L'ACTUALITÉ TAURINE 
(juin)

JUIN… LES AFFAIRES SERIEUSES COMMENCENT

     Tandis qu’en Espagne, la San Isidro entame sa dernière ligne droite, et que l’on va parcourir quelques ferias « plus aimables », comme celles de Granada, Alicante, Badajoz, Algesiras, etc… avant le prochain col, celui de Navarre, du côté de Pamplona, la France ouvre sa « Temporada grande ». Arles, à Pâques, a été le prélude aux grandes ferias qui vont se succéder jusqu’en septembre, des deux côtés de la géographie taurine française : Sud-est et sud-ouest, un marché juteux et extrêmement compétitif, que le mundillo espagnol prend de plus en plus au sérieux.
      Juin, c’est la Pentecôte, et la Pentecôte, c’est Vic et Nîmes… On a tendance à les opposer. Elles font couler beaucoup d’encre dans les gazettes, de ricard et de fino dans les guinguettes. Les comparer serait idiot… Et pourtant:  Vic, la furieuse, Nîmes, la mondaine… Vic, tel ce village lointain où quelques gaulois résistent. Nîmes la Romaine où, d’un pouce levé ou baissé, quelque divinité de l’écran, du barreau ou de la politique, vient se faire voir, l’espace de deux passes de poitrine…(ou deux derechazos, pour qu’il n’y ait aucune autre interprétation) . Chacune a ses adeptes, aficionados sincères. Chacune a ses snobs, qui viennent s’encanailler dans les bodegas, l’espace d’une chair de poule à la plaza  et d’une bonne suée, dans les ruelles surpeuplées. Chacun dira :  « Les autres, là-bas, ce sont des fous furieux, ils ne valent rien. Le toro, le vrai, c’est chez nous ! » Chacun en sera sûr, et c’est très bien ainsi. Cette année, Nimes et Vic sortiront des Cuadri à 48 heures d’intervalle. Emotion , sol y moscas. Du moins, on l’espère.
    
Avant, on aura aussi connu, de façon plus intime, l’émotion du toro, au cours de la feria d’Alès. Trois corridas, avec en plat fort, les Escolar Gil du 4 juin.
     Côté Sud-Ouest, on passera de l’aimable au dur, le 18 juin. A côté de Bordeaux, la placita de La Brède continuera sa quête taurine, drainant l’aimable clientèle de Garonne, tandis que Aire sur Adour convoquera l’Aficion pour un corridon de Palha, en espérant que le ramage sera à la hauteur d’un plumage de guerre. Dans le Gers, du côté de Gimont, un torero prendra l’alternative, le 25 juin. Respect pour Gilles Marsal qui affrontera les Guardiola. Mais une alternative n’est-elle pas "symbole de futur" ? Pendant ce temps, à Saint Sever le même week-end  alignera novillada avec Castella, le samedi, et corrida de Sepulveda, le dimanche.
      Mois de juin pour tous les goûts, mais pas pour toutes les bourses, le prix des places, y compris dans les plus modestes des ruedos, voisinant le prohibitif.

Voir rubrique « Carteles » 

 

ET MIGUEL ABELLAN FIT SAUTER LE VERROU

     2 juin : Emotion collective en plaza de Las Ventas de Madrid  quand, sur le coup de  21h15, est sorti en triomphe, par la grande porte,  Miguel Abellan, après une de ces après-midis où l’épique et le superbe ajoutent une page à l’Histoire et à la légende du Toreo. Il aura fallu 21 tardes pour qu’un matador, sorte enfin a hombros par la Puerta Grande, après Castano, le novillero, et Pablo Hermoso de Mendoza, le cavalier.
 

    A la fois compliquée et si simple, l’alchimie du triomphe : Des toros et des hommes. Quatre toros de Garcigrande, bien présentés et donnant du jeu, mêlant mobilité, noblesse sans innocence, un de Santiago Domecq très ardu et dangereux, sorti quatrième, en « remplacement d’un remplaçant » du Torreon, et un cinquième, pénible, de Domingo Hernandez. Le Zotoluco remplaçait Vicente Barrera, et eut du mal à confirmer les bonnes manières enregistrées lors de sa première sortie. Ovationné au premier, il se battit avec le sauvage de Domecq, se faisant accrocher et revenant au combat sans se regarder. Ce mexicain basané devrait toréer beaucoup cette année, mais il serait intéressant de le voir, avec d’autres ganados que les Miura de Pamplona, par exemple. Rivera Ordonez fit l’effort. On le vit calme et reposé face à son premier, valeureux au début du cinquième combat, entamé à genoux à la porte du toril. Cependant, le ton baissa à la muleta, et Francisco Rivera sort d’un nouvelle feria, sans aucun trophée.
Miguel Abellan venait pour triompher et il y a réussi, à coups de canon, à coups de courage et de verve, et au prix de trois voltiges, d’une blessure et de sérieuses courbatures pour un bon moment. La verve face au troisième de la tarde, reçu a portagayola, pour une larga à genoux, suivie de trois autres, au tiers. La verve avec le capote, dans la grande demie et le quite. La verve dans cette première faena au cours de laquelle le toro va la prendre et lui infliger un coup de rasoir de 15 cm à l’arrière de la cuisse droite. La verve, l’épée et une oreille, avant de partir vers l’infirmerie.
     L’épique allait arriver au sixième. La  cuisse recousue, le costume blanc et argent « strappé », le visage fermé, la démarche un peu raide, Abellan partit s’agenouiller au toril pour une larga  « roulette russe ». Le toro sortit mal, laissant le torero se jeter au sol, sautant par-dessus, tel un châton qui joue avec une balle. Ouf ! Superbe Abellan qui le rappelle, s’agenouille pour une nouvelle larga , enchaîne des lances en tablier et une demie qui font rugir la plaza et les télespectateurs dans leur salon. Dès lors, tous vont se ranger aux côtés de l’homme, l’encourageant, le poussant, voulant ouvrir pour lui cette satanée porte. La faena, brindée avec verve et sincérité à Roberto Dominguez (On ne peut ici parler  de démagogie ou de quelque tactique, puisque la plaza n’entendait pas les paroles, ne connaissant qu’après quel en était le destinataire), débuta au centre par une changée dans le dos, bissée, avec pour remate un trincherazo, de cartel. Série à droite où le toro menace quand on ne le commande pas, et, sur l’amorce à gauche, une impressionnante cogida, le torero s’envolant très haut, retombant sur les cervicales. Emotion, peur… Réminiscences des drames passés. Abellan se relèvera et continuera son trasteo, poussant une estocade un peu basse qui fera son effet, le toro ayant l’ultime force de faire encore voltiger la diestro, imprudemment  resté à portée. Groggy mais heureux, roué de coups, le visage baigné de larmes, une deuxième oreille en main, Miguel Abellan fut emporté pour la fête païenne, levant au passage sous le porche de Madrid, le poing vengeur de la  gloire et du sang.
     Le toreo est ainsi, superbe et dramatique, fait de sueur et de sang, de peur et de bravoure mêlé. C'est pour cela qu'on l’appelle "Fiesta brava ». Miguel Abellan en fut, ce 2 juin de l’an 2000, en plaza de Madrid, la plus belle illustration.
 

A ZARAGOZA, LA DECEPTION VINT D’ESPLA

 3 Juin : On sait le souci de création de Simon Casas, nouvel empresario de la plaza de la Misericordia. Monter  le nouveau, le surprenant, parfois le génial, lui a souvent réussi, en d’autres lieux, en d’autres époques. Son début de saison, à Zaragoza, annoncé à grands renforts de publicité, n’a pas, pour le moment, obtenu les résultats escomptés : entrées moyennes, résultats artistiques moyens, présentation moyenne du ganado. En un mot… bien moyen. La fameuse corrida concours du 3 juin devait remettre les pendules à l’heure : Six ganaderias dures, face au  seul Luis Francisco Espla, torero largo, intelligent, volontiers provocateur à ses heures. Sa conception du concours et de la lidia fut l’objet de nombreux articles. A Zaragoza, le 3 juin, on allait voir ce qu’on allait voir.

     Le résultat, malheureusement, ne fut pas à la hauteur des intentions. La plaza ne s’emplit pas, loin de là. La chaleur suffocante écrasa le spectacle. Côté toros, la présentation  et le comportement furent sujet à discussions, avec, heureusement deux grandes exceptions : les toros de Victorino et de Cuadri, sortis troisième et sixième. Autre satisfaction : le concours, à l’intérieur du concours : celui des cuadras de « chevaux de picar», et un grand vainqueur : Alain Bonijol et son cheval vedette « Quick ».
     Déception avec les toros du Partido de Resina qui se cassa un piton et fut remplacé par un Murube, éteint. Le Fraile fut si manso qu’on le condamna aux veuves. Le Guardiola se mit en grève et le Moura cinquième se montra bien faible. De fait, la corrida se résuma à l’émotion créée par « Herbolario », petit toro de Victorino qui alla cinq fois au cheval et fut bien piqué par Jose Carlos Gonzalez. Le toro se montra vibrant à tout instant, fut honoré d’une vuelta posthume, et remporta  le concours, haut la main.  Son seul compétiteur, le Cuadri, fut le mieux présenté de la journée, mais la corrida avait déjà coulé, l’émotion et l’intérêt, disparu.
      La déception, ce jour, vint d’Espla, trop facile, trop scientifique, trop cérébral peut-être. Les professionnels diront qu’il a été bien, faisant avant tout, briller les toros. Les aficionados n’auront pas le même avis. Journée « sans » du diestro d’Alicante, qui se montra intermittent dans tous les tiers, banderilles incluses, et tua mal : trois ovations, puis le silence, le torero sortant sous une forte division. Il laissa clairement échapper l’occasion de triompher, face aux Victorino et au Cuadri. Bilan final : Les concours ne décollent pas, et malgré toutes ses intentions, Luis Francisco Espla a été ramené à plus d’humilité. Et plus d’un collègue aura, en son for intérieur, souri. C’est ainsi.
 

UN TORO D’ADOLFO MARTIN MET LE FEU A LAS VENTAS

       4 Juin : Très intéressante corrida d’Adolfo Martin, en plaza de Madrid, à l’occasion de la  23ème de San Isidro. On ne pouvait mieux entrer dans la semaine torista. La corrida est sortie légère, parfaite démonstration que le trapio n’a rien à voir avec le poids. 481, 484, 486 Kgs et une allure, une présence, pourtant des plus sérieuses. Qu’on en parle au Fundi et à Miguel Rodriguez qui, à des niveaux distincts, ont connu l’échec, ce jour. Toros encastés, avec quelquefois du sentido. Toros qui exigent énormément de la part des toreros, dans tous les domaines. La corrida était intéressante, mais ne décollait pas, les toreros n’étant pas à hauteur.

     C’est alors que sortit le sixième « Malagueno II », remarquablement présenté, fier dans sa sortie, vibrant dans la cape d’Oscar Higares. Le toro fut remarquable de classe et de bravoure, chargeant de très loin au cheval de Manolo Martin , qui sortit sous une formidable ovation. Formidable premier tiers, et l’émotion dans la plaza : un toro et des hommes, tous fiers et nobles, en un combat loyal et glorieux. Le toro de Don Adolfo terminera noblissime à la muleta d’un Higares qui se montra remarquable en début de faena, flotta un peu, pour revenir fort en une série de la gauche, vibrante. Un ensemble, quand même, au-dessous du toro. Une épée contraire, « atracandose » et un descabello, le public octroyant une oreille, et exigeant la vuelta posthulme pour le « Malagueno II », grand prétendant au trophée du « toro de la feria ». Formidable moment et grande image que celle du « Senor Toro », qui, à vingt mètres du piquero, se fixe, observe, jauge l’adversaire, et s’en va au fer, majestueux et guerrier. Toute la grandeur du premier tiers. Toute l’émotion de la Fiesta brava.

 

UN PREMIER WEEK-END  EN DEMIE-TEINTE. 

     Aux côtés de la feria de San Isidro qui entamait dimanche sa dernière ligne droite « torista », on attendait  avec intérêt les résultats de plusieurs courses-événement, Zaragoza venant immédiatement à l’esprit, ou le rendez-vous de Barcelone, la France retenant l’attention avec la feria d’Alès.
     Le samedi  fut noir sur plusieurs fronts : Espla à Zaragoza, où triomphe une fois encore Victorino. Dans la Rioja, en plaza de Haro, où la terna Joselito – Ponce – Juli coupèrent les oreilles à une corrida imprésentable de Carmen Lorenzo. Dimanche, heureusement, il y eut « Malagueno II » en plaza de Madrid, et une corrida d’apothéose à Barcelone, le trois diestros sortant a hombros. Puis quelques bonne choses, çà et là, la franche déception se situant « pirineos parriba ! »
     « Pas à Alès, hélas ! ! » Les résultats de la feria d’Alès ne passeront pas à l’histoire. Mi-plaza , samedi et des Cortijoliva difficiles. Frascuelo et Frédéric Leal eurent quelques bons moments, mais le Califa connut un gros échec. Le lendemain, devant une entrée très moyenne, les toros d’Escolar Gil ont donné ce qu’ils avaient : « solo fachada ». Les toreros ont fait ce qu’ils ont pu. Seul El Renco, qu’accompagnaient Denis Loré et Juan Carlos Garcia, a pu donner une vuelta , au dernier. Douze toros, pas une option d’oreille… on aime souffrir ! Le matin, la corrida de Rejoneo a permis de voir triompher Javier Buendia, Andy Cartagena et Damien Donzala qui prenait l’alternative.
     Du côté de Murcia, le public « le passa bien » en plaza de Cehegin. Face à une corrida de Guadalest, moyenne en présentation mais de grand jeu, Finito de Cordoba, Pepin Liria et le Morante de la Puebla sont sorti a hombros, coupant chacun deux oreilles. A noter que le Morante a, encore une fois, banderillé avec brio, comme l’autre dimanche à Sanlucar. Incroyable volonté de ce torero-artiste, d’atteindre le plus haut, le plus complet, avec cape, muleta, épée et même banderilles. A voir s’il se décide dans une grande plaza, ou à l’occasion d’une grande feria. Il ne faut pas en douter. En tous cas, magnifique retour du Morante, qui depuis son retour, fonctionne bien, triomphant partout, sauf à Madrid, qui n’a pas désiré le voir.
      Séville a vu de très bons passages de Antonio Fernandez Pineda, face à une novillada, très moyenne en, tout de San Miguel. Oreille et deux vueltas, pour de grands moments toreros. Martin Antequera est encore parti au feu, se faisant prendre par deux fois (blessure au cuir chevelu). Miguel Angel, n’a pas eu de chance pour sa présentation dans la Maestranza.

 

GRANDE TARDE DE TOROS ET TOREROS A BARCELONE…COMME HIER !

     Le dimanche 4 juin 2000 restera marqué par le grand toro de Madrid et « une page de plus… » au renouveau de Barcelone. Voir la plaza catalane, très bien remplie, vibrer aux exploits et à la sortie a hombros des trois toreros, met du baume au cœur de ceux qui se souviennent de l’époque où la monumental ouvrait ses portes tous les jeudis et dimanches, pesant vraiment sur la temporada. On en est loin, mais le public apprend à reprendre le chemin de la plaza., public torerista, qui ne se bouge que pour les grandes occasions, pour le moment. Ce public barcelonais a fait de Jose Tomas et du Juli deux de ses idoles, comme jadis Chamaco ou Paquirri.  Dimanche, ce fut la grande fête : Rivera Ordonez, Jose Tomas et le Juli, sortirent en triomphe par la porte monumentale, après une tarde de caste, de compétition, de ces tardes qui font l’Aficion.
     Rivera Ordonez alluma le feu en recevant le premier a portagayola. Hélas, le Parladé se montra bien faible, mais le torero lui porta une immense estocade, coupant une oreille. Le quatrième de la ganaderia titulaire s’éteint rapidement, et Rivera s’accrocha, coupant un nouveau trophée. Enorme triomphe de José Tomas, avec le capote et dans une faena très liée face au deuxième de Domecq. Deux oreilles, et la folie. Le cinquième, un Parladé distrait qui le prit vilainement, l’obligea à s’accrocher, arrachant les passes, au fil du piton, créant l’angoisse dans les tendidos. Nouvelle oreille, malgré deux pinchazos. El Juli ne se laisse battre par personne. Le jeune  alla recevoir ses deux toros , à genoux, face au toril (une mode, cette année), et donna tout ce qu’il pouvait, face à un lot contraire. Deux oreilles de feu et de sang, face au dernier Domecq, alors qu’il n’avait rien pu faire avec le troisième de Hermanos San Pedro, abimé dans le ruedo, et que le président avait refusé de changer. A noter, encore une fois, l’excellent comportement des Juan Pedro Domecq.

 

JUAN JOSE PADILLA COUPE UNE OREILLE AUX PABLO ROMERO

     5 juin. Grand beau temps et un peu de vent pour la corrida du Partido de Resina, que l’on continuera d’appeler Pablo Romero. Dur retour pour les célèbres toros cardenos qui sont passés, en quelques décades, de la gloire «a la nada », perdant tout, jusqu’à leur nom. Les ex-colosses aux pieds d’argile, reviennent, peu à peu, après un long purgatoire qui les vit décastés, mansos intoréables, puis, peu à peu, donnant un jeu plus complet, pour arriver à 1999, sortant rien moins que le meilleur toro de la San Isidro, « Joyerito », lidié le Fundi.

