Reseña du Samedi 2 Septembre 2000

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BAYONNE, ET LE LEVER DU « ROI JULI »…

     2 septembre – Plaza llena – Pluie fine  en début de corrida, agréable grisaille bleutée, par la suite.
La corrida, c’est avant tout l’émotion. Elle vous prend, vous pénètre, et d’un seul bloc, vous lève, en même temps que vos 9999 voisins. Alors, ce public, debout, qui applaudit à tout rompre ce gamin qui vient de banderiller un « mamouth à double turbo », devient un grand public, composés de 10000 vrais aficionados qui ont vécu ensemble un vrai grand moment de tauromachie.

     Depuis avril, nous avons passé plusieurs minutes, dans ces colonnes,  à dire la torerazo qu’est « El Juli ». C’est dire à quel point il est heureux de l’avoir vu démontré hier, en plein ruedo de Lachepaillet, où dieu sait qu’il n’a pas que des admirateurs. Julian Lopez est sorti hier à hombros, véritablement, levé par une plaza entière, qui n’a pu que saluer son exploit face à un toro qui va alimenter les tertulias de tout un hiver, « au fond des penas ».
    
La corrida de Santiago Domecq n’a pas valu un Euro… déjà qu’un Euro ne vaut pas grand chose !  De la viande, peu de corne, excepté chez le sixième. De la mansedumbre, de la soseria et … une immense lassitude. Malgré le sirimiri rafraîchissant, le premier entama derechef une sieste que ni les doux muletazos de Ponce, ni les protestations du public n’arrivèrent à interrompre. Descabellant très lointain, le Valenciano  fut un peu chahuté. Il essaya bien de monter quelque chose au mastodonte burraco quatrième. Mais ce toro, d’une fadeur sans limite, ne lui permit qu’une série digne de ce nom. Pas à dire, Enrique Ponce doit un desquite à Bayonne, avec des toros qui lui permettent de démontrer que « non, je n’ai pas changé ! »
    
La corrida de Santiago Domecq n’a pas valu un duro. Mais au fait, le duro existe t’il encore? Sebastian Castella toucha le meilleur et le pire. Bon début, cape en main, face au troisième. Magnifique remate, après la demi-véronique. Bonne mise en suerte et quite par chicuelinas qui lèvent des murmures d’admiration. Mais à la muleta… le jeune matador  a « laissé passer un toro ». Il l’a laissé passer, parfois joliment, mais… Faena avec beaucoup de passes, sans commander, sans peser sur le toro. Parfois un muletazo bien « enganché » puis, au suivant, la corne passe sous le bras, frôlant la poitrine. Le toro était noble, un poil tardo, mais il était le meilleur de la tarde. Castella tua mal, et son puntillero fut un digne représentant de la corporation des « anciens bouchers ». La présidence avait oublié sa montre, et le public siffla le tout. Excuses au dernier, brindé à Robert Margé, son manager. Passer après le « tabac » du Juli, et toucher un « malo » très pointu, ça fait beaucoup pour un seul jeune homme.. Le toro, dès les premières passes, serra le frein à main, et déclara que « des barrières je ne sors pas. Na ! » Castella essaya quelques « tirades » vers le tercio, arriva même à placer trois muletazos, mais «  moi, je reviens vers la barrière. Na ! »  Il fallut donc aller l’y estoquer, ce qui se passa très mal, le torero se faisant vilainement bousculer et chercher au sol, sans mal, heureusement. L’hiver approche. Bonne période pour réfléchir et se poser les bonnes questions !
    
En un mot, on pourra dire que la corrida de Santiago Domecq… n’a pas valu grand chose. Le premier du Juli se laissa faite tristement, et il fallut toute la fraîcheur et la décision du garçon pour le faire passer pour « presque bon ». Autoritaire et doux à la cape, Julian donna le quite habituel, aérien, qui fait applaudir le public, et râler les photographes, qui ne savent à quel moment de la passe il faut « déclencher ». Trois paires de banderilles, normales, et une faena solide, carrée, main droite, agrémentée de changements de main et de passes inversées. Temple en trois jolies naturelles, et double pechos. Faena d’oreille, légèrement gâchée par une entière tombée et deux descabellos. Pétition minoritaire que le torero salua au tercio.
    
