Reseña du samedi 5 août 2000

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QUAND LE REJONEO FAIT LA FETE

     5 Août – Bayonne : Dans le toreo, le rejoneo est un monde à part. Pourtant, on y torée, on y cite, on y temple la charge du toro. Pas de capotes, pas de muleta, mais le corps, la queue d’un animal superbe, dont on ne sait trop s’il souffre ou s’il s’amuse de la proximité du toro. Le cheval de rejoneo est torero. Certes, le patron, là-haut, commande, avec les jambes et les éperons. Certes il mène les rennes. Mais le cheval « est torero » et le triomphe passe dans ses yeux, après un quiebro magistral, ou à la caresse amicale du cavalier, sous les ovations.
     Peu porté sur cette spécialité, on ne peut que ressentir des moments, des émotions. C’est l’essence-même de l’Aficion. A Bayonne, la corrida de rejoneo a toujours un franc succès. Cette édition 2000 ne va pas le démentir. Deux cavaliers et un mayoral a hombros, et le souvenir de folles virevoltes  et d’une «competencia » farouche entre les cavaliers : qui enchaînera le mieux, clouera le plus près, fera le meilleur quiebro ?
     A signaler le lot de Benitez Cubero et Maria Pallares. Formidable présentation et sorties impressionnantes . Certes, cela se gâta un peu par la suite, en particulier pour Martin Porras, mais on retiendra le lot de Leonardo Hernandez  et le cinquième que fit briller Pablo Hermoso de Mendoza. A signaler qu’à part quelque chute ou glissade accidentelles, les toros ne tombèrent pas… face aux cavaliers. Qu’un capote veuille les replacer, les « obligeant », les faisant un peu humilier, et patatras, tout le monde en bas. 

      Leonardo Hernandez est de la race des seigneurs. Son élégance naturelle le mène à un rejoneo d’école, classique, posé, seigneurial. C’est ce qu’il montra face à son premier qu’il tua « descordandolo », ce qui est un défaut, ou aussi le témoignage qu’il a tué droit. On lui accorda une oreille, promenée dignement . Par contre, sa fougue,  tout à coup surprenante,  lui a  valu d’emporter le public, avec, à la clef deux oreilles du quatrième, la lidia  se terminant en feu d’artifice.

      Pablo Hermoso de Mendoza sidère le monde  par cette espèce de communion totale avec ses chevaux, et ces coups de génie, comme cet arrêt soudain, à quelques mètres du toro, pour marquer au pas  la cadence du lent pasodoble. Chorégraphie parfaite et émotion garantie. Il coupa, de son premier, une oreille que personne ne demandait, car la lidia était partie fort avec un premier rejon « au quiebro », d’entrée, mais avait connu quelques baisses de tension. Le trophée fut protesté, et le cavalier donna la vuelta en maugréant des promesses de revanche. Celle-ci vint au cinquième où le cavalier sortit « toute l’artillerie », entendez le fameux "Cagancho", torerisimo, mais aussi "Chicuelo" avec lequel il dessina trois pas de valse consécutifs à la barbe (et aux cornes) du toro. Deux oreilles et la queue pour le Navarrais, et le public, aux anges.

     Martin Gonzalez Porras, au demeurant fort sympathique, n’a pas réussi son entrée. Certes , il ne fut pas gâté au sortéo, mais au côté des deux danseurs étoiles, il faisait un peu… « chanteur de rap, en mal de rimes ». Multipliant les galopades à vide et les « vous avez vu comme je suis bon ! », il a eu beaucoup de mal à convaincre le monde, et aurait intérêt à plus s’occuper de la lidia, que des clins d’œil, par trop appuyés, au tendido. Faisant exécuter à ses chevaux des tours de force et des acrobaties parfois discutables, il prédispose favorablement le public, qui déchante aussitôt, suite à un passage à faux ou une farpa tombée bien bas. De plus il bafouilla ses cours de descabello, et sortit, poliment applaudi, tandis que les deux ténors avaient droit à d’autres  honneurs. 
     Beau temps et presque deux tiers d’arène, le public sortant enchanté de cette « première des fêtes ».