     La corrida « 2000 » du Partido de Resina est sortie, bien sûr, remarquablement présentée, quoique sans exagération à la bascule, mais sans race, chargeant ça et là sans fixité ou mollement. Sortit en deuxième lieu un mauvais élève de Criado Holgado. Jose Antonio Campuzano aligna les passes sans vibrato. El Tato donna ce qu’il peut donner actuellement. Quant à Juan Jose Padilla, il donna tout, y compris ce que les toros n’avaient pas. Oreille au troisième, après une démonstration de force, avec cape, banderilles, muleta et épée. C’est pas de la dentelle de Bruges, mais cela porte sur les gradins, et en regardant bien, ce Padilla-là ramène à la surface, l’image et l’histoire des toreros d’antan, «mata-toros », guerriers des ruedos, personnages folkloriques, lors des deuxièmes mi-temps. Il en faut. La tauromachie n’est pas un sport, c’est un art : l’art de se jouer la vie dans la poussière, la sueur, la salissure, les mauvaises odeurs et les mouches. L’art de combattre un dieu, tout droit venu de la mythologie. Padilla, vaillant guerrier, digne d’Achille, n’aurait pas dénoté, jadis, au siège de Troie.

 
HOMMAGE A DENIS LORE, PENDANT « SA » FERIA DE NIMES

     Dix ans déjà, que Denis Loré a reçu l’alternative. Dix ans de lutte, parfois trouble, et le sud-ouest en sait quelque chose, qui a mis du temps à lui pardonner. Dix ans d’espoir, toujours de sincérité. Et dix ans de résultats. La campagne de novillero, brillante, faisant partie de la génération 90, que chanta si bien Claude Pelletier. L’alternative, de lujo, et puis, le dur apprentissage. De la lumières à l’ombre, sur le métier , l’ouvrage cent fois remis. La rage, le doute, peut-être, mais aussi la conviction : Torero. Les noires années, vers 93/94… Saint-Sever ! Et puis, enfin , la porte qui s’ouvre, l’aube qui se lève :La chance de montrer, avec épée et muleta, vêtu de lumières. La maturité, le courage et, enfin, un peu de réussite. 96/97, « Gravato »le toro de Palha, les Baltasar, les Cebada, entre autres.

     C’est tout cela que l’on va fêter, simplement, joliment, cette année à Nîmes. « L’Association des Amis d’un Maestro » a demandé à des photographes, à des artistes, peintres, dessinateurs, de l’aider à monter une exposition-hommage, une page de souvenirs, auxquelles elle invite tous les Aficionados qui ont vibré avec le torero français. Du 8 Juin au 2 juillet, à la Galerie des Arènes.
      Notre site ne pouvait que se joindre à cette fête, et donc, durant toute l’exposition nîmoise, l’aficionado pourra aller visiter une galerie photos relatant quelques anecdotes et passages de Denis Loré, novillero et matador, dans les ruedos du Sud Ouest. C’est notre façon de collaborer à la sympathique manifestation et de dire à Denis, d’une part, « on t’a pas oublié ! », et d’autre, « on a oublié ! ». Enhorabuena, Torero !

A visiter, en cliquant ici: Denis Loré - 10 ans d'Alternative - Souvenirs  du Sud-Ouest

 

BAYONNE :  TEMPORADA 2000 , C’EST PARTI ! !

     6 juin – Bayonne vient d’annoncer les affiches de sa temporada 2000. La cité de l’Adour, on le sait, tarde à révéler ses cartels. Bien sûr, il est important de voir ce qui peut se passer à Madrid, et ne pas manquer l’éventuelle nouveauté, la soudaine explosion.
     Appuyée, de longue tradition, par la Casa Chopera, travaillant sérieux, avec les clubs et penas, visant avant tout l’équilibre entre le toro de respect et les hommes de talent, Bayonne a, chaque année , un challenge à remporter : celui de remplir ses arènes, et donner du sérieux, de la qualité, dans un contexte difficile: Ce n’est pas une feria, mais, dans son moment fort, elle est entourée, à 50 kilomètres, de deux ferias : Dax et San Sebastian. Il faut donc, chaque année, trouver « le petit plus », ou la nouveauté, qui gardera chez eux les aficionados locaux, et qui attirera ceux de l’extérieur. Dure alchimie, faite d’exigence, de souci de la gestion et avant tout , d’aficion. 2000 ne peut faillir à la règle, après les hauts niveaux atteints en 98 et 99.

Voir dans la rubrique Carteles

 

L’HISTOIRE D’UN LIVRE - UN LIVRE D’HISTOIRE

    On a beau dire, la tauromachie reste avant tout une affaire d’hommes, ou plutôt, afin que nos consoeurs et néanmoins amies n’en prennent ombrage, la grande histoire de la Tauromachie, part de l’humain, d’un flash, d’une passion, d’une rencontre. El Cordobes aurait-il eu ce destin sans sa rencontre avec El Pipo ? Peut-être. Face au toro, et au  système commercial qui l’entoure, c’est l’histoire sans cesse répétée, mais toujours différente, du jeune garçon tout timide et souvent sans un sou vaillant, dont quelque doux rêveur, parfois aussi fauché que lui, a repéré le talent, dans quelque tentadero ou fiesta de village. Une rencontre, un rêve à deux…Qui aide l’autre ? Et puis, le nom qui commence « à sonner », le premier gros triomphe, au prix de combien de sueur et de volteretas, de combien de doutes, de guerres, de chantages, en terre de mafia. Payer pour risquer sa peau… Puis un jour, le torero brille de mille feux et s’envole. Le cigare d’une main, le chéquier de l’autre, quelque gros empresario lui signera une exclusive, et le jeu sera peut-être faussé. Le doux rêveur, lui, repartira, aussi fauché qu’ avant, repérant , un prochain jour, un nouveau prodige… Et l’histoire recommencera.

       Une histoire d’Hommes, une rencontre… à la base d’un ouvrage qui vient de paraître, ce 6 juin 2000, à Bayonne, en bords d’Adour. Vendredi 24 avril 87, en plaza de Séville. La feria est mal partie, assommée d’entrée par la terrible cornada, la veille, de Pepe Luis Vargas, par « Fantasmon ». Il fait beau, mais la corrida de Benitez Cubero sort mal. Dans le ruedo, J.A Campuzano, Juan Mora et Lucio Sandin pataugent un peu. Sur les gradins où l’on s’ennuie, un biarrot, prof d’histoire et de géo, un aficionado, écrivain , revistero, amoureux de lumières et d’émotions artistiques, Jacques Lavignasse. Pendant toute la corrida, il entend dans son dos, un véritable reportage radio, une leçon de technique taurine, une résena sans fin, une « tertulia à un ». On l’a tous connu, et cela peut être horripilant. Cette fois cependant, l’aficionado est subjugué par l’exactitude des propos, d’autant qu’ils sont distillés par la voix fluette et pointue d’un gamin de 15 ans. En fin de course, Lavignasse se retourne vers l’enfant et lui dit, en substance « Si tu peux appliquer tout ce que tu as dit, tu seras un jour une grande figura ». Aux côtés du jeune, un adulte dit doucement « il sera torero »… 24 avril 1987. Le gamin s’appelait Enrique Ponce, et le frisé de Jaen qui l’accompagnait était Juan Ruiz Palomares. Quelques mois plus tard, Jacques Lavignasse repéra les premiers grosses sorties du jeune novillero de Chiva, puis l’alternative, et se mit à noter scrupuleusement sur ses calepins chaque étape du parcours de ce gamin magnifique qui, depuis le tendido, avait si bien toréé les Benitez Cubero de 87 à Séville. Et cette année, à Valencia, où Ponce fêtait ses 10 ans d’alternative, est née l’idée de mettre « au propre » ces notes, ces pages de vie. Le gamin est « un figuron del toreo » et le frisé de Jaen, est toujours à ses côtés, apoderado, ami, compagnon de bataille, Juan Ruiz. 

     Un livre est né, aussi fort que l’amitié, une histoire d’homme, de torero, magnifiquement écrite avec le coeur, simplement  et richement illustrée. Son titre : « Enrique Ponce » tout simplement. N’hésitez pas…

 (« ENRIQUE PONCE » de Jacques Lavignasse – Editions Atlantica – 250 Frs – renseignements : 05 59 52 84 00)

 

MADRID - LE RETOUR « AU BON PORT »

     6 juin – Corrida de Guardiola , 25 ème de San Isidro. Les toros sortent bien présentés  et donnant du jeu, en particulier le troisième. El Tato  passa, et Alberto Elvira se montra un peu tendre. Surprise pour les uns, prévisible pour ceux qui, en douce, surveillait son parcours depuis quelques mois, c’est Victor Puerto qui, sans couper de trophées, a refait surface, toréant juste, tuant mal, mais écoutant deux fortes ovations, même après deux avis au cinquième.

     Révélé par Madrid, à la San Isidro 96, dont il avait été l’explosif triomphateur, Victor Puerto avait couru les ruedos, toréant beaucoup, parfois très bien, alternant le classique et le baroque, prenant beaucoup de coups, jusqu’à un jour de feria de San Isidro 98 où il divorça du public de Madrid. Un grand toro, une faena qui débute fort bien, mais qui s’effiloche. Stupeur dans les gradins, tristesse, et division d’opinions. Rageur, cabochard et cabotin, le torero, montera vissée sur la tête, donne trois coups de torchon à son deuxième toro et l’expédie sans y mettre les formes. La bronca est épique. Dans le callejon, le torero fait quelque déclarations maladroites, reprises dans toute la Presse. Le divorce est consommé. Madrid qui lui avait tout donné, ne lui a pas pardonné, pendant deux ans. La chute fut dure, mais le torero, plein de superbe, ayant perdu beaucoup d’amis et d’admirateurs, a eu la force et l’intelligence de se refaire, en province, dans les plazas de moindre catégorie, puis les ferias dites « secondaires ». On l’a vu triompher à coups de bravades et de rodillazos. Mais, également, certains le virent excellent avec cape et muleta, toréant juste et reposé. Son début de saison était très intéressant, mais, n’allait-il pas coincer à Madrid, où on l’attendait, le sourire en coin ? Inscrit à deux courses dures, les Guardiolas et les Dolores Aguirre de Jeudi , Victor Puerto a gagné la première manche, salué par Madrid. S’il est « moitié bien » avec une corrida que l’on pressent impossible, il est totalement relancé. A suivre.

 

TOLOSA : AFICION Y AMISTAD

     Loin des grandes ferias, loin des consortiums taurins, à l’époque où Illumbe était encore que rêve et utopie, une petite plaza résistait, en cœur d’Euskadi. Jolie comme un cœur, reconstruite, soignée, bichonnée par une bande de copains qui y ont passé quelques dimanches, Tolosa a survécu. Une bande d’aficionados de verdad, fiers de leur culture, de leur histoire se sont battus, et bien battus. Porteurs, avec Azpeitia, de la tauromachie en Pays Basque, à l’heure où le Chofre de San Sebastian avait fait place aux HLM de luxe, à l’heure où la noire Bilbao s’illuminait parfois, une après-midi d’août, ils ont maintenu la flamme du romantisme taurin, et en aimant leur placita, ils ont écrit l’Histoire. Quand on les entend, cela semble s’être plutôt bien passé, chaque dimanche et chaque effort étant ponctué de quelque bouffe épique, où l’on chante le pays, à pleins poumons. Dieu est juste, et peut-être Aficiondo. Il a donc permis que ces hommes triomphent, apportant à leur ville et à l’aficion de toute une région, l’incontournable occasion d’aller passer une journée de toros et d’amitié, chaque année en juin, aux alentours de la Saint-Jean. Dans la placita, depuis quelques années, défilent toutes les vedettes, d’Ojeda à Rincon, d’Espartaco à Ponce, de Jesulin à Juli. Les toros y sont à la catégorie de l’arène, et c’est très bien ainsi. Ce qui n’empêche que l’on y fait les choses sérieusement, et que le public, qui vient de terre basque, de Rioja, même d’Aragon, est sûr de « pasarlo bien », tant dans la plaza qu’en dehors, au fil des rues, des restaurants et des bars où l’on sait ce que qualité et convivialité veulent dire. Par ailleurs, Tolosa est depuis quelque temps le rendez-vous des penas taurines, et l’occasion d’une grande journée taurine et … gastronomique.

     Deux cartels intéressants pour l’édition 2000, les 11 et 24 juin, sans oublier le grand concours des « recortadores », du 25 , dans la plus grande tradition de la tauromachie du nord, des places de villages, à l’heure où l’on ne connaissait pas encore la muleta, « le tres en uno », «le pase de las flores », ou de «la tortilla ». A cette époque-là, c’est « mains nues et jambes vives » que les jeunes, pour faire sourire le belles, affrontaient les toros et autres vaches braves, venues des pentes de Navarre, bien nerveuses et bien pointues, pour des joutes où l’on maniait les anneaux et les paniers d’osier. Une autre tauromachie, une autre aficion , un autre romantisme… Une autre histoire, qui vaut le déplacement, car les jeunes sont toujours aussi vaillants, les vaches toujours aussi pointues, et les filles, toujours aussi belles …
    Tolosa - Voir à la Rubrique  Carteles 

 

GRAVE BLESSURE D’ESPLA EN PLAZA DE MADRID

      7 juin – Souriant, les rouflaquettes  faisant jeu avec le costume à l’ancienne, tabac et or, Luis Francisco Espla ne s’attendait probablement pas, en faisant le paseo, à rester si peu de temps sur le ruedo de Las Ventas. Le destin et un toro de Celestino Cuadri en ont décidé autrement.
     On attendait de grandes choses de cette 26 ème de feria. Les Cuadris étaient bien sortis, en début de saison, et samedi , à la concurso de Zaragoza, le sixième avait confirmé. Du côté des hommes, Espla, Pepin Liria et El Califa. Torero savant ou gladiateurs, les trois étaient de taille à vaincre les lions.

      Espla affronta le premier, en savant, avec un brin d’ostentation, du style « vous voyez comme j’ai bien compris le toro, comme je sais bien le lidier ». On a du mal à comprendre pourquoi il le plaça loin du piquero, pour la deuxième pique, tel un brave en concours, alors que le toro avait été manso sur la première rencontre. Le public marcha… et le toro confirma sa mansedumbre. Un joli quite, des banderilles faciles, tout était en ordre. Muleta en main, tranquille, Espla égrena les passes à un bicho dont la charge était courte et les retours, secs. Le public, lui aussi, applaudissait tranquillement. Il ne pouvait rien se passer… La faena terminée, l’alicantino attaqua pour un pinchazo, et soudain, tout bascula. Alors qu’il voulait replacer son toro pour une nouvelle entrée a matar, le torero se fit surprendre par une brusque arrancada du toro , la corne le prenant à la cuisse droite, le soulevant très haut, avant de le fracasser au sol. Le torero dans sa chute percuta très violemment le sol, épaule droite et surtout coté droit de la tête, restant étendu, raide, totalement inanimé, sous les pattes du fauve, la corne au passage soulevant un bras sans vie. Terrible impression dans les gradins, le callejon et devant les télés. Tous au quite, tous veulent savoir, tous ont peur. Les images défilent, plusieurs fois répétées à l’écran. Il doit avoir une cornada, mais on a peur d’autre chose, d’une autre lésion, d’un autre fantôme. Arles, Béziers, dans tous les esprits…
     Espla a été porté à l’infirmerie, le corps raide, sans vie. Pepin Liria a estoqué, méfiant, un toro soudain très avisé, et tandis qu’il prenait le deuxième, tout le monde attendait les nouvelles. Elles arrivèrent, assez rapidement : Un cornada et un gros choc, mais il a repris connaissance, et parle. De fait, plus tard, le bulletin sera plus dur : Cornada de 20 cms dans le haut de la cuisse droite, grosse commotion cérébrale et luxation de l’épaule droite. Pronostic grave, et des examens sérieux à passer. Très dur, mais un soupir de soulagement, tout de même. Mais, Dieu que cela va vite, Dieu que l’homme, pour savant qu’il soit, est peu de chose face au toro et ses noires idées. Une leçon, une de plus, pour tous, absolument tous. Un prompt rétablissement pour Espla, qu’il faudra remplacer, vendredi, devant les Victorino. Pourquoi pas Padilla ?
      Le reste de la corrida fut décevant. Les Cuadri, magnifiquement présentés, se sont révélés faibles au premier tiers, remontant au moment des banderilles, arrivant nobles à la muleta. Hélas, le bon public de Madrid, ne retenant que le premier défaut, ne voulut pas tenir compte du revirement positif , ni des louables efforts et des bons passages, muleta en mains, des diestros. Calmes naturelles, très techniques, lors de la digne faena de Liria au second dont il perdit l’oreille à cause d’un vilain coup de sabre, passé et tordu. Très bonne carte de visite signée par le Califa au troisième, avec aguante et pas mal de verve. On l’invita à saluer depuis le tercio. Puis la corrida « se fue pabajo », le cinquième étant remplacé par un Criado Holgado qui avait décidé « Je prends deux muletazos, pas plus »… Et ce fut « pas plus » ! Deux heures et demi de corrida, une cornada et une déception. Mais, en une autre plaza, peut-être les Cuadris, autrement lidiés, auraient-ils donné autre jeu. On va vite le savoir, puisqu’ils sortent ce jeudi à Nîmes, et que Vic les verra Samedi.

