Reseña du 20 juillet

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VOILA POURQUOI NOUS SOMMES AFICIONADOS !

     20-juillet Mont de Marsan–5ème et dernière de Féria. Rarement, au cours des dernières années, dans cette plaza et dans d’autres, une corrida aura montré autant d’intensité, aura suscité pour tous autant d’émotions diverses, allant de la surprise à l’enthousiasme, du sursaut d’effroi à la panique, de l’approbation raisonnée à la plus profonde admiration. Rarement public, tous âges et toutes conditions confondus, aura vibré ensemble, communié à cette aventure presque barbare et pourtant si totalement humaine, qu’est une grande course de toros. Ce jour, dans le ruedo de Plumaçon, des taureaux et des hommes se sont rencontrés, qui, deux heures vingt durant, ont fait assaut de force, de courage, de noblesse et de rage, non pour le plaisir de quelques milliers de personnes, mais parce que le sort a voulu que se rencontrent ce jour, trois braves vêtus de lumières, accompagnés de leurs cuadrillas, et six toros appartenant à un sorcier qui a, encore une fois, souligné sa différence et cette spécificité : "Quand un Victorino sort mauvais, gare! mais quand il sort bon ! ! !"
      Six toros de Victorino Martin, remarquablement présentés, trois d’entre eux réellement impressionnants à la sortie. On ne sait ce qu’il faut le plus admirer : le trapio, les cornes très spécifiques à cette ganaderia, ou la présence, dès l’entrée en piste, imposant à tous respect et circonspection. Toros au comportement de fauves qui implique que chaque chose soit faite avec une exacte précision, avec pour bannière le courage et la lucidité. On a vu tous les comportements, au cours de cette course, à exception de la réelle bravoure au cheval : un premier toro noblon, un deuxième « con genio », qui blessa son matador, un troisième au sentido assassin, quatrième supérieur en tous points, particulièrement noble, au point que le public debout réclama et acclama sa vuelta posthume, un cinquième également noble, mais un peu plus fade, et un dernier toro qui se laissa faire, avant d’aller jouer vers les planches.
     On parlait hier d’un "petit général". Il faut encore parler aujourd’hui du "grand sorcier" de Galapagar qui , assis à la tribune, aux côtés de son fils, suivait sans émotion apparente le jeu de ses pensionnaires, comme si tout était prévu, écrit. Dieu sait qu’au fond de lui, quelque bouillonnement intérieur disait à la fois bonheur et tristesse, fierté et satisfaction du travail bien fait… en un mot: Emotion.
     Les hommes ont été à la hauteur de l’événement, et là également, on aura du mal à dissocier les moments de réelle admiration qu’auront suscités un Tato retrouvé, grandi, en tous points remarquable tout au long de la tarde, avec, en particulier deux coups d’épée magistraux; un Padilla, partant au combat "la fleur au fusil", ou plutôt "la cape en bandoulière", saluant le public avant sa troisième portagayola, à genoux à la porte du toril, le geste grave et serein de celui qui sait qu’il peut ne pas sortir vivant de cette rencontre furtive avec « l’éclair gris », jailli de l’obscurité. Trois fois le public retint son souffle, trois fois il hurla sa peur et son bonheur de voir le jerezano réussir son exploit. Et que dire de Pepin Liria, qui se jeta vaillamment dans la bagarre, face au deuxième. A plusieurs reprises, le toro serra l’homme, dangereusement. Deux uppercuts firent hurler la foule, mais ne firent pas reculer l’homme, qui continua à marcher sur son adversaire, ne lui laissant pas répit. Cependant, le toro savait qu’il allait réussir son coup, et à la sortie d’un muletazo trop court, la cogida fut terrible, le torero s’envolant sur le piton, étant violemment repris en l’air, cherché au sol. Vilaine impression d’une cornada grave, qui l’est en vérité : Double trajectoire de 15 et 12 cms à l’intérieur de la cuisse gauche. Cornada limpia, heureusement, qui ne touche aucun vaisseau premier.
      Cinq oreilles coupées, les deux toreros-héros et Julio Presumido, le vieux mayoral, longuement portés a hombros, à la fin d'une course où personne ne songea un instant à regarder sa montre. El Tato avait ouvert les débats, coupant l'oreille du premier, après une faena propre, clôturée d'un gros coup d'épée  Un Tato que l'on pensait en baisse, mais qui, à cette occasion  se grandit et magnifia le toreo lidiador, solide, puissant, certes exempt de génie ou d'effluves artistiques, mais ô combien précieux ce jour. Sa faena au quatrième fut un exemple de justesse et de puissance. Un torero au niveau d'un grand toro, liant et templant les suertes, se récréant dans de grands pases de pecho. Supérieur! Un torero … et un homme qui se grandit au fur et à mesure de sa faena, un regard et un sourire qui touchent le ciel! Bien préparée, bien citée, bien décomposée, une énorme estocade vint clore ce grand moment, et Raul Gracia, deux oreilles en mains, fit sa plus belle vuelta de l'année. Chapeau, Senor!
       Juan Jose Padilla, on le sait, ne fait pas dans la finesse. Cela passe, ou cela casse… Et cela a bien failli casser, quand le troisième vira brusquement à l'assassin, après la larga a portagayola, un premier tiers où il se réserva, et des banderilles musclées du "Typhon de Jerez". Le toro s'avisa terriblement dès les premiers muletazos, allant droit au but, levant des regards perdus chez le torero, et des hurlements de terreur dans le public. D'une autre ganaderia, on aurait pu songer à un "toro chaqueteado", déjà toréé. Panique à bord, estocade au vol, et le soulagement pour tous. Padilla sera récompensé quelques moments plus tard, touchant le grand cinquième qui lui permit de s'exprimer totalement. Faena de bûcheron, certes, mais exprimant à fond la noble charge du toro, tirant même de longues naturelles, à la "presque surprise" de tous… Epée de folie et deux oreilles exigées, octroyées et promenées dans l'euphorie générale. Il faillit bien rééditer l'exploit face au dernier, un monstre  encore reçu à genoux  dès la porte ouverte, banderillé avec aisance, et entrepris en surpuissance. Hélas le toro se montra noble, mais finit par rompre vers les barrières, où Padilla finit un peu en vrille, tant dans les dernières bravades, que dans une mort un peu plus laborieuse. 
      Un immense moment, dont on ne sait ce qu'il faut garder en guise d'emblème. Des hommes au sourire perdu dans les étoiles; un toro dont la dépouille fut saluée par un public debout, au long d'un tour de piste sans fin, les mulilleros de l'arrastre, le béret à la main; ou ce public, enfin ravi, enchanté, après quatre jours de souffrance, de rage ou d'enthousiasme rentrés. Toute la grandeur de la Fiesta, toute cette magie qui, soudain, nous donna rendez-vous, ce 20 juillet  à Mont de Marsan; toute cette émotion liée au noble combat des plus braves qui soient: "des taureaux et des hommes"… Voilà pourquoi nous sommes aficionados!