreilles et sortie a hombros méritées, Bautista
prenant ainsi sa revanche de sa déception de l’an passé. En effet, le
président lui avait volé une oreille, tandis que Juli et Abellan
coupaient à foison. Le Français, dans un réflexe de fierté, avait
refusé la sortie à hombros à laquelle ses propres collègues
l’invitaient. Cette fois, Juan Bautista salio a hombros, seul et
unanimement acclamé. Bien por el franchute ! Et enhorabuena a
« los de Tolosa »...
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