 

EL JULI, CHAMPION DE LA COMMUNICATION SUR LE NET

     Tout comme dans beaucoup de domaines, la communication et la publicité autour de toreros ont beaucoup évolué. Adieu les grandes photos d'apothéose qui ornaient jadis les murs de moindres villages. Aujourd'hui, il faut occuper l'audiovisuel, la presse du cœur, et des programmes télévisés comme "Gente" valent presque plus que couper les oreilles a Las Ventas. Mais "le net" a de plus en plus d'adeptes, les toreros ayant compris que rien ne valait de s'adresser personnellement à une personne, un aficionado, qui faisait la démarche de frapper à sa porte. Ainsi, Curro Romero, Cesar Rincon, entre autres, comme plus récemment Finito, Victor Puerto, Pepin Liria.. ont leur site.
     Mais un torero atteint le presque parfait dans ce domaine: El Juli. Entouré d'un staff très efficace, Julian Lopez a un site Internet qui vient d'être récompensé. Mais, plus que ces lauriers, c'est "l'ouverture aux autres" qu'il convient de souligner et féliciter. C'est ainsi que vous pourrez, grâce à l'aimable collaboration de son responsable en communication, Alberto de Jesus, et aux photos qu'il nous envoie tous les jours, suivre la temporada du Juli, par l'image... Il vous suffit de cliquer à "Biographies", puis "El Juli".

 

MADRID OUVRE SES PORTES AU NOUVEAU CALIFE

     8 juin 2000 – La plaza de Las Ventas a enfin vibré, rugi à l’unisson, tous tendidos confondus, au cours de cette avant-dernière de San Isidro. Un torero a, en quelques minutes, mis tout le monde d’accord, obtenant un triomphe d’apothéose, à mi-course, et en ébauchant un second à l’ultime toro, qui malheureusement le prit de très vilaine façon, le torero étant emporté à l’infirmerie dans l’angoisse générale. De fait, Madrid a ouvert ses deux portes d’un coup : La grande, celle du triomphe à la romaine, celle de toutes les émotions, et puis la plus petite, plus discrète, mais aussi glorieuse pour le héros blessé, celle de l’infirmerie. Le destin n’a pas voulu de la traditionnelle photo du torero a hombros, passant le fameux porche. Mais il ne pourra rien au souvenir de cette immense faena, et de ces six ultimes naturelles dessinées un soir de juin 2000 par un nouveau dieu : Jose Pacheco « El Califa ». Il est le triomphateur de la feria, « et il va se faire riche ! ».
     Corrida de Dolores Aguirre : Classique défilé de magnifiques bêtes, mansas au premier tiers, courant dans tous les sens, avec des idées distinctes. Le bon des toros mansos quand ils sont très mobiles, voire fuyards, c’est que s’ils tombent sur « un Tio », un vrai brave, ils peuvent, comme on dit « romper a bueno », se laisser convaincre et finir par charger franchement. Ce jour, outre le Califa, toréaient Miguel Rodriguez et Victor Puerto. Le premier resta à mi-chemin, et ne pouvant poursuivre son effort, glissa vers la pente de l’indifférence. Après cette feria de Madrid, tout est à reprendre pour Miguel. Dommage !
     Victor Puerto est, sans couper d’oreilles un des rares triomphateurs complets de la San Isidro 2000. Il a tout essayé, avec un courage hors limites, avec intelligence et technique, en vrai torero. Madrid la capricieuse a applaudi du bout des doigts ses continuels exploits comme : la première faena, au centre, arrivant à retenir et dompter un animal fuyard, extrêmement violent. Le torero enchaîna les séries, muy asentado, resserrant peu à peu son étreinte, au point de monter une vraie faena, hélas gâchée par la longue mise en place pour l’estocade, le toro ne cessant de marcher, d’avancer, empêchant le matador de se cadrer et de faire les choses très proprement. Madrid ne voulut pas comprendre, et Puerto perdit là une oreille. D’autres exploits allaient venir au cinquième qui fut changé deux fois. Trois toros sont donc sortis, l’un après l’autre, au son des clarines, au gré du mouchoir vert. Trois montagnes de muscles, de cornes et de mauvaises intentions. Et trois fois, Victor Puerto est allé s’agenouiller à la porte du toril. Trois attentes sans fin…dans les gradins, trois prières. Trois monstres qui, arrêtés à l’ombre du couloir d’angoisse, observaient et narguaient l’insolent : « Tu as voulu briller à nos dépens.. Bien ! tu as l’air fin ! Attends un peu, souffre un peu… » Et le torero attendait imperturbable, trois fois de suite. On devine le cœur à trois cents !. Trois fois ! Trois portagayolas ! Trois largas. Et Madrid a applaudi, à deux doigts, puis est vite passé à autre chose. Victor Puerto « estuvo hecho un tio », toréant magnifiquement de cape, ressortant de vieilles suertes comme la gaonera, la cape pliée en deux, mais Madrid lui reprocha un désarmé. La faena fut difficile et méritoire, le Carlos Nunez n’étant pas de ceux d ‘antan. A la fin de cette claire démonstration d’un sitio, d’une toreria , totalement retrouvés, Victor Puerto entendit une ovation, et alla saluer, poliment. Certains sifflèrent. Peor para ellos ! ! !
     Troisième toro de Dona Dolores. Court dans tous les sens, mais obéit aux capotes. José Pacheco , dit le Califa » l’a vu et, sans hésiter va brinder au centre. La passe changée dans le dos fait hurler, mais d’angoisse. Les clameurs qui suivront seront d’admiration, d’émotion, de vérité. Le Califa, va toréer muleta basse, templant des séries des six, sept muletazos liés, clos d’immenses passes de poitrine, tournées de piton à rabo. Le toro se livre totalement, franchement, venant de loin avec alegria, participant à l’émouvant ballet. Les naturelles se succèdent, la muleta sortie « bajo la pala del piton ». Fabuleux. L’épée changée, dans une atmosphère de communion des cœurs, six doblones de mise en place, genoux ployés, complètement toréés, chacun meilleur que le précédent. Les photographes n’ont plus de pellicule ! Un Faenon ! Bien sûr, l’estocade ne pouvait qu’être épique. Elle fut de folie, le diestro se jetant sur le morillo, restant un instant soulevé, accroché au terrible piton. Rien heureusement ! Dieu est aficionado. Le toro « Carafea II » s’écroule glorieusement. Il vient de donner ses deux oreilles à José Pacheco, et lui a ouvert, outre la grande porte de Madrid, le portillon du sentier des figuras.
      Restait le sixième, grand, haut, pointu, manso plus compliqué. Califa partit au centre, changea dans le dos, comme d’autres vont acheter une baguette, règla une première série, et passa la muleta à gauche. Ce fut bref et interminable à la fois. Extraordinaire série de naturelles dont la force, la longueur, la profondeur allèrent crescendo, le public n’ayant pas le temps d’admirer l’une, sidéré par l’intensité de la suivante. Enorme ! Pour clore, un cite au pecho… le toro s’arrête, le torero refuse de rompre, et le destin fait son œuvre. Très vilaine cogida, la corne prenant l’homme par derrière, entre les jambes, le faisant tourner avant de le rejeter. On a vu le rictus de douleur, on a vu cette main qui va comprimer la blessure et sort ensanglantée. On devine un désastre. Le Califa est emporté, sous l’ovation. Le destin ! La gloire, la mort ! Chacune plane sur chaque plaza, même la plus petite, la plus lointaine. Souvenez-vous de Pozoblanco ! Cela va très vite. Tout le monde est désolé, et a peur.
     Mais le destin a décidé, encore une fois : « Vous finirez tous cardiaques, cela vous apprendra » . Tandis que Miguel Rodriguez se défait du toro, les nouvelles arrivent, incroyablement rassurantes : Le torero n’est pas gravement blessé. Il a une grosse coupure, cornada dans la main, et un gros puntazo corrido dans une cuisse. Dans la main ? Pas possible ! De fait, et la « moviola » le démontrera, le torero, au moment de la cornada, a eu le reflexe, la présence d’esprit, de passer la main entre ses jambes, de prendre le piton au moment où il allait pénétrer les chairs. Et la main fit écran. Génial, le destin ! « Bravo, Califa. Tu n’auras pas la photo, pour cette fois-ci. Mais, Dieu qu’on est heureux que cela ne soit pas grave, même si cela doit être bien douloureux. Torero, d’autres puertas grandes viendront ». Maintenant il va falloir confirmer Valencia, confirmer Madrid. Maintenant, il va falloir tenir, se maintenir. On a changé de catégorie. Entré espoir, le Califa sort de la Feria, en Figura. Ceux qui l’ont vu aux Fallas sont très heureux. Au font, le toro est juste, et met « las cosas y los hombres, en su sitio ».
      Corrida épique, de presque trois heures. Toute la tauromachie. « La muleta dans la main gauche, l’épée dans la main droite, et le cœur au milieu ! » On apprend distraitement qu’à Nîmes, les Cuadri sont mal sortis, et que demain Luis Francisco Espla sera remplacé par Jose Luis Moreno, face aux Victorino de clôture. Mais cela, c’est une autre histoire, pour demain. Aujourd’hui, les resenas, les tertulias ne tournent que sur un nom : Jose Pacheco « El Califa ». Il est de Jativa, il a des chemises trop grandes, mais c’est un sacré torero…

 

LA CORRIDA QUE LE VENT EMPORTA

     Madrid – 9 juin – Dernière corrida de la San Isidro 2000 : Maudit Eole !  Ganadero, toreros et Aficion ne pouvaient imaginer une telle poisse à la clôture de cette triste feria. Dans les chiqueros, un corridon de Victorino Martin. Le ganadero mythique de Galapagar et son fils qui lui emboîte le pas, allaient , on le devinait bien, tout faire pour rafler la mise, à la dernière seconde. Tout le monde y pensait, tous le redoutaient, mais tous, au fond, le souhaitaient, d’autant que le sorcier arrivait avec, en poche, les succès de Castellon, Cordoue et de Zaragoza, pour la concours. Oui, mais on était à Madrid, et ici, ce n’est pas la province. Donc, pas de toros brochitos, gachitos, terciaditos… même s’ils se cachent derrière « la caste de la maison ». Ici, présence, armures et comportement.
      Dans des conditions normales, cette corrida aurait été mémorable. Les toros, braves et nobles, les toreros disposés et avides de succès, le public attentif et ouvert, tout était réuni pour le triomphe final. Malheureusement, Las Ventas et son fantôme : le vent. En continu ou par bourrasques, au ras du sol ou en tourbillons virevoltant à mi-hauteur, il met à l’horizontale les lourdes capes, pourtant copieusement mouillées, et transforme en torches les ridicules muletas, laissant l’homme nu devant les cornes du toro. Impossible de penser à la tactique à employer avec le brave ou le manso. Ici, l’ennemi le plus méchant, le plus vicieux, le plus inlidiable, c’est ce souffle qui refroidit la sueur et dessèche la gorge. Plus manso, tu meurs. Et le toro est là, qui attend : « Alors, qu’est-ce que tu fais, tu te décides ? Et pourquoi tu gigotes ainsi ? Et où je vais, maintenant ? »
     Le torero n’en peut mais. Sa préoccupation est de ne pas s’envoler. Il ne peut bâtir un trasteo, ne peut choisir le terrain propice à ce combat-là, face à ce toro-là. Le temps presse, le toro attend et finit par se réserver, la foule s’impatiente. Maudit Eole, qui a gâché en cette plaza tant de grandes tardes, tant de grandes faenas. Une victime de plus à son actif : la Victorinada 2000.
     Les toros de Don Victorino sont sortis magnifiques, mais surtout très braves, très fixes dans leur objectifs, brillants et vibrants dans leurs charges. On aura noté à l’applaudimètre, premier, cinquième, du nom de « Misero II », et sixième. Excellents au premier tiers, ils montrèrent cette véritable bravoure du toro, qui se grandit sous le fer de la pique, met les reins, et sculpte la plus belle estampe, celle du toro de combat. Hélas, la corrida se résuma à ces grandes rencontres avec les picadors, tous les toreros attentifs à la lidia, prêts à secourir leurs collègues, mal secondés par des chevaux branlants. A quand la cuadra de Bonijol à Madrid ? Puis, la volonté, le courage de chaque maestro, multiplié face à deux adversaires. Les cartes brouillées, la donne changée. Vent saboteur! Juan Mora, Manolo Caballero et Jose Luis Moreno auront sué sang et eau, presque pour rien. Mora, peu dominateur, se fera prendre par le quatrième, Caballero, lidiador, verra sa dernière carte isidril, s’envoler dans un dernier tourbillon. Quant au blond Cordouan, qui donna des naturelles, souhaitées plus templées, plus profondes, au dernier de la tarde/feria, il ne put rééditer les exploits de Castellon et Cordoue, gâchés à l’épée. Cette fois, il tua vite. Maudit vent.
      Corrida dure, corrida d’émotion où l’art tauromachique réside dans le savoir de grands professionnels, vêtus d’or ou d’argent, face à de grands toros, dans des circonstances adverses. L'art du public aura été de le reconnaître. A signaler les formidables moments de Jose Antonio Carretero , dans un quite à son ami picador Del Olmo, et de même un grand premier tiers d'el Turuta. Décidément, tous voulaient, tous étaient prêts… Autant en emporta le vent !

 

SAN ISIDRO 2000 : LA FERIA « CAHIN-CAHA » ! ! !

     10 juin : Se acabo ! 28 spectacles, dont la corrida de la Presse, 168 toros ou novillos combattus, pour un résultat des plus mitigés, en particulier du côté des matadors de toros. Les cavaliers, au Rejoneo, ont souvent brillé, menés par le « General » de Mendoza. Les novilleros ont profité, à divers degrés, de trois excellents lots, qui furent « la » grande satisfaction du cycle: Torreon, Baltasar Iban et la Quinta .
     Les corridas, en général ont déçu. A l’habitude, peu sont sorties complètes, la moindre flexion soulevant protestations et rejet total, si l’incident vient à se répéter. Le toro est alors renvoyé, et Florito fait son office. Ou alors, si le président fait la sourde oreille, le torero peut s’échiner, on ne tiendra pas compte de ses efforts, même si le toro ne tombe plus au cours de la faena. Le public, on l’a vu aura joué plusieurs partitions, au cours de cette feria, pouvant être odieux, mais sachant aussi communier à l’émotion des grands moments. Madrid ! On ne la changera pas.
     Victorino, Guardiola, des toros isolés de Adolfo Martin, Domingo Hernandez, Dolores Aguirre, Javier Perez Tabernero, Alcurrucen… Y nada mas.
     Dans ces conditions, le tour est vite fait , et trois noms « émergent très haut » : El Califa, Miguel Abellan, Victor Puerto. Par ailleurs, on a respecté le Juli ; Ponce a fait ce qu’il a pu ; Morante n’a pu jouer qu’une partie du concert ; Caballero a subi un échec ; El Cordobes s’est sauvé par la caste affichée sur trois coups de fouets ; Rivera Ordonez reste entre deux eaux plutôt vaseuses ; Finito de Cordoba a bien toréé, mais s’est mis le public à dos; Uceda Leal maintient le niveau; El Tato a beaucoup baissé, et le moral s’en ressent.
      Justice, et toute l’admiration aficionada pour le Califa qui fut le seul à couper deux oreilles à un toro, et de Dolores Aguirre, en plus. Il est le total triomphateur de la feria, car nul ne sait ce qu’il aurait coupé au dernier, à cause de la cornada, mais c’était bien parti. Révélation au grand public d’un torero vrai, puissant, dont la caste va faire reculer plus d’un toro. Il connaît le secret du temple, de la main basse, des muletazos sortis "sous la pala du piton", et de « la ligazon » . Avec lui, loin des séries précieuses de trois passes et pecho doublé, ce sont six, sept muletazos qui s’enchaînent, et les passes de pecho sont torées, en vraies délivrances. El Califa est entré dans la cour des grands. Ceux-là n’ont qu’à bien se tenir. Mais maintenant, lui aussi va devoir "tenir"…
     Justice et admiration pour Miguel Abellan : Sa prestation face aux Hernandez, ne se résuma pas qu à la seule dramaturgie de ses ballets aériens au-dessus des cornes. Ce garçon a de la caste, sérieuse, froide, à revendre. Il essaie tout, et réussit souvent. Il est le clair triomphateur parmi les vedettes et sa sortie a hombros a mis les larmes aux yeux, parce qu’il s’est conduit en torero, ce héros que tous rêvent, tous admirent.
     Pas juste, Madrid, avec Victor Puerto. Madrid a la dent dure, le souvenir vengeur. Et pourtant, engagé dans deux corridas dures, les Guardiolas et les Dolores, Puerto s’est montré remarquable d’engagement, d’intelligence et de toreria. Formidable récupération de ce diestro que beaucoup avaient jeté, comme un vieux kleenex. Il n’a pas coupé d’oreilles. La belle affaire!  La feria éteinte, vous lirez les chroniques, les bilans et les analyses. Il est un des réels triomphateurs du cycle. Chapeau, senor Torero ! ! !
     Oreilles isolées, une chaque fois, à Padilla le truculent, Higares le précieux, Luguillano, le baroque. Le premier a triomphé, en une seule corrida, faisant même briller un Pablo Romero. Le deuxième se hissa presque à la hauteur d’un grand toro, peut-être celui de la feria, « Malagueno II », sixième d’Adolfo Martin. Quant à David Luguillano, il est passé tout près d’un triomphe d’époque, perdant à l’épée le bénéfice d’une prestation lumineuse, malgré la pluie. Le mexicain Zotoluco a coupé une oreille, succès d’un jour, mais a coincé à la sortie suivante. A l’épée, les maîtres du champ : Davila Miura, Zotoluco, Juli, Ponce, Uceda…
     Chez les novilleros, l’incontestable triomphateur est Javier Castano (avec Abellan et Castano, la casa Chopera fait carton plein). Le petit brun fait penser à Damaso, et, comme dit Cesar Rincon, le torero/ganadero qui lui a servi le triomphe sur un plat d’argent, encore fallait-il vouloir et pouvoir aller l’y chercher : « Il se met dans le terrain où sont les millions ». Dans un autre registre, de fer et de feu, Martin Antequera a fait deux démonstrations « d’actions de race », qui font partie de l’histoire de cette San Isidro.
     28 spectacles, dont 22 corridas formelles : 168 toros et novillos combattus, dont  132 pour de matadors « à pied ». 132 toros : 264 oreilles possibles. Seulement 8 en furent coupées… dont 4 par les seuls Califa et Abellan. Mathématiques simples, froides, intraitables et sans pitié, qui résument une feria décevante, mais ne traduisent en rien la volonté, l’espoir, la peur de tous ces hommes vêtus de lumières, laissant les millions et les fincas, pour venir se la jouer dans le chaudron tourbillonnant de la capitale.
     Terrible et grandiose San Isidro, dont le prince, cette année, est un calife !

