Reseña du Mercredi 16 août

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MONTERAZO, ENRIQUE ! ! …  CHAPEAU, JEAN-BAPTISTE ! !…

     16 Août – Dax : On a beau dire que « la tauromachie, c’est avant tout, le Toro… », on peut aussi penser que c’est avant tout « une histoire d’hommes, face au plus bel et plus puissant combattant qui soit : le Toro ».
     La cinquième corrida de la feria de Dax nous a fait vivre trois histoires, trois pages de vie, trois drames humains, avec peut-être un autre, plus discret, qui malgré quelque douleur, va s’apaiser . Trois toreros ont souffert , en quête de gloire, connaissant des fortunes diverses. Dans le callejon, un homme souriait, en boitillant. Les abrazos et les solides poignées de mains , celles du cœur, lui disaient le bonheur qu’on avait à le revoir : Franklin Gutierrez, mozo de espada de Enrique Ponce, terriblement cornéé dans le callejon de Tudela. Avec la douceur toute colombienne, Franklin répondait, et tous étaient heureux. Bienvenido, amigo.
     Toros de Samuel Flores. Bien sûr, le triomphe de l’an passé était dans toutes les mémoires. L’histoire ne se répète pas facilement. Cette année, ce fut le triomphe des hommes, les toros restant « en-dessous », même si quatre d’entre eux manifestèrent noblesse et mobilité. Présentation un peu inégale… Entre le premier bis et le sixième, il y avait un abîme (on ne parle pas ici de poids, mais de trapio). Au niveau cornes, brochos pour la plupart, spécifiques aux Samuel « qui chargent », dit-on. Bravoure mitigée, avec de solides puyazos, mais aussi de la bravoure bloquée aux planches, « sainte carioca » faisant son office. On gardera le souvenir d’un premier tiers de rage du sixième, puissant et encasté. Les quatre premiers manifestèrent  noblesse. Le cinquième, qui montrait problème du côté antérieur gauche, changea, marcha beaucoup et décida tout à coup de chercher l’homme, par des attaques « en piston ». Le sixième manifesta d’entrée ses intentions : « je sors, gare à vous, je vais tout casser ». Violent, avec sentido. La corrida débuta, hélas, par un triste incident. Le premier toro de la tarde, en sortant, fit un drôle de bond et se rompit l’échine. Horribles sauts de carpes du fauve foudroyé, au pied du burladero, avant d’être puntillé sur place par Jean Marie Bourret. Accident ! Quelle triste fin pour un toro de combat .

     On sait le combat intérieur que livre Enrique Ponce. N° 1 depuis des années, roi de la régularité, prince de la « difficile facilité », il est, cette année, un peu en-dessous… Les choses ne vont pas si bien. La muleta n’est pas si claire, l’épée pique beaucoup… et bien sûr, le sorteo s’y met. Alors, les détracteurs pavoisent, les critiques s’en donnent à cœur joie : Fini, Enrique Ponce !  A  n’en pas douter, Ponce accuse le coup. La veille, à San Sebastian, un toro l’a «mis en vrille », le public a grondé fort, et Enrique s’est énervé. Toute la presse lui est tombée dessus…« Pour qui sonne le glas ? ». Enrique arrivait à Dax… « tocado »

     Malgré l’aimable accueil des dacquois, après le paseo, les choses ne s’arrangèrent pas face au premier toro /bis, remplaçant l’accidenté. Toro noble et faena abondante mais rapide, enchaînant les suertes sur deux mains, comme pour se convaincre, et couper l’oreille à tout prix. Il y eut de bonnes choses, mais, on le sentait un peu forcé, loin du relâchement auquel il nous avait habitué. La difficile facilité… Après une demi-estocade, le descabello se montra lointain et inopérant à quatre reprises. Un avis tomba, on fit saluer le maestro, mais dans ses yeux et dans l’esprit de tous, le doute subsistait…
     La corrida, alors se poursuivit, avec les deux jeunes, le futur de la fiesta, ceux vers qui se tournent les « fossoyeurs de Ponce ». Le deuxième sort vibrant, long de charge, noble. Abellan arrive de Bayonne, chargé de lauriers. Son crédit, ici ,est entier, après 1999. Abellan coupera une oreille, prix généreux pour une faena commencée en fanfare, avec des cites à 15 mètres, mais qui alla à menos, sur un final embrouillé, sans grande imagination. L’épée voyagea deux fois, et la vuelta, oreille en main, fut poliment applaudie.