Catastrophe ! Le cinquième se démet un antérieur à la sortie, semble t’il , après la larga à genoux et le capéo du Juli. Le toro boîte méchamment et le public gronde fort. La présidence ne bouge pas, fait piquer le bicho et il faut une vraie dégringolade, juste avant les banderilles, pour que l’homme à la cravate sorte le mouchoir vert. Muy mal, le palco, hier. Pas facile de puntiller un toro tombé, mais entier. Manolo Belmez releva le Domecq, qui rentra au toril « por su propio pie ! »
    
Cette chronique est longue et peut-être pesante, comme le fut la corrida jusqu’à la sortie du cinquième-bis, « Ranillo », un sobrero, colorado de Andres Ramos,  de 593 Kilos. Ooooh ! Une montagne qui sortit violent, mais ne dit rien dans le capote du Juli. Puis, d’un seul coup, changea le panorama. Avec une force et une violence inouïes, le toro fond sur le picador, Ladron de Guevara,  lève le cheval comme fêtu de paille, propulse le cavalier qui se retrouve à califourchon sur la barrière (ouille !) et s’en va, laissant l’équipage, répandu là, en mille miettes. Le tendido est abasourdi. Vaya bicho ! Tandis qu’on essaie de rassembler les morceaux, le Juli retient le toro, et le libère vers le picador de réserve, fils de Salvador Herrero, qui va, en trois tours de valse, lui mettre un puyazo monumental, sans rectifier la position. Le toro lève tout le monde à plusieurs reprises, mais le jeune bras tient bon. Toro brave ? Toro manso con casta et violence ? A chacun son opinion, mais du grain a moudre au cours des prochaines tertulias… Ce qui est certain : Un Toro, un vrai ! Un premier tiers, un vrai !

     Alors débuta la grande chevauchée…Caste contre caste. El Juli s’en partit banderiller le gros méchant qui lui explosa trois fois au visage, sur des courses d’une puissance et d’une rage impressionnantes. Trois paires de banderilles, à mas, le torero sortant par miracle des deux dernières, réunissant et clouant fort, furieusement. Monumentale ovation, Bayonne, debout, saluant « le lever du Roi Juli ! ». Un toraco… y un Torerazo ! Faena de fer et de feu, le toro changeant de comportement, toro puissant, menaçant mais pas barabas. Autorité de Julian sur la main droite, temple à bloc, émotion de la sincérité, de la vérité, du courage et de la superbe. 

     Au moment de la naturelle, le toro n’est plus d’accord du tout, marche sans cesse, serre, poursuit, menace, désarme. Certains auraient arrêté là. Juli s’en va court quérir une autre « bannière de gloire » et revient sonner la charge, sur main droite, pour la série définitive. Quelques passes militaires et un remate torero, pour montrer que « la situation est en mains ». Alors, mèche au vent, un monumental coup d’épée, contraire à force « d’atracarse de toro ». Le « grand adversaire » s’en va mourir à la barrière, et l’enfant-roi l’accompagne, en une magnifique posture torera. Una estampa. Pétition tonitruante. Deux oreilles comme une maison et des regards enfin heureux, dans les gradins de Bayonne ! Vuelta d’enfer, pour un torero et pour un jeune qui, à ce moment là, a 10000 mères, pères, frères et sœurs. Muy bien, Torero ! Enhorabuena, Julian ! On demanda la vuelta pour ce toro, tout simplement pour avoir été un toro…Mais bravoure et noblesse ? 
    
Juste avant la sortie a hombros du Juli, vraiment ovationnée par un public vraiment heureux de le faire, un homme s’en allait boitillant, épaules lasses et visage grimaçant, discrètement au long du callejon. Il était tombé, à la sortie de sa paire de banderilles au premier toro de son maestro, Ponce. Dans les gradins, on avait ri… On avait tort. Jean-Marie Bourret, récemment blessé à Almeria a essayé, en torero. Mais il ne pouvait plus. Douleur, plus d’appui, stop ! Le guerrier s’en allait, tristement, vers le repos obligé.
    
Gloire et larmes; fureur et tendre admiration. Autant de sentiments, d’images et d’émotions qui passent en même temps, comme autant de sang dans les veines. « C’est pour cela, aussi, que nous sommes Aficionados ».