 

LA GUERRE DES TELES…

     On sait à quel point le petit écran nous envahit, nous apportant le monde dans notre salon, mais également, nous isolant de nos proches voisins et de la vie qui court, près de nous, avec ses joies et ses peines. Certes, vivre en direct le premier pas sur la lune, les grands exploits sportifs, les méandres des diverses politiques planétaires, peut être passionnant, mais aux prix de combien de « Feux de l’Amour » et autres « Dallasseries » arrosés à grands coups de publicité sur l’insecticide machin, ou la serviette hygiénique « avec le petit élastique là…qui ne colle jamais » (publicité gratuite !), alors que nous sommes en train d’avaler notre maigre ragoût. Bref, à boire et à manger, dans cet outil magique  qui nous fait « consommateur de tout », manipulant les corps et les esprits.
     Pour ce qui est des toros, il en est de même. Loin des temporadas des sixties, où l’on guettait à l’écran l’une des 10/12  corridas, télévisées en direct, chaque année; loin du rendez-vous du lundi « Ayer Domingo », où l’on faisait le tour des plazas du dimanche, après une grande page de football, la télévision, peu à peu, a envahi les ruedos, faisant tout, montrant tout, apportant la tauromachie, ce mystère, cette messe, dans notre salon, comme un vulgaire « intervilles ». Certes, elle a contribué de même, à remplir les plazas, ou à en combler financièrement les vides… Certes, elle a fixé à jamais l’une des plus grandes pages d’honneur et de gloire du costume de lumières, un soir de septembre 84, dans l’infirmerie de Pozoblanco. Certes elle à permis à l’aficionado d’accéder  à sa passion sans trop « bourse délier ». Aussi, on ne chipotera pas trop, et les toreros devraient bien en faire autant, car, surtout dans les dernières années, la télévision a été leur grande alliée, répercutant sur la planète leurs exploits, disséqués, maintes fois répétés au ralenti, sous divers angles. De quoi se plaignent-ils donc ? Peut-être d’en avoir fait de même, le jour où « ils n’avaient pas envie » ? En général, elle l’a fait bien pudiquement.
     Du coup, l’écran est devenu un champ de bataille, où se déroulent des joutes techniques, à grands coups de contrats, de sponsorings, d’exclusivités, et de petits chantages à l’heure de faire les combinaisons des grandes ferias. Et c’est là  le conflit qui oppose Joselito/Jose Tomas, à leurs collègues. 
     « Canal + » a fait les beaux jours des temporadas 92/95, télévisant en direct tout San Isidro, magnifiquement réalisé et filmé, remarquablement commenté par  Manolo Moles et Antonete. Le temps, pour les Aficionados de « se le penser » et de s’abonner, de loin parfois, arrive « Via Digital » qui, on n’ira pas voir comment, rafle toutes les mises, remporte tous les marchés, et télévise toutes les grandes ferias, intégralement et en direct. La réalisation est moins précieuse, mais l’aficionado s’y retrouve amplement et apprécie les commentaires de Fernandez Roman, surtout de Roberto Dominguez, et de leurs collègues. Jeu, set et match, exit, « Canal+ » ?
Et bien non. Canal + résiste et vient de présenter, il y a peu, sa « Grande Feria 2000 ». Ne pouvant s’aligner sur les grandes ferias, la chaîne cryptée va composer  un cycle de 12 corridas de luxe, 12 évènements, 12 rendez-vous du dimanche, tout au long de la temporada, en diverses plazas de la géographie taurine. Là où les copains mettent la quantité, Canal vise la qualité, à grands renforts de trouvailles techniques et avec les commentaires des deux vedettes qui, il est vrai, nous manquent un peu. 10 à 15 caméras filmeront le moindre détail, au triple ralenti. Des mini caméras seront implantées, à la sortie du toril, dans les petos de chevaux de picar… Bref, de quoi vous faire évacuer  votre salon au triple galop, et gagner  d’urgence le burladero  livré avec chaque abonnement… 12 corridas, comme si vous y étiez, le dimanche, chez vous. Des super ralentis, des ordinateurs qui calculent le vitesse du toro, les distances, en surimpression sur le ruedo. En un mot, votre aficion va vous transformer en ingénieur aéronautique…Bref, de quoi prendre un cigare, un fino, un clavel et votre épouse, dans l’ordre que vous désirez,  et partir, bras-dessus, bras-dessous, vous prendre deux tendidos à la novillada du coin. Sol y Moscas, Senores, sol y moscas …
     Cela dit, les 12 courses visées valent le déplacement, en principe, et il serait déplacé de faire la fine bouche, d’autant que les magnétoscopes existent, et qu’il y a toujours une novillada à deux  pas de chez vous, ou, si vous habitez loin, l’incontournable balade dominicale. Voyez plutôt le programme :
     La Feria de Canal + a débuté le 4 juin par  la concours de Zaragoza. Bon ! Palencia, le 11 juin. Puis viendront successivement : l’alternative du Fandi, à Granada, le 18; La corrida du Torreon, le 25 en Alicante ; Antonete, Curro et Luguillano, le 2 juillet à Burgos (Qui commentera ?) ; Un gros cartel en Barcelone, le 9 juillet ; La miurada de Mont de Marsan le 16 ; Le Morante au Puerto Santa Maria, le 23 (« Qui n’a jamais vu une corrida au Puerto, ne sait pas ce qu’est une tarde de toros.. » Qui a dit cela ? ;  Tournée des plages le 30, à Tarragona ; Le Juli, unico espada, à Marbella, le 13 août, après un détour par Pontevedra, le 8 ; Enfin la Victorinada de San Sebastian, le 20, avec un certain Ruiz Miguel qui viendra en direct, souffler quelques 100 bougies.
     De tout, pour tous les goûts. Et pendant ce temps, ceux d’en face, passeront en direct tout Pamplona, tout Bilbao.

 

AU « CALIFA » TOUS LES HONNEURS DE MADRID

     10 juin : On s’en doutait bien : Vu les résultats techniques de la feria, José Pacheco allait rafler la majeur partie des trophées attribués par une kyrielle de jurys, dont certains prestigieux.  Le Califa, véritable auteur d’un coup de grisou, qu’on voyait venir (Voir : Actualité de mai – « les challenges de la San Isidro »), a trusté les trophées au triomphateur de la Feria, et auteur de la meilleure faena : Les célèbres Trophées « Mayté », et « Biarritz-Bayonne » viennent, entre autres, de le couronner. D’autres viendront, et à n’en pas douter, les contrats vont se bousculer.
     Autres vainqueurs de la feria : Victorino chez les ganaderos, Adolfo Martin pour le meilleur toro, « Malagueno II » ; Davila Miura pour l’estocade ; Miguel Abellan, pour le meilleur quite ; et chez les subalternes, Jose Antonio Carretero, aux banderilles (auxquelles il serait judicieux d’ajouter brega et quite de secours), et Manuel Martin Ojeda , qui piqua si bien le toro de la feria.

 

TOLOSA – JEUNESSE, DIVIN TRESOR

      11 juin – Temps menaçant et bonne entrée  pour cette première corrida de la San Juan à Tolosa. On sait avec quel espoir, quelle illusion, quel soin, l’organisation prépare ses deux festejos, et si l’on est parfois surpris de certaines réactions d'un public bon-enfant et d’une présidence « père Noël », on ne peut que se prendre au jeu de l’alegria ambiante, surtout  quand, dans le ruedo, trois jeunes se livrent avec la fraîcheur et la spontanéité de leurs 20 ans. On ne chipotera donc pas la présentation des Alcurrucen, en accord avec la catégorie de la plaza, mais on dressera, à peine, un sourcil dubitatif en voyant le président accorder deux oreilles à Miguel Abellan, pour une première prestation pour le moins moyenne, clôturée d’une entière dont le résultat immédiat cachait le lieu d’impact. Du coup, on a ouvert les vannes du spectaculaire, du clin d’œil et du démago, à la grande joie du public. 10 oreilles coupées et du mal à discerner le bon grain, car il y en eut aussi. Quatre oreilles pour un Abellan très pieux, qui passa la majeur partie de sa deuxième faena, à genoux,  évitant d’un brin un terrible coup de yatagan au niveau du visage. Divine Jeunesse. Quatre oreilles pour un Juli « multi-fonctions », ô combien actif, ô combien sympa, et, en un mot, ô combien torero, dans les trois tiers. Il essaya de retenir son premier dans tous les terrains, sortant deux grandes naturelles en fin de trasteo, parsemant son action d’attitudes souriantes, toujours calmes et bien galbées. Il fut magnifique de temple et de lenteur, en recevant de cape le cinquième, ce qui, curieusement ne souleva pas l’enthousiasme. Vibrant aux palos, trouvant le toro « dans tous les coins du cercle », le Juli tua fort et triompha, une fois de plus. Divine jeunesse.

    Mais, de fait, il y eut trois grands moments : Le premier, avec Juan Bautista , excellent avec cape et en son début de faena au troisième. Le français fit la différence, toréant classique, reposé, lié et montrant que l’on peut faire vibrer les gradins avec la lenteur et la profondeur « du toreo de toujours ». Excellent le toro d’Alcurrucen, qui manqua pourtant de moteur, pour permettre à Jean-Luc de poursuivre, a gusto. Un descabello manqué, après une entière en arrière, le priva de la deuxième oreille amplement demandée et méritée, par le sérieux et la classe. Il s’emmêla un peu les idées, face au sixième, réservon, qu’il avait brindé aux deux copains, avec de vrais sourires, sous une vraie ovation. Il coupa une oreille et perdit ainsi une sortie a hombros des plus méritée, en fonction de ce que l’on avait vu. Peu importe, Bautista est en progrès constants, et tient grande place, aujourd’hui dans l’escalafon, non comme « un petit français » qui se défend bien, mais comme un torero, à part entière.

      Autre grand moment au cinquième. Le Juli, dans l’euphorie de la tarde, offrit les banderilles aux copains qui n’en sont pas spécialistes. Non pour les « planter », mais parce que le moment était à la fête, et que le geste était d’amitié, de convivialité. Il eut la politesse de banderiller le premier, montrant aux amis qu’ils pouvaient y aller sans crainte. Abellan surprit dans la préparation et l’exécution d’un poder a poder musclé, et Jalabert prépara, à genoux, un quiebro aux barrières, qui en valait bien d’autres. L’ovation fut tonitruante, tandis que les trois toreros terminaient en jugueteo avec le toro, et un grand abrazo, au centre de la piste. Divine jeunesse.
     Le dernier  geste fut sympa, parce qu’humain, frais, plein de spontanéité, de franchise et de jeunesse. A la fin de la course, Abellan et Juli sont hissés a hombros. Bautista est à la barrière, attendant la sortie. A Tolosa, comme à la Maestranza, il faut avoir coupé trois oreilles pour sortir en triomphe. Emporté par la joie, l’amitié et peut-être aussi un sentiment de justice, le Juli fit feux de tous bois, pour que, malgré le règlement, malgré seulement deux oreilles octroyées, Jean-luc  fasse également partie de la fête, de la joie collective, de l’apothéose, et sorte aussi a hombros. Il insista longuement, et faillit bien réussir, malgré les palabres et les autorités. C’est le français qui se montra respectueux des usages et traversa le ruedo sous les ovations. Divine jeunesse. Du coup, le public, après la fête, dédia une petite bronca au président, qui prit soudain…un coup de vieux ! 
     Sympa, Tolosa… après 28 tardes avec « le 7 », à Madrid.. Prochain rendez-vous: 24 juin (voir rubrique "carteles")

Voir Galerie photos 2000

 

UN DIMANCHE "FRANÇAIS"

     11 juin …3-0, et avec la manière ! Tandis que nos footballeurs, soudain talentueux, gambadaient allègrement sur le gazon de Bruges, c’est « de ce côté de la frontière » que s’est centrée l’actualité de ce dimanche taurin. Pentecôte, on le sait, c’est Nîmes et Vic. 3-0, c’est aussi le score d’un torero français, Stéphane Fernandez Meca, face à une grande corrida de Victorino Martin, en plaza de Nîmes. Dans le Gers, c’est  le ganado mexicain  de Chafik qui fit le spectacle, le mayoral donnant la vuelta, alors que les matadors rentraient penauds. Nîmes et Vic, Vic et Nîmes, pour tous les goûts, mais victorieuses, les deux, en ce dimanche de Pentecôte.
     En Espagne, Madrid est retombée dans les entrées moyennes, (Où donc était la grande Aficion madrilène ?) pour une novillada « spéciale ». On le sait, deux novilleros furent gravement blessés lors de la première novillada de feria : Fernando Robleno et Antonio Barea. Joli geste de l'empresa, les laissant se soigner et les engageant au plus tôt, en mano a mano, pour une nouvelle opportunité. Face à des novillos de Fernando Pena, c’est  Robleno qui triompha, coupant une oreille, et entendant deux autres pétitions d’oreilles Barea se battit bien, toréant finement, mais tuant très mal … Du côté de Plasencia, émotion : Finito toréa bien, Caballero mit la force, coupant trois oreilles, face à une bonne corrida de Los Bayones. Vuelta au cinquième . Eugenio de Mora toucha le mauvais lot. Palencia vit aussi des Bayones, avec triomphe de Ponce, qui prit une voltereta, avec lésion au poignet. A Barcelona, l’ambiance est retombée, à cause des toros de Luis Albarran. Bien peu de monde dans les gradins, pour une terna modeste, d’où a émergé  Manuel Bejarano. On sait ce qui se passa à Tolosa. Du côté de Santisteban del Puerto, un sac d’oreilles pour Victor Puerto et Jose Luis Moreno. A Cieza, on notera la lésion du Fandi, à quelques jours de son alternative : luxation d’une épaule et peut-être une fracture. Mala suerte et cérémonie compromise ! 

 

« NIMES  2000 » : LES HOMMES MIEUX QUE LES TOROS

     13 juin - La Pentecôte Nîmoise a connu une énorme affluence, et, malgré des résultats disparates dans "l’ovale ruedo", l’aficionado aura vécu de grands moments, en particulier grâce aux toreros et à une ganaderia : Vainqueurs de la feria : Fernandez Meca, Jose Tomas, Juan Bautista et Juan Jose Padilla. Côté toros, le grand vainqueur aura été Victorino Martin qui, en une semaine, marque tous les buts, excepté à Vic... où son match sera nul.

     Déception ganadera avec les Cuadri, malgré deux toros qui rompent à bueno, les Cebada Gago qui ont fortement déçu. Heureusement qu’était là Padilla qui, encore une fois, « leur est monté dessus », coupant une oreille à chacun. Le samedi vit les grandes eaux déferler vers Nîmes, annulant la course des Samuel Flores.  Dimanche matin, corrida de Victoriano del Rio, à modo, permettant de grands gestes de Manzanares et Joselito, tandis qu’encore une fois Jose Tomas sidérait le monde toréant lent, statique, majestueux, coupant deux oreilles à son premier, et faisant acte de bravoure face au dernier de la matinée. Jose Tomas est enfin « entré » dans le Sud-est. Déception ganadera de même, avec les Alcurrucen, sans grand fond, qui gâchèrent la fête de clôture. Deux des toreros s’accrochèrent avec des fortunes diverses. Jean-Baptiste Jalabert prit sa revanche de Tolosa. Coupant une oreille à chaque adversaire, il sortit à hombros, laissant le Juli rentrer à pied. En  l’espace de 24 heures, la rogne a changé de camp. Quant à Julio Aparicio, beaucoup se demandent quelles sont les raisons exactes de son retour.