    La corrida allait décoller avec le troisième, que jean Luc Jalabert allait accueillir avec application. Nous disons, depuis longtemps tout le bien que nous pensons de ce Français « qui torée comme les espagnols » (Voir resena de Tolosa, en juin). Aujourd’hui, Juan  n’a pas besoin de s’appeler Bautista. Avec sa prestation au Samuel de Dax, il peut s’appeler Dupont, il restera Torero. Faena qui ira crescendo, les séries allant s’améliorant, le corps se relâchant , les passes se faisant plus liées, plus galbées. Final en apothéose, naturelles de face, adornos. Le toro est devenu entier collaborateur, et Jalabert, profitera de sa charge limpide pour envoyer, pavillon haut, une estocade recibiendo, magnifique d’exécution , et dans tout le haut. Enorme. Deux oreilles et ovation de tonnerre. Chapeau, monsieur Jean-Luc. On n’aime toujours pas ce costume bouteille et argent, (voir resena de Santander, en juillet), mais ça fait rien. Faena et estocade « de oro »

      Enrique Ponce restait là, attentif, félicitant ses jeunes collègues, faisant bonne figure. Mais, à l’intérieur... Le quatrième Samuel Flores sort, con alegria. Comme ses congénères, il sort abanto., passe, va se balader, revient et repart pour un tour. « On est comme ça, chez les Parladé ! ». Ponce va le soigner, sentant que, peut-être… Vite et bien,  Marianin aux banderilles, et, à partir de là… on ne prend plus de notes…
      Brindis à tous ! la montera tombe à l’envers. Hochement de tête…Même là, ça ne marche pas ! Début en torero, suave, par le bas. Première série qui dit la qualité du toro, la décision du torero. Le bicho s’arrête devant la montera, la renifle, et, du mufle, la retourne… mais la retourne d’un tour complet, et elle revient, à nouveau, à l’envers. Ponce qui a vu le gag, a soudain eu un espoir. Malchance, mais sourire, et décontraction revenue. Alors, le bonheur d’un torero, de toute une Aficion. Enrique Ponce, transfiguré, va enchaîner une faena de soie, alternant le fondamental avec des enchaînements de dentelle. De lujo ! Faena longue, de haute lignée, face à un toro noblissime. Longuement préparé, un gros volapié, sous l’ovation de toute une plaza qui a poussé, derrière le maestro. Le toro qui tarde un peu. Descabello ! Ayy… Mais il était dit que rien ne pouvait résister. Un toro de Samuel avait fait beaucoup de mal à Ponce, la veille, à Illumbe. Un toro de Samuel lui rendait le sceptre, aujourd’hui, à Dax. Deux oreilles ! Un sourire et un regard d’enfant qui reçoit son premier tableau d’honneur. Les tendidos, aux anges. Monterazo, monsieur Ponce.
     Le cinquième montrera que, face à quelques difficultés, Abellan n’a pas le réflexe ou la technique pour s ‘adapter aux défauts affichés. Alors, derechazos et naturelles se font accrocher, le torero se découvre, l’affaire traîne en longueur, et l’épée sans confiance voyage un peu trop. Silence pour  un Abellan qui a un peu « rendu » le triomphe de l’an passé.
     La corrida s’en va. On a hâte de voir les deux sortir à hombros. Alors, déboule le sixième, un sacré mastard ! Puissant, très violent, il désarme Jalabert qui doit sauter le bois. Très bien lidié par Christian Romero, le méchant prend, avec caste, une terrible ration de fer par Puchano. En sort groggy. Trop piqué ? Attention, il va « remonter » ! Banderilles en puissance. Bravo Ismael ! Et le bicho arrive à la muleta, plein de hargne et de sentido. Il a « remonté »... Jalabert va rester là, jusqu’à l’impossible, chaque passe étant de «huyyy ! ». Valiente ! Pas de faena, telle qu’on l’entend. Adieu dentelles ! Seulement dans les tendidos, les dentelles ! En bas, le sang et la rage ; la violence et la sueur. Un combat. Vaillant, mais combat perdu. Alors, rassemblant courage et toreria, Bautista, va monter l’épée et porte un grande estocade qui marque sa victoire finale.
     Longue resena pour une corrida spéciale, pour une longue « histoire d’hommes ». Ponce, rayonnant ; Jalabert, aux anges, sortent sur les épaules, acclamés par Dax et ses invités, debout. « Monterazo, Enrique !… Chapeau, Jean-Luc ! ! »