    Et puis, un grand bonhomme, face à de grands toros. Dimanche après-midi, le public a vibré, attentif mais enthousiaste. Dans le ruedo, un corridon de Victorino. Corridon, non par la présentation monstrueuse, mais par le jeu, par la présence de tout instant, par cette personnalité qu’affichent les produits du sorcier de Galapagar. On donna la vuelta posthume au quatrième, peut-être parce que son matador l’avait fait briller. Mais c’est sur le sixième que se rallient les suffrages de tous les professionnels et du ganadero. Une corrida pour l’histoire de Nîmes et un fleuron de plus à la bannière de l’éleveur. Et puis, Stéphane Fernandez Meca… Le chemin a été long, mais le français s’installe définitivement au rang de torero lidiador, de plus en plus complet face à ces ganaderias dures, sûr de sa technique, s’appuyant sur savoir et pouvoir. Très grande actuacion de Fernandez Meca qui aura eu  une Pentecôte 2000 de rêve, triomphant à Nîmes et à Vic. Trois oreilles ici, et sortie a hombros par la porte des consuls, après une prestation complète ponctuée d’un gros recibir au quatrième.

      Dimanche matin, Pablo Hermoso de Mendoza, en unico espada, remplit la plaza, sortit 16 chevaux au paseo, toréa brillamment, parfois, tua mal, souvent, descordando quatre des six toros, et coupa deux oreilles. Le plus ovationné de la matinée fut le plus grand, le plus beau… « Cagancho ».
     Feria de demi-teintes, passant du lumineux au gris obscur, le tout bien souvent atténué de « petits jaunes », ou de blanc sec. Asi va la vida, et l’on reviendra… pour les vendanges.

 

« VIC 2000 » : CERTAINS TOROS, MIEUX QUE LES HOMMES

     13 juin : Selon le correspondant, aficionado vicois, « torista de pro », on ne va pas se relever la nuit pour revivre la feria 2000. Du moins, ne le fera t’on que pour un seul moment, la vuelta du mayoral de San Martin, récompense symbolique à un lot et à un éleveur qui a comblé l’aficion  vicoise.
     Le pèlerinage à Vic, certains le font avec sobriété (eh oui !) pudeur  et sincère aficion . Au gré des allées et venues dans la grand rue gersoise, on peut croiser qui un ministre, qui  un ténor du syndicalisme, qui une vedette du petit écran… Ce pèlerinage, d’autres le font pour  se plonger dans "la vérité vraie" du toro-toro, sanctionnant la moindre hésitation des hommes, et braillant à tue tête des « eso es un petardo », emprunté à un tendido madrilène qui, en général, sait pourquoi il le dit, même si quelquefois « se pasa un kilo » ! Public disparate, réactions de tous poils, et au milieu d’un ruedo petit-petit, encore plus petit quand sort "le seigneur toro".
     Vainqueur de la feria 2000…  Un mexicain qui élève du Santa Coloma. Les toros de Chafik ont fait du bruit, ils en feront encore plus dans les gazettes, les tertulias d’hiver, et les souvenirs des toreros. Leur caste fit douter  Miguel Rodriguez et Juan Carlos Garcia, tandis que Gomez Escorial fit front avec une sincère vaillance et une expérience forcément limitée. On regretta doublement l ‘absence du Califa, devant ces toros, et l’on ne saura jamais… qui aurait fait reculer l’autre. Superbe moment, et l’émouvante ovation au mayoral de la ganaderia victorieuse. Le moment de la feria.
     Pour raison de forte pluie, la course du samedi fut renvoyée, et la feria connut deux « dobles Jornadas »

     La corrida de Rocio de la Camara, dimanche matin,  sortit plus « possible » que l’an passé, et c’est José Ignacio Ramos qui brilla fort, coupant une oreille et donnant une vuelta. Valeur, vista, banderilles et épée… L’après-midi, "mariachis et Santa Coloma" de San Martin. Lundi matin, les Cuadris ont déçu, tant dans la présence que dans le jeu. Un torero a émergé, lidiant juste et vrai, coupant une oreille et donnant une autre vuelta: Stéphane Fernandez Meca. Sacré week-end ! « Sacré mec ! » Chapeau ! Le public prit mal, à tort, la préoccupation de Davila Miura de toréer vite et partir encore plus vite, toréant l’après-midi à Zahagun del Campo. Il prit mal, à tort, les efforts du Tato pour être correct avec ses toros, sifflant ce qu’ils applaudissaient, hier. L’aragonais ne passe plus la rampe … Question de look, de morphologie, de toreo dont la silhouette s’est un peu épaissie…Allez donc savoir !

      Grosse désillusion du public, des organisateurs et  des toreros. Gros échec du ganadero. Echec d’autant plus cuisant qu’il venait de triompher par deux fois en des ruedos majeurs : Madrid et Nîmes... Don Victorino  a sorti à Vic une mauvaise corrida. Présentation forte, certes, mais un jeu désolant, allant du sournois au triste, du méchant au malade, Pepin Liria parlant d’un cinquième bizarre, « con una toz muy rara ! ». Les professionnels étaient furieux, car la corrida était impossible, mais ne traduisait pas le danger qu’elle portait. Aussi, les coletudos entendirent-ils force invectives, et don Victorino eut-il, probablement, l’oreille qui lui sifflait. Un peu, pas trop, car, comme disait un torero: « avec le nom qu’il a, tout lui sert, le bon et … le reste ! ». Padilla essaya bien d’allumer les lampions au dernier de la feria, mais celle-ci se termina comme elle avait débuté… par un pétard mouillé.

 

AIRE SUR ADOUR: LE GRAND RETOUR DU PORTUGAL

    13 juin – On sait le purgatoire infligé depuis de longs mois à la ganaderia brava portugaise. Les réglementations diverses, les normes, les textes et autres billeveusées administratives de quelque fonctionnaire européen tatillon, traduisant avec force tampons et signatures, les coups de rogne ou de jalousie de quelque groupe vétérinaire qui ferait mieux de reluquer du côté de la cabana brava espagnole (quand on voit le scandaleux déroulement de la corrida d’Asprona, à Albacete), ont condamné un temps trop long les ganaderos portugais et les aficionados, à ronger leur frein, et attendre des jours meilleurs. La maladie de la vache folle , ou du toro loco, avait bon dos. Et bien entendu, les mêmes fonctionnaires, sans sourciller, viennent de ressortir leur plus belles plumes, leur plus joli tampon, et ainsi donc, les ganaderos portugais peuvent à nouveau lidier en Espagne et en France. Ouf ! Mais, ultime caprice des gratte-papier, les dépouilles des toros devront être brûlés, et en un seul  four-laboratoire, quelque part en Galice. Tout à fait pratique ! Pendant ce temps, on mange là-bas, autant de beefsteak que de morue, et c’est de par chez nous que les vaches jouent du grelot. Allez donc comprendre.

      Portugal…le retour ! Quand on voit le phénoménal camouflet infligé lundi, en foot, par les footballeurs portugais  aux British, divins créateurs de la discipline, on se dit que la viande n’est pas si mauvaise aux bors du tage, et que, sur le plan toros, les espagnols pourraient avoir quelques déconvenues, un de ces quatre, sur le plan présentation, bravoure et caste, dans une de ces ferias de Dios…
     Chez nous, on va le voir rapidement, puisque dimanche 18 juin, va se dérouler, en plaza d’Aire sur Adour, la grande rentrée officielle d’un lot  de Palha, dont on dit qu’il aura du mal à passer la porte du chiquero. Il est vrai que les photos font frémir, et que ce jour-là, tout le monde sera bien heureux d’être aficionado, assis sur son tendido. Une course qui vaudra le déplacement, rien que pour la présence des toros, débarqués lundi  dans les corrales, et  par ailleurs, condamnés à un bain de pieds, car, même l’Adour, toute proche, a voulu aller les voir. Quand on sait les immenses tardes de toros que nous a données ce fer, on peut rêver à un grand moment, dimanche, dans le ruedo aturin, et l’on espère que la fête foraine voisine mettra en sourdine ses flonflons, par respect pour le spectacle et pour les hommes qui vont se la jouer face à ces monstres.
     Et Dieu sait si ce cartel, composé il y a belle lurette, ne peut tomber mieux. Imaginez: les triomphateurs de Nîmes et Vic, réunis : Fernandez Meca, Padilla et Jose Ignacio Ramos. Qui dit mieux ? On est heureux du grand décollage du Français. On sait la rage du Jerezano, surtout après l’impossible victorinade de Vic. Quant à Ramos, on sait que les pitones ne l’inquiètent que modérément, même en sol meuble (référence au corridon de Monteviejo, sous la pluie d’avril, à Madrid). Le résultat sera…ce qu’il sera ! Mais dimanche 18 Juin à Aire, il y aura, des taureaux et des hommes… Un carton plein, sur le papier, de la nouvelle empresa, qui n’est autre que monsieur Palha, soi-même.
     Aire sur Adour, une journée avec encierro le matin, novillada sin picar avant déjeuner, gastronomie  à revendre, mais, un conseil… Mangez léger !

Corrida à 17h30. Pour renseignements et réservation : 05 58 71 64 70 ou 05 58 71 68 90
 

JOSE TOMAS  -  PAS DE FUMEE SANS FEU…

     Depuis quelques temps circule le bruit d’une proche rupture entre Jose Tomas et son mentor Enrique Martin Arranz, par ailleurs, proche apoderado de Joselito. Bien entendu, tout le monde dément avec force, mais on a l’expérience des diverses aventures répercutées dans les revues du cœur et autres programmes télévisés, qui bien souvent avant tout le monde, annoncent les petites séparations et  les grands divorces . A croire qu’ils les provoquent eux-mêmes ! Pas de fumée sans feu, donc, d’autant qu’arrivé à ce mois de Juin, Jose Tomas est le grand gagnant, et le grand perdant de cette association. Gagnant parce qu’il sort en triomphe partout, régalant l’aficionado de moments de génie. Perdant parce que le ganado laisse parfois à désirer, et que le fait d’avoir, par solidarité à un combat qui n’est pas le sien, évité, contourné les grandes plazas et les grandes ferias, a mis entre parenthèses sa crédibilité. C’est avec cape, muleta et épée que Tomas est un géant, non avec un micro, dans un salon, devant une caméra…On l’a bien vu lors de sa dernière parution à «Tendido Cero ». L’aficionado ne souhaite les fâcheries de personne, mais on peut lui reconnaître le droit de râler, en lisant les cartels des grands rendez-vous, d’où est systématiquement absent son torero préféré.

 

VICENTE BARRERA NE VA PLUS TOREER, CETTE ANNEE

      14 Juin : Il suffit de si peu de chose : un double coup de malchance au mauvais moment, et une saison clef s’envole en fumée. On se souvient que, quelques jours avant Séville, le Valenciano Vicente Barrera était très spectaculairement blessé au bas-ventre, au cours d’une tienta, chez Jandilla. Quelques jours plus tard, le 30 Avril, un toro d’Alipio lui fracassait l’épaule gauche, en plaza de Mora de Toledo. Fracture de l’humérus qui, malgré les soins, malgré les efforts de tous, ne se réduit pas comme prévu. Le torero, qui suit tous les jours un programme d’entraînement et rééducation du bras blessé, ne progresse que très lentement, et vient de décider « de couper la temporada », ne pensant réapparaître que cet automne, pour les grandes férias d ‘Amérique du Sud, où il jouit d’un grand cartel  (Pérou, Colombie).

      Un pari, à la fois raisonnable et risqué :  Raisonnable, parce qu’appuyé « par une grande maison », celle des Lozano, et donc, la garantie de retrouver des contrats à son retour en Espagne, en Février 2001. Risqué, parce que le « train du succès » va très vite, et que les jeunes loups, très ambitieux, arrivent, occupant rapidement le terrain, c’est à dire, les postes offerts dans les grandes férias qui, elles, ne sont pas extensibles. Vicente Barrera pourra s’appuyer sur Valencia, dont il est l’idole, avec Ponce, mais il lui faudra batailler ferme pour triompher totalement aux Amériques, et gagner haut, la bataille des prochaines Fallas. C’est tout le mal qu’on lui souhaite. Cependant, une page vient d’être tournée.

 

LUIS FRANCISCO ESPLA, INDISPONIBLE POUR UN A DEUX MOIS

     14 juin : On le sait, les conséquences de la voltereta d’Espla, par un toro de Cuadri, en plaza de Las Ventas ont surtout porté sur la clavicule du torero. Outre la cornada, outre le terrible coup à la tempe, c’est au niveau de l’épaule droite que le coup fut très dur. Grave luxation qui vient d’être opérée à Murcie, mais plus d’un mois d’absence pour l’alicantino, qui perd ainsi « sa »  feria, et les Sanfermines de Pamplona, où il devait réapparaître, après un divorce tumultueux d’avec les penas.. La temporada 2000 sera des plus réduites et des plus noires, pour un torero qui, on le sait, ne souhaite pas toréer plus de 40/50 courses à l’année. Espla désire réapparaître avant un mois. A suivre.

 

FERIA DE JULIO DE VALENCIA, C’EST PARTI !

       14 juin : On le sait, Valencia est une des plazas les plus belles, mais les plus ardues à mener. Son Aficion est « volatile », et, si l’on peut la retenir au feu des Fallas, en Mars, il n’en va pas de même, en juillet pour la San Jaime. Nous sommes loin des années 60, où les figures remplissaient la plaza, pour des tardes historiques. Maintenant, malgré l’imagination et le talent des diverses empresas qui se sont succédées aux manettes, et la direction actuelle est reconnue de tous, plébiscitée pour renouvellement, le bon peuple « valencia » déserte la ville et sa canicule, pour aller « al campo », ou en bord de plage, siroter un peu d’ombre, de fraîcheur et de repos. Donc, dur dur d’amener du monde aux gradins.

     La feria 2000 se déroulera du 13 au 22 juillet, comptant de cinq corridas, deux novilladas et une corrida à cheval. Seul Ponce sortira deux fois, et l’on note encore l’absence de José Tomas et du Juli. A signaler que les ganaderias présentées seront en majorité de celles baptisées « dures », et qu’encore une fois, ce qui attirera le plus de monde sera « la desencajonada », soirée traditionnelle et populaire, où l’on débarque dans le ruedo les divers lots de la feria, les toros sortant, un à un, des cages où ils on voyagé, depuis leur lointaines dehesas. A voir absolument, pour l’ambiance, l’attente de « chaque ouverture  de cajon » et des réactions des toros, dans le bruit, la poussière et la fureur. Courses et bagarres au programme. Il s’agit de montrer qui est le patron ! Pamplona a son encierro, Valencia, sa desencajonada. Deux manifestations qui collent très bien à l’identité régionale respective, à deux aficiones différentes et complémentaires.

Voir la Feria de Valencia, dans la rubrique « carteles »
 

MADRID - « EL JULI », UN ECLAIR DANS LA NUIT DES MALFAISANTS

     15 Juin – Corrida de Bienfaisance : On ne pouvait rêver de meilleures conditions… Chaleur, pas de vent, la plaza pleine, le Roi présent, un cartelazo de toreros, une ganaderia… de garantie, la corrida de Bienfaisance 2000 réunissait tous les ingrédients pour un événement majeur.

     Elle dura deux heures, dont une heure quarante de protestations et de broncas, au début justifiées par la faiblesse et la pauvre présentation des deux premiers toros de Victoriano del Rio. Après deux changements du deuxième de la tarde, le brave public, mené par les célèbres râleurs, qui, cette fois, n’ont pas eu à forcer leur talent, s’est amusé à tout flanquer par terre, et comme les évènements lui donnaient en partie raison, ce fut un authentique désastre, Caballero subissant un nouveau camouflet face au seul toro encasté de la journée, Morante ne rencontrant aucun matériel possible, et jetant trop tôt l’éponge. Le Juli vit s’effondrer tous ses espoirs, en même temps que le troisième, et l’on partait ainsi vers un Waterloo taurin, de première catégorie. Nombre de ceux qui regardaient ce triste spectacle à la télé, avaient déjà zappé vers d’autres émotions. Même la pub était plus passionnante…

     Mais voilà, « los Toros, como los melones son ! », et le sixième sortit correctement présenté, allègre, brave et noble. Face à lui, un torero superbement présenté, de blanc et argent, allègre, brave et noble : Julian Lopez « El Juli » qui, dans des conditions impossibles, a retourné public et plaza, entrant définitivement dans Madrid et disant à tous « Voilà pourquoi je veux être Figura… voilà pourquoi je le suis déjà. Festival au capote, en recevant , calme, les premières charges du toro. Magnifique, l’envol tourbillonnant du quite par lopesinas, moins movido que précédemment. Chapeau l’imagination et le culot ! Superbe, le tiers de banderilles, avec force et vista. Mais, où le Juli a « planté » son chapiteau, c’est avec la muleta, où on le dit léger. Le toro est noble, mais il fallait le soutenir et le pousser. Il fallait le templer, et il fallait se croiser, comme le demandaient…les autres, là-haut ! Beaucoup d’exigences contradictoires, du toro et du public, dans une atmosphère explosive. Le jeune maestro envoya d’abord deux séries de droites, reposées, liées, veillant à ne pas trop déranger la noble charge du bicho. Sur les rangées, on applaudit à l’ombre, on râle un peu au soleil… « Et se croiser, jamais ? » Muleta à gauche pour une série très coulée, très bien tirée. Ovations, mais aussi vociférations… Puis le clair, le net, le définitif. De face, puis se croisant à outrance, allant au-delà du piton contraire, El Juli donna une nouvelle série de naturelles qui firent rugir la plaza entière. Formidable gamin dont on ne sait ce qu’il faut le plus admirer, le talent torero, l’intelligence, la bravoure. « Vous voulez que je torée comme vous l’exigez, voilà… Et maintenant ? » Maintenant, après deux adornos de mise en place, toute la plaza et des milliers de téléspectateurs ont poussé l’épée, avec le jeune matador, pour un grand pinchazo. Oooooooh ! ! ! Peu importe, le Juli repart pour une énorme estocade, et le toro, qui a sauvé l’honneur et la peau de son ganadero, s’effondre. Oreille ! Trophée qui importe peu, mais fabuleux moment offert par ce gamin magnifique, géant de 17/18 ans, torero de la tête aux pieds, qui vient de confirmer, à Madrid-Las Ventas, un soir de catastrophe, son statut de figura del toreo. Et cela fait bien plaisir à voir. Bravo Julien, et bonne route ! Même « le 7 » est aujourd’hui avec toi ! Et cela, ce n’est pas un mince exploit…

 

EL JULI : EN TOUS TERRAINS, EN TOUTES CIRCONSTANCES

      17 juin – On ne peut que saluer , après son triomphe incontestable, jeudi, lors de la désastreuse corrida de bienfaisance de Madrid, la force, la toreria du Juli, et sa psychologie du public. Qu’on le veuille ou no, un sacré gamin, et un sacré torero ! S’appuyant sur sa jeunesse, ses facultés physiques, sa muleta qui sait être puissante, et une épée, souvent « canon », Julian Lopez arrive, voit le toro, jauge le public et, en fonction de sa qualité aficionada, adapte sa prestation. Sérieuse ou baroque, classique ou musclée, son actuacion ne laisse jamais indifférent, et lui permet de couper les oreilles, en tous terrains, en toutes circonstances. D’ores et déjà, sa temporada est triomphale, parsemée de gros coups comme Les Victorinos de Castellon, le rabo d’Arles, la caste dont il a fait preuve à Séville, son passage tout à fait digne et reconnu à Las Ventas.
      Vendredi 16, Bilbao, pour la corrida célébrant le 700ème anniversaire de la Ville. On attendait la confrontation Ponce-Tomas-Juli…Que croyez vous qu’il arriva ? La corrida fut mauvaise, les Zalduendo, étant « limite » mais ce fut Juli qui coupa ! Samedi 17, Castellon et une aimable corrida de Bienfaisance. Les toros de Daniel Ruiz sont justes en tout, Plus de trois quarts de Plaza pour voir le phénomène, entouré de deux jeunes du coin, dont un, Ramon Bustamante , prend l’alternative. Face à « ce peu d’opposition cornue », c’est le Juli qui embarque tout le monde, et coupe trois oreilles, alors que les collègues rentrent à vide.
     A n’en pas douter, cela continuera ainsi quelque temps, et l’on ne peut que s’en réjouir, tant que le garçon est capable de gestes comme « lo de Victorino », et de donner des naturelles, comme celles de Madrid. Prochain triomphe programmé : Pamplona.

 

VICTORINO MARTIN : TEL PERE, TEL FILS !

      On sait la mésaventure arrivée il y a longtemps, au campo, à Victorino Martin père quand un de ses toros le surprit, le fit tomber de cheval , et lui laboura consciencieusement le dos à coups de cornes, le laissant pour mort dans un ruisseau où le ganadero eut la présence d’esprit de se traîner. Il vient d’arriver la même odyssée à son fils Victorino, il y a quelques jours, alors qu’il « voyait » la corrida de la feria d’automne. Un toro le chargea, le désarçonna et le tint près de 10 minutes à sa merci, malgré les cris des cavaliers et leurs tentatives de le distraire et l’attirer ailleurs. Blessé, Victorino « se fit tout petit », sans bouger, et au bon moment, s’échappa, battant selon ses dires, le record du cent mètres, malgré une côte cassé qui lui avait perforé le poumon. Coup de chance et coup de caste du « Fils de son père », et une mésaventure qui le rapprochera encore plus, si besoin était. Hospitalisé à Coria (Caceres), Victorino Hijo s’est remis, et parle avec sagesse de « ce que l’on sait du toro », c’est à dire… « jamais tout ». Et pourtant, dieu sait si un Espla, un Victorino Martin (père ou fils) en connaissent un rayon. Mais le toro reste le Toro, grand ou petit, brave ou soso, fort ou faible, astifino ou…
Il est  le seul qui sait … ce qu’il va faire.

 

JUAN BAUTISTA ET SEBASTIAN CASTELLA EN TRIOMPHE

      17 juin : Gros succès, à distances, et en deux catégories distinctes, des deux français de « la grande relève » Sebastian castella et Jean-Baptiste Jalabert. Le premier est sorti a hombros de la novillada ouvrant la Feria del Corpus de Granada. Triomphe important, devant une novillada de Collado de Santa Ana, malgré la blessure de Nîmes qui devait « tirer » encore. Comme dans le Gard où il a été remarquable, Sebastian s’est montré très torero, avec en plus, ganas et transmission. Le Sebastian d’Illumbe. Au cours de cette novillada a été gravement blessé Alberto Guzman.>
      Pinto est une « cité dortoir » à la sortie sud de Madrid. Le cœur en est ancien, et l’on peut y rencontrer beaucoup de jeunesse faisant bon ménage avec les Anciens, qui disent que « de notre temps… c’était la même chose » Sympa, Pinto .. Taurine aussi, puisque vient de s’y dérouler une corrida de toros, ce 17 juin, avec El Tato , Davila Miura , et Juan Bautista, qui a coupé tous les trophées du sixième toro de la tarde. On ne cesse de souligner les progrès de Bautista, et Manolo Chopera, lui-même, en faisait état il y a peu . Le triomphe de Nîmes, les diverses sorties et ce dernier rabo, aux portes de Madrid, confirment que les toreros français sont passés « une taille au-dessus » et Bautista en est le porte-drapeau, qui nous promet un bel été.

 

AIRE SUR ADOUR : QUAND LE RAMAGE NE VAUT PAS LES QUELQUES PLUMES

       18 juin : On a beau dire ! Une femme avec une poitrine magnifique mais qui louche, reste toujours « une femme qui louche ». Une femme belle, l’est des cheveux au bout des pieds. On admire et on salue, quel que soit son caractère. Il en est de même pour les toros. Un mètre d’envergure de corne à corne, sur un corps qui ne correspond pas, qu’on le veuille ou non, c’est surprenant, c’est impressionnant, mais ce n’est pas beau. Si de plus, la tête ainsi ornée, est pleine d’idées « pas très nettes », cela reste impressionnant, mais la déception est là, chez les aficionados, et chez les toreros qui passent peur, devant un bétail qui ne sert pas et un public qui les siffle parce qu’on lui a parlé de beaux toros.
       Trois quarts d’entrée et une chaleur d’incendie, à Aire sur Adour, pour la fameuse corrida de Palha, marquant le retour des toros portugais dans les plazas de France et d’Espagne. Retour sous haute surveillance, les carcasses , et jusqu'aux oreilles coupées, devant être brûlées, immédiatement après la course. C’est peut-être pour cette raison qu’aucun toro ne se révéla historique … « Tant que les vaches restent folles…nous, on ne charge qu’à moitié. Non mais ! »

      Deux hommes ont triomphé : Le pompier chargé d’arroser le ruedo, qui, en supplément, doucha joyeusement les tendidos du soleil , qui en redemandaient ; et plus sérieusement, Stéphane Fernandez Meca, avec une oreille et vuelta, respectivement, alors que l’on aurait préféré vuelta et grosse oreille, même si l’épée du quatrième sort en-dessous. Le français fut le seul à sortir son épingle du jeu, face à une corrida mansa, bronca, sans bravoure, mais mobile, percutant ça et là les piqueros, fusant de loin sur les capes « qui ne citaient pas », retournant, pour trois d’entre eux, aux terrains des torils. Marchant, regardant l’homme, qui, préoccupé par la largeur des cornes plus ou moins astifinas, courbait le corps pour faire passer l’animal, et l’échine sous les quolibets d’impatience. Pire encore : l’épée dans le corps, les quatrième et sixième semèrent la panique dans le ruedos, par des arreones, démarrages aveugles, terribles de force et de danger.

      Les hommes ont fait ce qu’ils pouvaient : Meca, au-dessus, avec un travail remarquable au manso quatrième qu’il sut aller chercher au toril, intéresser à la muleta par passes courtes en restant devant, jusqu’au centre, où le toro, convaincu, lui permit un joli toreo droitier, ponctué de longs pechos doublés. Le choses se compliquèrent à la mort, le toro sin fijeza, marchant sur le torero et le menaçant sur deux entrées méritoires. C’est pour cela que l’on pardonnera facilement la verticale transperçante.
      Jose Ignacio Ramos se multiplia aux banderilles, mais on ne lui pardonnera pas d’avoir tout plaqué au cinquième, qui a foncé sur tout ce qui bougeait, aux deux premiers tiers, prenant quatre piques, et en méritant quelques autres. Toro encasté, puissant, qui bloqua ses freins devant une muleta qui ne fit rien pour les desserrer. Juan Jose Padilla, même à Pamplona, n’en verra pas de si larges ou de si tordus… Il démarra fort, par trois largas au troisième, il banderilla musclé et vibrant, mais après, cela s’est gâté. Téléguidé depuis la barrière, le jerezano ne mit pas la fureur ravageuse, mais essaya de « faire les choses bien » devant ces diables cornus, et il se fit manger. Avis au troisième, et deux avis « avec invectives diverses » au « tordu sixième »
      Un des plus heureux à la fin de la course, tandis que Meca sortait ovationné, et les deux espagnols sifflés, était le chirurgien de la plaza : « Ouf, tout le monde s’en sort bien. Le public n’est pas raisonnable : Trouver des gars pour toréer « ça », et les siffler, pas correct ! ». Voilà quelques mots qui valent bien de trop longues resenas.

 

DIMANCHE TRIOMPHAL A GRANADA, PÂLE AILLEURS…

      18 juin : Grande corrida des Hermanos Garcia Jimenez, en plaza de Granada, où les toreros ont donné une grande tarde de toros. Alternative du « Fandi », novillero local, vedette de l’escalafon, qui eut le mérite de se présenter, de toréer, même banderiller, malgré un douloureuse lésion au coude droit. Oreille chaque fois pour le nouveau docteur, et gros coup de chapeau pour le courage. Manzanares a fait parler le duende, l’empaque et la fibre artistique, coupant une oreille au quatrième. Mais ici, le trophées comptent peu. Quand au Juli, il mit le feu et coupa les oreilles du cinq. Grande journée et bon début de cette feria granadina, souvent parsemée de moments historiques (On se souvient, entre autres, d’Ojeda, d’Ortega Cano)

      A Tolède, Joselito, Tomas et Morante se sont cassés les dents sur des Domecq. Aïe ! Les toros de Maria Luis ont déçu fortement, à Castellon, où l’un d’entre eux, fut banderillé de noir. Grande faena de Jose Luis Moreno, encore une fois gâchée par l’épée. A Madrid, la corrida de los Recitales avait été refusée, et les remplaçants de Hernandez Barrera « ont manqué de tout ». A Séville, la novillada de la Quinta a fortement déçu, car elle ne chargea pas. Seul Rafael de Julia salua deux ovations, tandis que les copains luttaient en vain.

 

« DON LUIS » PREND EN MAINS LA DESTINEE  D’ANTONIO FERRERA

      19 juin : Il est « un personnage » du Mundillo taurino. Tout le monde connaît ses lunettes et ces boucles argentées. Un gros cigare, une tenue toujours, un magnifique sens de la communication et une parfaite éducation complètent le tableau. Il est apoderado. Son histoire, très liée à la Casa Chopera, prit son total essort avec l’irruption , en 1991, de Cesar Rincon, petit torero Colombien, qui luttait depuis des années pour s’ouvrir les portes du vieux continent, alors qu’il était vedette dans sa Colombie natale. Des années durant, Luis Alvarez avait lutté avec et pour le petit indien, et leur équipée les avait amenés à dépasser de très loin le statut de torero et apoderado.Ils étaient une famille ». Cesar et « Don Luis »… où était l’un arrivait l’autre. Rincon mit ce qu’il fallait, en quatre héroïques tardes à Madrid, pour que « son nom parte aux étoiles » et Luis géra sa carrière de figura, avec la sagesse, mais aussi les aléas que lui réservaient le mundillo, les toros qui ne chargent pas toujours dans les moments-clef, les lésions qui entrecoupèrent le parcours du colombien. Un jour, les chemins se sont séparés, et les deux hommes mirent du temps à se rabibocher. Comme cela arrive souvent entre un père et un fils.

      Ce que l’on oublie volontiers, c’est que la carrière d’apoderado de Luis Alvarez n’a pas débuté, et ne s’est pas arrêtée à Cesar Rincon. De nombreux toreros sont passées par son appui, et la plupart n’eurent pas à s’en plaindre, sur le plan résultats financiers, en parallele ou après une carrière honorable, parfois discrète, dans les ruedos. On se souvient du lancement, dans les années 70 de « Simon » ; plus près de nous, le Morenito de Maracay, vénézuelien « tous terrains »… d’autres encore. Actuellement, Luis apodère entre autres, Miguel Rodriguez qui navigue bien souvent entre deux eaux, mais dont on connaît les qualités, Joes Antonio Iniesta, torero artiste, très fin, qui a toutes les carte en mains, mais… qui doit oublier une grosse cornada et secouer un peu sa placidité naturelle. Aux côtés de ces toreros d’esthétique, un typhon qui explose dans tous les sens, et fume dans le callejon des cigares plus gros que ceux de son apoderado. Il est vénézuelien et s’appelle Leonardo Benitez .
      Un apoderado se doit de chercher sans cesse, d’imaginer de nouvelles formules, de nouveaux noms à présenter, pour s’ouvrir le chemin des grandes empresas et des grandes ferias, pour peser sur les négociations. Il mène la carrière de ses poulains, et gagne sa vie, s’il réussit à les imposer. Donc, imagination, lucidité, un soupçon de roublardise, beaucoup de flair et surtout, d’Aficion.
      Qu’a donc Don Luis derrière la tête ? Il vient, ce jour de s’engager à « driver » la carrière d’Antonio Ferrera, torero extremeno, très connu en France, de novillero, qui a un instant flirté avec la première catégorie, mais qui depuis, est redevenu le bon torero animateur qu’il est, parfait complément de cartel, dont le talent repose sur ses facultés physiques, un spectaculaire et musclé jeu de banderilles, un goût prononcé pour le vibrant, l’électrique, le tonitruant. Il en faut, d’autant que parfois, une série de naturelles lentes et parfaitement templées rompt tous les schémas.Mené, en son début de carrière par Alain Lartigue, Ferrera était parti cette année, chercher vers Béziers une baguette qui ne s’avéra pas magique, et le voilà donc dans «l’équipe Alvarez ».
      Qu’a donc Don Luis derrière la tête ? Deux typhons, deux banderilleros, deux toreros animateurs «tous terrains». Un Vénézuelien qui doit s’ouvrir les portes «d’ici », un espagnol qui a déjà bien fonctionné aux Amériques… Aux côtés de ces deux baroques, un classique, qui banderille également et qui a brillé fort de l’autre côté de la mare… Et pourquoi pas ce cartel Rodriguez, Benitez, Ferrera ? Cela pourrait bien fonctionner en de multiples concerts mineurs, avant d’attaquer les grandes scènes… On se souvient du «cartel des Banderilleros» qui, dans les années 80, a sauvé plus d’une feria, remplissant la plaza et bien des escarcelles. Qu’a donc Don Luis derrière la tête ? A n’en pas douter, une idée torera et aficionada qui peut apporter. A suivre de très prés, avec beaucoup d’intérêt. Ferrera veut être torero. Il en deviendra peut-être riche…

 

GRANADA : CONDE EBLOUIT LES AVEUGLES

     20 juin : « Femme, donne lui une pièce, car il n’est pas de plus grand malheur que d’être aveugle à grenade » Un tableau en azulejos, à l’entrée de l’Alhambra… Dieu que c’est vrai…
     La feria du Corpus, traditionnellement fait écho à ces quelques mots d’amour et de douceur. Chaque année, la plaza Maestranza, résonne d’ovations très spéciales, d’apothéoses, d’œuvres sculptées, de « soupirs toréés » . La grandeza del Toreo, a souvent rendez-vous pour le corpus à Grenade. Le destin a bon goût.

      Finito de Cordoba et Victor Puerto, flanqués de l’incombustible Juli, sont les triomphateurs de ce début de feria, après la grande corrida de Dimanche. Mais il est un autre nom qui efface tout… Celui d’un torero baroque, fantasque, sublunaire, qui un jour d’été à Malaga a confondu toro et flamenco, emporté par les duendes, fortement dopés, ce jour-là. La tauromachie-danse, la tauromachie-ballet, la tauromachie-opera… Ce torero : Javier Conde. Il vient de rééditer ces arabesques, inspirées par on ne sait quel ange, dans une faena qui va marquer la temporada, sauver son année, et relancer sa carrière. Cape et muleta de soie et cristal, taille de jonc, les yeux noirs « perdus ailleurs », Conde a dansé sa faena, face à un excellent toro de Buenavista, laissant le public pantois, coupant deux oreilles et sortant « en volandas »… ce qui est le moins important. On ne parle pas ici de lidia complète, de faena entière. On parle de moments, d’éclairs, de soupirs…avant, pendant et après quelques muletazos  que même  les aveugles ont vus, ressentis au plus profond de leur nuit.

 

UN  TIRE-BOUCHON POUR LES OSBORNE

     22 juin : Sevilla – Corrida du Corpus – Osborne symbolisait il y a peu, outre la renommée des grandes caves, le Toro, dans toute sa splendeur. Il n’est pas un aficionado, pas un voyageur, pas un touriste, pas même un anti-corrida, qui n’ait sursauté, ne se soit exclamé d’admiration, en découvrant, au détour d’une courbe, ou se découpant sur le ciel bleu de Castille ou d’Andalousie, en haut d’une colline en bord de route, le « toro d’Osborne », gigantesque silhouette de tôle noire, bien campé sur des pattes solides, et défiant la visiteur, comme encampanado au milieu du ruedo. Le toro d’Osborne, c’est parfois aussi un robe très particulière, blanche mouchetée de noir, que porta au firmament de l’histoire, un 15 mai 66 à Madrid, le célèbre « Atrevido », toro ensabanado qui permit à Antonete « la faena » qui marque toutes ses biographies. 34 ans après, on parle toujours du « toro blanc » d’Antonete…
     Depuis, les choses ont bien changé. Les grands panneaux sont tombés et les toros d’Osborne, de même. Et ce n’est pas leur sortie de ce jeudi du Corpus à Séville qui va redorer le blason. Certes ils étaient beaux et deux d’entre eux « portaient blanc », mais hélas, les quelques relents de la noblesse d’antan s’effacèrent vite, derrière des fuites éperdues ou des velléités de charge vite éteintes par des forces chancelantes et une caste en grève. Plus que cape, épée et muleta, c’est des tire-bouchons qu’auraient dû porter les ayudas, dans l’esporton. Tire-bouchon pour qu’ils sortent du toril; tire-bouchon pour en arracher une passe digne de ce nom…Tire-bouchon.. ce qui est logique, certes, dans le cadre des grandes caves Osborne. Mais quand même ! Les toreros firent leur possible : Juan Manuel Benitez prit l’alternative, vêtu de noir et argent, magnifique costume un peu funèbre comme cette tarde où il ne put « péguer » une passe. On le devine artiste, styliste. Son visage, aigu et osseux, sa chevelure bien gominée, si noire qu’elle en est bleue, font penser à un autre gitan célèbre, de Jerez. Malchance, et espoir d’une autre opportunité. Pepe Luis Vazquez, bien enrobé, bien rougeaud, va au toro comme on demande pardon. Ce n’est pas nouveau, il est comme cela depuis novillero. Mais,  celui qui a vécu ses faenas de l’été 79 à Valencia, attend toujours de lui un éclair, un soupir, une caresse de toreo. Pepe Luis ébaucha trois muletazos de rêve, et s’arrêta, comme surpris de son audace. Davila Miura marqua sa sortie d’un gros coup d’épée, et perdit peut-être l’occasion de toucher le toro de la tarde, un joli blanc qui vint fort, mais se cassa une corne en entrant de loin à la pique.
    A la fin de la course, nul ne sait dans quoi les toreros allèrent-ils noyer leur chagrin, mais ce qui est certain, c’est qu’à Séville, pour le Corpus, la course d’Osborne est tombée… à l’eau.

 

UNE SI JOLIE PETITE PLAZA, LA-BAS, EN ARMAGNAC

     Elle porte, depuis le 5 juillet 1992, le nom de « Arènes Nimeno II ». Petite, coquette, toujours entretenue avec l’amour de l’aficion, elle est le rendez-vous de chaque « début juillet ». Quelquefois, on y souffre chaleur. Quelquefois, on y fait « sous-marin », suite à un de ces orages bien costauds qui pique une rogne au-dessus du Gers. Peu importe, on y va, par Aficion, par amitié, parce que l’on aime la convivialité, et qu’entre novillada du matin et corrida du soir, on peut y manger succulent et fumer le puro avec, à la main, un verre d’Armagnac, ce liquide précieux qui fait bondir et « rebondir » les toreros, habitués à des cognacs de plus ou moins haute lignée. Bueno !  On y va parce que l’on y est bien. C’est une petite plaza, mais « elle a un cœur grand comme ça »… Le nier, nul ne l'ose...elle s’appelle Eauze.

     Traditionnel rendez-vous donc, le 9 juillet prochain. On aura débuté les agapes dès la veille, avec vaquillas et becerras. Mais à 11 heures, le dimanche matin, on encouragera les novilleros qui batailleront ferme, devant du bétail « de la terre », en une novillada non-piquée et concours. Un règlement simple, des bravos pour tous, et des cadeaux pour chacun. A ne pas manquer.
     Le soir, à 18 heures, corrida et cartel de lujo, avec des Santiago Domecq, qui ont déjà brillé ici, parce que normalement présentés. En face, trois « grands couteaux » : Manolo Caballero, auteur ici, l’an dernier, de sa meilleure faena en France. Miguel Abellan, vainqueur de caste, à Madrid. Juan Bautista complètera le cartel. Il fera sa présentation, et nul doute qu’il va en surprendre plus d’un, marquant d’entrée des points dans cette zone, qui devrait être sienne, cette année, et mettant un point d'honneur à briller sur l'arène de son illustre ainé..
     Une petite plaza, mais une grande journée. Gastronomie et « toros ». Du pain et des jeux ! Que demander de plus ?

EAUZE : Infos et réservation au tel : 05 62 09 99 97. Fax : 05 62 09 79 20
Site web : http://www.citaenet.com/eauze

 

QUE C’EST TRISTE, UN TORO QUI MEURT SANS POUVOIR COMBATTRE

     24 Juin – Tolosa : L’esprit encore bousculé par le triste spectacle télévisé de la veille à Alicante, préoccupé par la lignée Algarra de la corrida du jour à Tolosa, l’aficionado attendait, dubitatif, la sortie du lot  de Manuel Criado, pour cette deuxième corrida de la San Juan. Beau temps, belle ambiance et l’amicale convivialité des basques, à l’occasion de cette journée des penas, seulement troublée dans la plaza par quelque placier, ou trop pointilleux ou légèrement imbibé. Contrôler l’EPO, d’accord, mais à quand celui du pacharan ?  Plus de 400 aficionados de la zone de  Bayonne et des  Landes s’étaient donné rendez-vous, pour une journée d’amitié et d’aficion. Accueil formidable, excellente ambiance. Pari, pour la deuxième fois gagné.
     Quel beau jeu ont les anti-corridas, en voyant « lo de Alicante », la veille, ou le début de la course de Tolosa . Quelle tristesse de voir un toro de combat, la fierté, la race-même des seigneurs tomber, ramper, se coucher demandant à tous « mais , qu’est-ce qui m’arrive ? ». Quelle tristesse de voir un toro sortir fort, droit comme un trait, et aller se fracasser, se tuer d’un coup dans le burladero d’en face, où un péon avait peut-être laissé trop de cape dehors. Quelle tristesse, celle des toros de combat, morts sans pouvoir combattre !
     Ce fut le triste début de cette corrida de Tolosa, et l’on avait peur de voir ainsi succession de génuflexions, regards perdus des fauves soudain devenus pauvres bovidés anonymes, haussements d'épaules toreras, troquant le traje de luces contre la blouse d’infirmier. On y échappa  de justesse. Heureusement, le reste de la course se tint à peu près, terminant sur deux toros forts et donnant à toréer.
     « Quel bon  infirmier est Caballero », titrait Zabala, pour Alicante. On pourra y ajouter un diplôme d’anesthésiste, en le voyant longuement citer l’invalide et noble premier, avec des airs de matamores, pour une longue faena qui, certes, eut le mérite de tenir l’animal, à peu près debout, mais égrenant l’ennui  à pleines seringues. Estocade sin puntilla libérant une oreille. Bon ! Le quatrième cogna fort dans un burladero, mais tint bon. Soigné au premier tiers, entendez, très peu châtié, il arriva sans grandes difficultés à la muleta d’un Caballero  conformiste et réitératif, traînant en longueur, tandis que le public bavardait tranquillement sur les gradins. Il tua vite et salua une petite ovation. Caballero a besoin d’une autre opposition pour démontrer son potentiel.
     Trois oreilles pour le Cordobes junior. Triomphe donc total. Bémol ! De fait, ce fut le triomphe d’un homme qui sort de trois cornadas successives, et lutte contre lui-même. Ces efforts méritent plus que trois oreilles, et la sincérité de Manuel Diaz a rallié tous les suffrages, même s’il débutait ses passes encorbado, pour se redresser après le passages de la corne, même s’il cachait derrière la vibration et les rodillazos, des facultés physiques encore hésitantes et un sitio intermittent. Il s’est battu, il a essayé de nombreuses choses et certaines ont bien marché. Le meilleur, la cape au quatrième, les fins de faenas, baroques en diable, après avoir toréé sérieux, l’estocade au cinquième en marquant les temps, et la sympathie vraie qu’il inspire auprès de tous les publics, les jeunes qui découvrent et les anciens qui retrouvent ça et là des gestes, attitudes et exploits de son géniteur. Ses deux toros étaient loin d’être commodes et le torero multiplia ses efforts, sans compter. Sympa !
     Double triomphe de Manolo , dont l’un très important : triomphe sur lui-même.
     Quel dommage qu’il manque à Eugenio de Mora ce brin de personnalité, ce poil de transmission qui fait d’un bon torero una figura. Grand et sec, le visage trop impassible, De Mora torée magnifiquement, mettant les reins, au capote, toréant lié, long et templé à la muleta, finissant fort avec l’acier. Il est l’auteur de la faena de la tarde, face à un troisième qui débute faible, mais qu’il va améliorer, au point de terminer en deux séries d’apothéose, en n’importe quelle plaza. Passes basses, tirées jusqu’au bout, avec lenteur et cadence, terminées de grands pechos. Le meilleur moment. Il entra fort, mais l’épée tomba bien bas, le privant d’une vraie deuxième oreille. Par contre, il ne fut pas complètement à l’aise face au sixième, bien présenté et costaud, qui jouait un peu les crabes dans la muleta. Faena débutée genoux en terre, toréant vraiment, et séries intermittentes, perdant parfois le tempo requis. L’épée, à elle seule, méritait une oreille, et le président en accorda deux, histoire de lui permettre la sortie a hombros, en compagnie du Cordobes.
     Tolosa, ne changez rien ! Tout au plus le président… qui distribue à tout va (17 oreilles en deux corridas) et oublie de sortir le mouchoir, se demandant longuement pourquoi les picadors n’entrent-ils pas. Gag ! Cela ne fait rien. Les efforts sont là. La plaza est belle, les toros sont ce qu’ils sont, comme ailleurs. L’aficion est vive, sincère, même quand elle se trompe un peu. La fête est reine et c’est là l’important.  Ne changez rien ! Viva San Juan, viva Tolosa, Aficion y Amistad ! 

 

ANTONIO CHAVES FLORES N’EST PLUS

     25 juin -  Séville et le monde Taurin pleurent un grand personnage, un grand torero. Samedi 24 juin dans la soirée, s’est éteint, après une longue maladie, Antonio Chaves Flores. Matador de toros en 1950, et passé au rang des subalternes en 1955, on se souviendra de lui  comme « le 3ème homme », puis comme un  des grands subalternes, en particulier à la brega.  On l’avait surnommé « el tercer hombre » quand, novillero, il marchait en tête du cartel réunissant les deux phénomènes  Litri – Aparicio, ne se privant pas, souvent, de leur donner leçon. Puis, après l’alternative, ne faisant plus partie du circuit, Chaves Flores prit le costume d’argent, devenant le péon de brega et banderillero que tous les aficionados des années 60 reconnaissaient. Qui allait voir El Viti ne pouvait qu’apprécier la brega de ce grand gaillard au visage à la Anthony Quin, efficace, toujours en torero. Parler du Viti amène toujours à parler de Chaves Flores, comme d’Almensilla pour Diego Puerta, comme du Vito pour Ostos.
     Antonio Chaves Flores toréa aussi avec Angel Teruel, s’essaya à « sortir des talents », révéler quelques jeunes. Il était réellement apprécié de tous, et il est probable que beaucoup, jeunes et vieux, l’accompagneront  ce jour, en sa dernière demeure.

 

DIMANCHE DANS LES RUEDOS : TORREON, EN HAUT – GUARDIOLA, EN BAS

     25 juin - Ce dimanche d’été sera partout marqué par de faibles entrées, malgré de beaux carteles. Les Empresas, même amateurs de foot, ont dû maudire ce dernier but de l’Espagne, contre la Yougoslavie, amenant la sélection à rencontrer les Français, ce dimanche à l’heure de « leur » paseo. Entrées moyennes, pour ne pas dire miséreuses dans la plupart des plazas, et en plus, l’Espagne a perdu… La poisse !
     A Alicante, les Torreon de Cesar Rincon  ont encore brillé. Présentation et noblesse, avec un quatrième toro remarquable auquel Espartaco coupa une oreille. Gros triomphateur, le Califa, qui réapparaissait : deux oreilles fortes au cinquième. Hélas, le triomphateur de Madrid devra repartir au repos, sa blessure à la main s’étant gravement réouverte. Le Morante  marque le pas, actuellement. La blessure de Séville et le mauvais passage à Madrid lui ont fait mal, et il n’a plus cette insolente facilité du début de saison. Attendre !
     Le début de la feria de Burgos a été marqué par la suprême faiblesse des Guardiola, le deuxième devant être puntillé dans la plaza. Manolito Sanchez coupa l’oreille du premier et Juan Diego, celle du sixième. Jean luc Jalabert ne put que constater les dégâts. 
     A Badajoz, qui a vu samedi l'indulto d'un toro de Victorino Martin, provoquant quelque division d'opinions, c’est un lot encasté de Ana Romero qui a fait la une. Ponce et Caballero ont coupé une oreille ; le Pedrito a amené quelques portugais à la plaza. Heureusement, sinon , « on tapait la belote à quatre ». Dommage.
     Tolède a , par contre, rempli sa plaza, parce que… El Juli passait par là. Triomphe du blondinet  avec une faena de deux oreilles, tandis que Cordobes et De Mora coupaient chacun un trophée. Le Juli est en train de tout renverser sur son passage, sortant pratiquement tous les jours, à hombros. Les toros étaient du Ventorrillo, bien présentés mais faiblards.
     Moins d’un quart de plaza à Madrid, avec des Penajarra de mauvais aloi. Madrileno n’a pu rappeler le bon novillero qu’il fut. Ruiz Manuel devra encore triompher en sa plaza d’Almeria, pour surnager. La seule ovation fut pour Canales Rivera, lui aussi, dans les basses eaux.
      Triomphe de trois oreilles pour Oscar Higares, face à des Albaserradas, à Navas de San Juan, du côté de Jaen. El Pireo coupa un trophée, et Rafi de la Vina fut ovationné.
      En France, dans le Sud-Ouest, la placita de Gimont vit l’alternative de Gilles Marsal. Il fut le triomphateur de la tarde, face à un lot de Guardiola Fantoni, renforcé d’un François André, en quatrième. Vuelta et oreille pour l’agenais,  nouveau matador français dont l’avenir semble sujet à question . Richar Milian, le parrain, et el Fundi, le témoin, coupèrent chacun une oreille.
     A St Sever, week-end taurin , et peu de grands souvenirs, sinon dimanche une corrida de Sepulveda , de présentation des plus moyennes, dont les deux derniers donnèrent du jeu. Triomphe de Juan Jose Padilla, excellent showman, arrachant deux oreilles. Sérieux Eduardo Davila Miura, vilainement pris à partie par un spectateur. Bonnes faenas, mal conclues à l’épée, mais oreille au sixième. El Tato, quant à lui, a de plus en plus de mal à passer la rampe.
     Dans le chapitre des novilladas, l’événement  du jour : la présentation, en plaza d’Albacete,  des novillos de Sonia Gonzalez, fille de son père… un certain Damaso. Bien présentés et d’excellent jeu, les novillos ont permis le triomphe de Abraham Barragan, Anton Cortes et Sergio Martinez. A Séville, silence partout. De même à Barcelone où un novillo del Alamo  fut banderillé de noir. A Béziers, Sebastian Castella coupe une oreille à un Marquis de Domecq, tandis que Cesar Giron donne un vuelta, mais écoute deux avis. A Tarascon, les Gallon ne sont pas mal sortis et Sanchez Vara, Ruben Dario et Jesus del Monte ont pu briller, à divers degrés.

 

LE « DUENDE » A QUITTE  JEREZ POUR BADAJOZ

    26 juin  - Badajoz : Vous souvenez-vous du petit duende qui accompagna  Curro Romero, un soir de mai, en plaza de Jerez (voir « actualité » de mai). Ensemble, les deux rêvèrent le toreo, et Curro coupa un rabo, laissant les aficionados pantois, pétrifiés d’admiration et d’amour pour le génial sexagénaire.
    Curro avait triomphé, sobrement, pour ne pas blesser son ami Paula. Heureux, le petit duende était parti vers d’autres arabesques, claquant les doigts d’une jeune gitane, soulevant sa robe au bon tempo. Il avait murmuré au guitariste des accords jusque-là inconnus, envahi la poitrine et la gorge du cantaor de quelques accents où pleure la chaude Andalousie. Adieu le duende, envolé. Quel souvenir !
     Voilà qu’il a remis cela. Voilà qu’ils ont remis cela ! Curro a fait ses valises, remontant vers le nord. Oh pas trop loin, pas trop haut… Badajoz, où, pour la quatrième de la feria de San Juan, il allait rencontrer Joselito, le mathématicien, et José Tomas, le funambule. L’un calcule, l’autre s’avance, reins cambrés, à la fois fragile et puissant, au fil des cornes. Un centimètre de plus ou de moins, et c’est la chute, la voltereta. Face à ces phénomènes, Curro Romero allait-il donc servir de faire-valoir ? C’était ne pas connaître Curro et son fidèle petit compagnon. Face à  un bon toro de Jandilla, Curro Romero vient encore de dessiner l’Histoire, en une géniale, souveraine faena, de celles que l’on ne raconte pas, mais que l’on vit. Le descabello le priva de la deuxième oreille, mais peu importe, la nouvelle a parcouru la planète « toros » comme une traînée de poudre, au soir de cette nouvelle apothéose d’un Curro Romero qui, décidément, ne laisse de surprendre, en 2000.
     Joselito a été bien, Tomas aussi. Les Jandilla de Fuente Ymbro ont été mauvais, sauf le quatrième, pour Curro. Normal ! Il faut dire que le petit duende était aussi… au sorteo.

 

GRAVISSIME BLESSURE POUR JUAN CARLOS LANDROVE

     27 Juin – Algesiras :  Il n’y a pas de « torero modeste ». Il n’y a pas de plaza de moindre catégorie, ni de feria mineure. Chaque soir, aux alentours de six heures, des hommes s’habillent d’or, dans la  luxueuse suite d’un quatre étoiles, ou dans une modeste posada. Mais chaque soir, ils se retrouvent seuls face au toro, et à leur destin… et ces deux-là se sont mis d’accord : Ils ne demandent ni le carnet d’identité, ni le relevé bancaire.
     Deuxième corrida de la feria d’Algesiras, avec des toros de Criado Holgado, très difficiles. Il y avait peu de monde dans les gradins. 
     Le drame s’est joué au premier de la tarde. Juan Carlos Landrove, torero local qui poursuit son rêve chaque année, s’apprête à descabeller. Le toro, impossible, l’attend et dans un dernier élan , va le prendre au niveau du bas-ventre. La corne va pénétrer dans la fosse iliaque droite sur une extension de 15 centimètres, et va remonter dans le ventre sur 25 cms, contusionnant diaphragme et sternum. Le pronostic est « très grave ». Tandis que le diestro était emporté à l’infirmerie, Juan Muriel prit la suite, mais ne put descabeller l’animal, entendant les trois avis.
     La corrida fut très dure, très mansa et les deux toreros en lisse, firent ce qu’ils pouvaient. Juan Muriel et Jose Maria Soler se sont montrés vaillants et toreros, avec un accessit pour le premier, dans quelques bons muletazos arrachés au sixième toro.
      Juan Carlos Landrove  est né le 10 mai 67 à La Linea de la Concepcion, toute proche. Il reçut l’alternative le 20 juillet 1991. Il a toréé 21 corridas en trois ans.

 

JOSELITO/JOSE TOMAS : CELA SENT LE ROUSSI…

     27 Juin : Ce fut tout d’abord un murmure. Puis quelques allusions, ça et là. Aujourd’hui, il n’est pas une reseña, en particulier à la radio, pas un compte rendu où il n’est fait état de la présentation « très limite », du manque de forces général, des corridas lidiés par la duo révolutionnaire de l’an 2000. Certains chroniqueurs et certains quotidiens réputés durs, vont très loin dans l’invective et soulignent le discrédit total que les deux diestros encourent ,à suivre ce chemin. Hier, à Burgos, on a été jusqu’à mettre en question la qualité-même du toreo de Jose Tomas, celui-ci ayant coupé deux oreilles à un toro, plus pour ces cites impavides devant un toro arrêté, que pour la réelle qualité de ses passes.
      Attention, le public est versatile. Il adore brûler ce qu’il a monté au  plus haut. La temporada 2000 est d’ores et déjà une tâche noire dans la carrière de Jose Tomas, qui va peut-être toréer plus cher, et couper plus d’oreilles que jamais, mais qui, par sa posture et la stratégie imposée par son «équipe», et dont il est complice, entame sérieusement le crédit que les Aficionados lui avaient ouvert… comme leur cœur.

 

GRANADA, ALICANTE, BADAJOZ… ET S’IL N’EN FALLAIT GARDER QUE TROIS INSTANTS…

     On les dit ferias secondaires, aimables. Les toros y sortent moins gros, moins aigus, c’est peut-être pour cela qu’ils chargent mieux… quoique. Les publics y sont plus festifs, plus indulgents, moins connaisseurs, dit-on…Les présidences y sont plus bénévoles… peut-être. Cependant, le toro est là, et à tout moment peut surgir une tragédie. Cependant les toreros sont là, et de leur mieux, vont vouloir triompher, car si les grandes ferias lancent les toreros, c’est dans les autres plazas qu’il faut maintenir son rang, couper des oreilles, « marquer des buts » . Et bien souvent, sur un laps de temps plus réduit, l’aficionado va vivre plus d’émotions que sur 28 spectacles à Madrid.
     Les ferias liées au Corpus et à la Saint-Jean viennent de se terminer. Granada, à l’ombre de son Alhambra, Alicante, chaudement étalée au bord de la Grande Bleue, et Badajoz, rugueuse comme le Portugal tout proche, viennent de fermer  leur plaza, quelquefois jusqu’à l’an prochain.  Leurs murs résonnent encore des cris et chuchotements, souvenirs de quelque apothéose ou quelque scandale majeur, de quelque moment de rêve, perdu parmi quelque grisaille… Et s’il fallait en choisir quelques uns, de ces moments ?
      A Granada, il y eut « triomphes et rapsodies », ovations et sorties a hombros. On a chanté « la différence » de Javier Conde, et Bayonne en jugera le 14 Août, au cours du « Don Juan » de Tavora, où le torero donnera libre cours, peut-être, à sa grandiloquence torera. On a chanté Manzanares et quinze muletazos « de los suyos ». Victor Puerto a confirmé un très haut niveau artistique et technique, malgré crise à l’acier. Presque tous ont triomphé, mais il en est un qui a sidéré le monde : « El Fandi ». Il est torero du coin, et ce jour, 18 juin 2000, était celui de son alternative. Rien au monde ne l’aurait empêchée, pas même un coude droit, fracturé quelques jours plus tôt. Appareillé, bandé, strappé, injecté, David Fandila a défilé, a reçu ses toros a porta gayola, les a banderillé, a toréé de muleta « tout à gauche »,  y montant muleta et épée, comme pour la diestre, a tué, avec le cœur et les tripes, malgré « son bras mou »… Le Fandi a reçu son alternative, et a triomphé. Exploit total,  inimaginable…. C’est « le » moment de la feria du Corpus 2000 en plaza de Granada. Même les Maures en ont  pâli... Les toreros sont vraiment faits d’un autre bois.
     Alicante la belle. Soleil et farniente. On aime y faire la sieste… les toros aussi. On essaiera d’oublier le lamentable moment signé Daniel Ruiz, et l’on gardera pour la bonne bouche quelque détail de l’un, quelque succès de l’autre, Jose Tomas, Finito, Luguillano… Mais il faudra attendre le dernier jour, 25 juin, pour vivre l’émotion torera, avec une grande corrida du Torreon, encore une, et « la » faena du Califa. «Triomphe au ralenti » titrait ABC : « Les muletazos se mourraient lentement… Main gauche en or et poignet de caoutchouc… Faena brève, juste, intense et pure…sensationnelle ! » Bon ! Lorsqu’apparaît un nouveau dieu, les chroniqueurs « affûtent leurs superlatifs »… Les « oui, mais » et les « Bof » arrivent trop vite après.  Pour le moment, el Califa, triomphateur unique de Madrid confirme son talent et sa toreria. Magnifique. Il confirme hélas aussi, une sale blessure à la main, celle de Madrid, qui vient à nouveau d’exploser en estoquant le toro du triomphe. Califa sera t’il à Pamplona ? Peut-être, mais le pommeau de l’épée est un terrible marteau, pilonnant à chaque entrée à matar la trop tendre cicatrice. Attendons et espérons.
     Badajoz a eu le regard du Dieu Aficionado fixé sur elle… Allez donc en extraire un moment... La corrida de Ana Romero…Le Juli… et bien sûr la nouvelle page d’histoire écrite par Curro Romero (et son acolyte !). Un événement chaque jour. Puis un moment, émotion suprême : la Grâce d’un toro.
     C’est comme une marée qui enfle, tout au long de la faena. Tandis que s’égrènent en cadence les muletazos, un murmure, un frisson parcourent la plaza. Un mouchoir fleurit, un cri jaillit : « Indulto ! » Les peaux se hérissent et soudain , on ne pense qu’à une chose : « Pourvu qu’il y arrive, pourvu qu’il ne tombe pas, qu’il ne gratte pas soudain le sol…Pourvu qu’il ne parte pas à tablas ». Tout le monde soutient et pousse le toro brave. Un mouchoir, puis des dizaines. Des cris par milliers… Indulto !  La grâce…La vie sauve !
     En bas, le matador n’est pas jaloux,. Au contraire, il montre, une fois de plus, l’allant et la noblesse du toro-dieu , lui prêtant sa gloire. Il se tourne vers le président… Celui-ci hésitera peut-être un peu, puis solennel, libérera les couleurs de l’espoir. Mouchoir orange. L’estocade sera symbolique, marquée d’une banderille, une blessure de plus, mais le toro repartira vers le corral, couvert de gloire, en attendant d’autres jouissances…
     C’était à Badajoz, le 24 Juin 2000…Le toro s’appelait « Pelotero », son matador, Pepin Liria. Le toro eut-il été gracié s’il n’avait été de Victorino ?  Nul ne le sait. Il ne prit qu’un puyazo, mais n’arrêta pas de charger. Alors, ne boudons pas cet instant trop rare…
     Trois ferias, trois moments, trois émotions… Des toros et des hommes.

 

UNE ALTERNATIVE DE REVE… MAIS NE REVONS PAS…

      Rafael Canada est un jeune comme des milliers. Cependant, depuis sa toute petite enfance, il a « marqué la différence ». Là où beaucoup veulent être plus tard pompier, ou camionneur, le petit Rafael a dit tout de go : « Je serai torero ». Et là-bas, en bord de baie de Chingoudi, la maman tailla ses premières capes et muletas. L’enfant d’Hendaye, perdu dans les images de Paula, Robles, rêva le toreo et transforma ce rêve en réalité. Les débuts furent ceux de tout novillero, faits de rudes batailles, de moults conseils, parfois divergents, d’encouragements vrais, de flatteries vaines, de triomphes réels, de trop de pinchazos.

     Aujourd’hui, An 2000, Rafael Canada va recevoir l’alternative, le 21 juillet, en plaza de Bayonne. Finito viendra, depuis Cordoue, le parrainer. Manolo, « todo un caballero », sera aussi là, pour l’encourager. Les toros seront du Marquis de Domecq. Vaya ! Une alternative de rêve, d’autant que la corrida sera télévisée en direct, sur Via Digital. Un véritable événement qui, à n’en pas douter, marquera la vie du jeune français. On ne peut que se réjouir d’un tel moment. Alternative de rêve, certes. Mais une alternative ne se rêve pas, elle se conquiert et se justifie. Elle est première marche d’un avenir que l’on souhaite florissant. Aussi, "Rafael, de verdad, te deseamos suerte. Mais, ne va pas rêver l’impossible… Le toro ne rêve pas ! Le public, non plus ! Des choses simples, bien faites, calmement, en torero… Tout ira bien."
     Né le 9 juillet 70, ayant débuté en piquée en septembre 96, torero de  « coupe artistique », Rafael Canada a  connu d’excellents moments cape et muleta en mains. L’épée, par contre a souvent posé problème. C’est arrivé à d’autres. Alors, rêvons un peu ! Par une soirée bleue de Juillet, télévisée en direct  de Bayonne, et pour le monde entier, un jeune Français devient matador de toros, et triomphe… Il faut y croire, et y croire nombreux, car nos rêves feront « sa » réalité, le 21 juillet. Que haya suerte, torero.

 

UN GANADERO EST MORT, UN MATADOR EST NE…

      29 Juin – Qui n’a entendu parler des toros de Paco Galache ? Ganaderia mythique de Salamanca, partie prenante des plus grands évènements taurins d’après guerre. Francisco Galache Cobaleda, était un vrai ganadero, exclusivement. Un légende vivante. Il avait 89 ans et a quitté ce jour, le Campo Charro, pour d’autres prairies où l’attendent de nombreux amis.
      Ce  29 Juin 2000, un matador est né. Il a pour nom Victor de la Serna, et a pris ce jour une digne alternative en plaza de Burgos. Oreille à son premier toro, en particulier grâce à une grande estocade, et une sérieuse volée au sixième, qu’il eut le front d’aller attendre à portagayola. Forte contusion à la jambe qui l’envoya à l’infirmerie. Joselito, le parrain, ne fut pas « dans un bon jour », ce qui semble lui arriver souvent. De plus, son second  « s’inutilisa », à peine sorti. Le Juli laissa, dit-on, passer un grand toro de Banuelos.

 

MORANTE DE LA PUEBLA : PASSAGE A VIDE !

     29 Juin – Ils ont tous connu cela. Cela s’appelle « un bache », un passage à vide. Les idées ne sont soudain plus si claires, l’insolente facilité s’est envolée, le costume pèse plus lourd, la muleta se fait plus pesante, l’épée plus tremblante.  Et comme par hasard, les toros se sont donnés le mot pour qu’au sorteo … On dit « mala suerte ! les toros n’ont pas servi » ou « si no fuera por la maldita espada !… »
     Tous ont connu cela, souvent suite à une blessure, à la rencontre avec un toro dont le regard les à fait soudain douter, suite à un de ces moments qui marque la vie d’un homme, dans sa chair ou dans sa tête.
     Morante de la Puebla a connu un mois de Juin désastreux. Le torero magique d’avant Séville n’a pas retrouvé son sitio, et les sorties de Madrid n’ont pas arrangé les choses. Il est vrai que le terrible coup de fouet de la cornada de Séville a de quoi « faire gamberger ».

     Outre la douleur physique, c’est la façon, la raison, le pourquoi, qui font réfléchir. Paquirri a presque perdu toute une saison à cause d’une flaque d’eau. Le 30 Avril 81, à Séville, il pleuvait fort. A son habitude, Paquirri alla recevoir le toro a partagayola, à genoux, à la sortie du toril. Cependant, l’endroit où il se plaçait toujours, était  envahi d’eau. Il s’agenouilla donc quelques pas en avant, plus près du toril. Le Torrestrella sortit fort et Paquirri  partit à quatre mètres de hauteur, en une horrible voltige. Cette cogida marquera sa saison, et le torero qui, quelques jours auparavant, ouvrait la Porte du Prince, patina soudain, bafouilla à Madrid et en d’autres ferias, jusqu’au jour où un toro, bien lidié, bien toréé, bien estoqué, le remit en selle. C’est arrivé à tous…
     Morante est dans un moment difficile. Quelques éclairs, comme à Tolède, puis à nouveau, le long cortège des jours sans soleil. Palmas, division, silencio… Là, les cris, les félicitations tapageuses des amis et de la cuadrilla, ne servent qu’à moitié. Le torero sait bien où il en est. Il convient d’être discret, mais présent. Et c’est maintenant qu’il va compter ses amis. Il faut être là, surtout. Il y a des « Tu n’es pas venu me voir, l’autre jour… » qui font mal, et les explications/excuses bredouillées à la hâte ne trompent personne. Il faut attendre… un jour, un toro, un moment… et garder confiance.
     Par contre, il vaut mieux, dans ses conditions,  faire partie « d’une grande maison », qui garantie les contrats et aide à passer le cap, le torero n’ayant pas la préoccupation de se la jouer à pile ou face, à chaque sortie. C’est la le défaut à la cuirasse. Morante a rompu l’accord prévu avec feu Don Diodoro, ne voulant pas continuer avec son fils . C’est un ami de toujours qui mène ses affaires. Il est indépendant et sans force, face aux grands décideurs. C’est aujourd’hui la faiblesse du  Morante. Cependant, un de ces soirs, la radio chantera que… quelque part, dans une de ces plazas de Dios, Morante de la Puebla « se reencontro », toréant comme un ange et tuant à recibir. C’est écrit, c’est fatal, et c’est bien ainsi. C’est fait pour nous rappeler, et leur rappeler, que les toreros sont de simples hommes, faits de chair et de sentiments, qui  vivent et font des choses surhumaines, et qu’eux aussi ont droit à des moments de flottement, des passages à vide. C’est fait aussi pour rendre leur triomphe plus beau, et le toreo plus grand.